Quelques semaines avant de commencer un nouveau travail, j'ai confié à mon mari que j'avais comme un creux à l'estomac. Je ne m'étais jamais considérée très créative.
Or, j'allais être amenée à écrire régulièrement pour un magazine. J'avais peur de manquer d'idées pour les articles qu'il me faudrait écrire.
« Mais tout le monde a un creux à l'estomac, m'a répondu gentiment mon mari, tu veux dire sans doute que tu as un nœud à l'estomac ! »
Ce début n'était guère prometteur pour quelqu'un censé savoir tourner ses phrases !
Qu'est-ce qui fait que l'on est « créatif » ou non ? Y a-t-il vraiment un endroit dans le cerveau qui stimule la créativité ? Les gouvernements et les donateurs privés dépensent actuellement des millions d'euros pour apporter une réponse à ces questions et développer l'intelligence artificielle. Mais peut on vraiment espérer créer des génies comme Einstein ou Shakespeare grâce à des produits chimiques et des puces électroniques ?
Dans son livre Why Religion Matters (De l'importance de la religion), l'historien Huston Smith reconnaît que si la science a progressé considérablement dans de nombreux domaines, il lui reste à découvrir une passerelle entre la conscience et la matière. Pour illustrer son propos, il cite un passage humoristique d'une histoire de Terry Bisson, auteur américain de science-fiction. En rentrant d'une mission d'exploration de la Terre, un extraterrestre fait part d'une découverte surprenante à son commandant:
« Ils sont faits de viande. »
« De viande ?... C'est impossible. N'ontils pas envoyé des signaux radio ? Des messages vers les étoiles ? »
« ... Les signaux viennent de machines. »
« Et qui a construit ces machines ? C'est avec les constructeurs que nous voulons prendre contact. »
« Ce sont eux qui ont construit les machines. C'est ce que j'essaye de vous dire. La viande a construit les machines. »
« ... De la viande pensante ! Vous me demandez de croire que la viande pense ! »
« Oui, de la viande pensante. De la viande consciente. De la viande qui aime ! De la viande qui rêve ! De la viande, c'est là le fond du problème ! » Si l'on estime que cette « viande » — autrement dit des processus physiologiques tel qu'un bombardement de neurones par le cerveau — est incapable de fournir le début d'une explication sur l'origine de notre étincelle créatrice, on peut sans doute se retrouver dans la question que se pose le poète dans le livre de Job: « La sagesse, où se trouve-t-elle ? » Sondez les sommets et les profondeurs de l'univers, dit le poète, l'œil humain ne la trouvera pas. L'Esprit divin est la source de toute compréhension et de toute inspiration (voir Job, chapitre 28). C'est cette vérité universelle qui a eu raison de mon estomac noué, il y a des années. Elle m'a aidée dans mon nouveau travail, et elle ne cesse de m'aider depuis lors.
Depuis des siècles, de nombreux courants spirituels reconnaissent que la créativité provient d'une source divine inépuisable. L'Ancien Testament, commun aux juifs et aux chrétiens, commence par cette phrase: « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre... Dieu dit: Que la lumière soit ! [illumination mentale]. » (Genèse 1:1, 3) Les livres sacrés de l'hindouisme, les Védas, déclarent pour leur part: « Au commencement, l'Amour est apparu, en tant que cellule germinale primitive de l'entendement. » (Rig-Véda 10.129) L'Amour est apparu. Comme, à mes yeux, Dieu est l'Amour divin, il me paraît naturel de considérer que l'Amour est le « germe » de la créativité. Quand, par exemple, j'ai des difficultés à écrire un article, je me demande comment m'aimer et aimer mon prochain davantage. Cela m'oblige souvent à renoncer à une part d'orgueil, de crainte ou d'égoïsme qui étouffent le processus créatif. Mais quand je suis prête à résister à toute pensée dépourvue d'amour ou de sollicitude, je trouve des solutions ingénieuses. Ni la chimie du cerveau, ni la vieillesse, ni l'éducation ne sauraient limiter la créativité de celui qui désire être un instrument de l'Amour inspiré.
Bien que n'appartenant pas à la catégorie des artistes en tant que tels, Jésus trouva des solutions d'une extraordinaire originalité pour nourrir une foule affamée, guérir des malades incurables ou sauver une femme condamnée à mourir par lapidation. On pourrait dire que le germe de sa créativité était son amour profond pour l'unique Créateur, l'Amour même, qu'il aimait pardessus tout. Cela lui donna le courage d'affronter le mal pour triompher de la pauvreté, de la maladie et de la haine grâce au pouvoir de cet Amour.
Quelqu'un demanda un jour à Gandhi, le grand leader du mouvement d'indépendance indien, quel était l'événement qui avait eu le plus d'influence sur sa vie. Il évoqua l'époque où, avocat en Afrique du Sud, il fut chassé brutalement d'un compartiment de première classe, dans un train, parce qu'il était indien. Cette inhumanité de l'homme envers l'homme le révolta. Mais cet incident fut le catalyseur qui le poussa à surmonter la timidité qui l'avait affligé jusque dans le prétoire. Décidant de ne pas rentrer en Inde, il resta sur place pour aider ceux qui étaient opprimés. Le soir même, il prit la décision de ne jamais céder devant la violence ni de recourir lui-même à la violence pour faire triompher une cause — idée qui a depuis inspiré des millions de gens.
J'ai beaucoup appris sur le pouvoir de l'Amour au contact des enseignements de Mary Baker Eddy, une femme profondément novatrice qui a découvert la Science de la guérison en étudiant la vie et l'œuvre de Jésus. Plus que toute autre figure des temps modernes, elle a accompli des guérisons qui se rapprochent de la façon dont Jésus guérissait. Non seulement elle a guéri des centaines de malades, mais elle a également résolu des problèmes de toutes sortes grâce à des idées puissantes. En 1894, au cours d'une période de sécheresse, le fermier qui lui livrait le lait expliqua que son puits était asséché et que ses vaches donnaient de moins en moins de lait. Lorsque Mary Baker Eddy en fut informée, elle déclara: « Ah ! Si seulement il savait que l'Amour remplit ce puits ! » Le lendemain, le fermier trouva son puits rempli d'eau. Pourtant il n'avait pas plu. Yvonne Caché von Fettweis et Robert Warneck, Mary Baker Eddy, une vie consacrée à la guérison spirituelle (Boston: The Christian Science Publishing Society, 2003), p. 182.
Chaque fois que mon propre puits créatif semble tari, ce passage écrit par Mary Baker Eddy dans Science et Santé m'est particulièrement utile: « L'amour pour Dieu et pour l'homme est le vrai mobile à la fois pour guérir et pour enseigner. L'Amour révèle le chemin, l'illumine, le désigne, et nous y guide. Les bons motifs donnent des ailes à la pensée, de la force et de la liberté à la parole et à l'action. » (p. 454)
« L'amour est apparu » et continue d'apparaître. Soyons certains que lorsque l'Amour est le mobile de nos actes, la créativité est au rendez-vous.
