Christine a huit ans et pétille d’intelligence. Si, avant d’éteindre, le soir, vous lui racontez une histoire comportant des nombres, elle vérifiera par un rapide calcul que vous ne lui dites pas de sottises.
Un jour, il y a quelque temps, elle s’était mise en colère contre sa mère, trouvant injustes des reproches que celle-ci lui avait faits lors d’une dispute avec sa sœur aînée. Elle protestait bruyamment et pleurait à chaudes larmes.
Bien que n’ayant pas vraiment écouté la querelle, je fus heureux de proposer mon aide. Comme j’étais à proximité de l’enfant, je l’ai prise par la main et l’ai attirée à l’écart. «Allons dans un endroit où nous pourrons parler seuls tous les deux», lui ai-je suggéré.
Elle s’est arrêtée de pleurer et bien que réticente, elle s’est laissée conduire dans le salon. Cela a pris quelques longues minutes d’hésitation. Puis, alors que nous sautions sur le vieux canapé – Christine ne s’assied jamais, elle saute toujours sur tout – je lui proposai le genre de défi auquel elle ne résiste jamais.
«J’ai un jeu pour toi. Peux-tu trouver dix qualités que tu aimes vraiment chez ta maman?»
«Pourquoi dix seulement?» rétorqua-t-elle. «Pourquoi pas cent?»
La colère de Christine s’était envolée. Les compliments sur sa mère s’enchaînaient, tel un collier de fraîches bulles de savon, roses et mauves dans l’air renouvelé. Ma mission était accomplie, la guérison en bonne voie, et des leçons apprises.
Nous n’avons pas eu besoin de parler plus longtemps. Je n’avais pas cherché à distraire Christine, je ne l’avais pas pressée d’oublier son accès de colère. Elle savait instinctivement que rien ne pouvait entamer son amour pour sa mère, surtout pas une petite querelle avec sa sœur. Sa frustration et son irritation n’étaient rien comparées au soutien infaillible qu’elle avait toujours reçu de sa maman, et ce, même quand elle ne l’avait pas mérité!
Ce soir-là, j’ai écrit une lettre à Christine pour la remercier: elle m’avait rappelé quelles sont les relations qui comptent vraiment dans la vie. Je ne voulais pas lui envoyer cette lettre tout de suite. Elle l’apprécierait davantage lorsqu’elle serait un peu plus âgée. Je l’écrivais d’ailleurs autant pour elle que pour moi. Je lui en ai gardé un exemplaire. Le jour viendra où je pourrai lui transmettre le message que voici:
Chère Christine,
N’est-ce pas curieux comme nos moments de grande frustration peuvent se transformer en joie profonde? J’ai été si fier de toi cet après-midi. Pendant un instant, j’ai cru que, toi et moi, nous étions partis pour une bagarre dans le salon, alors que j’essayais d’aider ta mère à te calmer. Puis je me suis dit: «Ne sommes-nous que deux dans l’histoire? Ne pourrions-nous pas être trois? Ne pourrions-nous pas faire une place à Dieu?»
J’ai su à ce moment-là que j’avais autant besoin d’aide que toi. Je n’allais pas résoudre ce problème tout seul. Je ne l’avais jamais fait et je n’allais pas commencer. Je crois que toi et moi sommes d’accord sur ce point.
Alors, j’ai demandé à Dieu de nous remplir tous deux de Son amour, de l’amour le plus pur que l’on connaisse. Je sais que tu apprends à apprécier cela. Je le vois à ta façon de rendre grâces à table, à ta manière de dire tes prières avec moi à l’heure du coucher: tu aimes vraiment Dieu et tu apprécies l’amour qu’Il te donne, à toi, à nous tous, y compris ta maman et ta sœur. J’aime comme tu pries pour les gens qui sont différents de toi et qui vivent dans des pays éloignés. Et j’apprécie particulièrement ta façon de te préparer à ta journée en chantant des cantiques dans la voiture quand je t’emmène à l’école.
Nous savons tous deux que Dieu, qui est l’Amour même, ne peut pas être terrassé par une puissance inférieure, même un «Goliath»! Ni par ces petites disputes familiales stupides comme celle que tu as eue aujourd’hui. Quand tu t’es arrêtée pour réfléchir à ce qui était le plus important pour toi, tu as changé presque immédiatement d’attitude envers ta maman, ne la considérant plus comme injuste mais comme ta meilleure amie. Alors ces bonnes pensées ont totalement balayé ta colère.
Je peux honnêtement dire que je n’ai pas été surpris quand tes paroles ont exprimé une ardente affection et de la gratitude pour ta maman. «Vas-y, Christine, ai-je pensé, tu tiens le bon bout!» Et c’était vrai.
N’est-ce pas merveilleux de voir comme notre confiance en Dieu guérit rapidement et facilement toute situation discordante? Je sais qu’Il t’a guérie quand tu as été malade et alitée, quand tu as eu peur de quelqu’un ou quand tu étais prise de panique avant certains contrôles à l’école.
Alors je veux te remercier de m’avoir aidé à faire une place à Dieu après cette scène de dispute. Et également de m’avoir rappelé qu’une seule prière suffit pour ouvrir la porte de la guérison pour chacun de nous.
Grand-papa
P.S. A mon avis, il existe plus d’une centaine de manières de t’aimer!
