L'expansion du christianisme au cours des cinquante années qui ont suivi la résurrection puis l'ascension de Jésus est à vous couper le souffle. Ce qui avait été une secte obscure issue du judaïsme étendait maintenant ses racines à travers l'Empire romain tout entier à une vitesse vertigineuse. Durant cette période vitale où le christianisme était en train d'émerger comme mouvement indépendant, les premiers disciples de Jésus différaient grandement dans leur façon de travailler, bien qu'ils fussent animés du même esprit.
Cette diversité est évidente dans les méthodes employées par trois des pionniers majeurs du christianisme: Pierre, Jacques et Paul. En dehors des Actes des Apôtres et des lettres de Paul, on connaît assez peu de l'histoire de cette période. Cependant, une chose est sûre: ces trois hommes ne se ressemblaient pas, tant en ce qui concerne leur approche des enseignements de Jésus, que dans leurs idées sur la manière de les rapporter. En dépit de cette différence, le résultat de leur travail a été de diffuser largement le christianisme et de l'enraciner.
Selon l'Évangile de Matthieu, Jésus a assigné à Pierre la mission de conduire son église. (cf. Matthieu 16:18) Pierre faisait partie des premiers disciples de Jésus, lequel l'a enseigné avec une attention toute particulière. En dernier lieu, Jésus lui a enjoint de « paître ses brebis » et « de le suivre » (cf. Jean 21:15-22). Pierre est devenu prêcheur et missionnaire, centrant son travail sur la guérison et sur la diffusion de l'évangile.
Son sens de la portée du message de Jésus s'est encore développé lorsqu'il a rencontré Corneille, un soldat romain que les historiens qualifient de premier « gentil » (païen) à s'être converti au christianisme. Grâce à cette rencontre, Pierre a compris que « Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu'en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable». (Actes 10:34, 35) La plus grande partie du travail de Pierre, cependant, se déroulait au milieu des Juifs ainsi que d'un groupe appelé « ceux qui craignent Dieu », composé de Grecs et de Romains qui adoraient le Dieu des Juifs mais ne s'étaient pas convertis au judaïsme.
Jacques, le frère de Jésus, a été le personnage-clé de l'établissement du christianisme à Jérusalem. « Jacques le Juste », à ne pas confondre avec Jacques le disciple, n'était pas un missionnaire au sens habituel du mot: il ne voyageait pas pour prêcher la Parole de Dieu. C'était un homme particulièrement pieux et sincère. Il a passé sa vie à adorer Dieu dans le Temple de Jérusalem. La tradition rapporte que les longues heures passées à prier avaient rendu ses genoux aussi calleux que ceux d'un chameau.
Mais la piété de Jacques, ainsi que le fait de demeurer à Jérusalem, ne l'ont pas empêché de jouer un rôle actif alors que le christianisme s'étendait à travers l'Asie Mineure et l'Europe. Le livre des Actes des Apôtres et les lettres écrites par Paul démontrent clairement le rôle central tenu par Jacques dans la nouvelle Église.
Selon une source qui n'est pas reprise dans le Nouveau Testament, Jésus aurait encouragé ses disciples à accepter Jacques comme guide. L'Évangile de Thomas dit en effet: « Les disciples dirent à Jésus: Nous savons que tu vas nous quitter.
Qui sera notre guide ? » Jésus leur répondit: «Peu importe où vous serez, allez à Jacques le Juste, pour lequel le ciel et la terre ont été manifestés.» Robert J. Miller, The Complete Gospels: Annotated Scholars Version [Les évangiles complets: version annotée] (Santa Rosa, Californie: Polebridge Press, 1994), p. 307. En fait, Jacques est devenu le leader des disciples de Jésus à Jérusalem.
Le travail accompli par Pierre et Jacques contraste avec le rôle joué par Paul dans les tout débuts de ce mouvement. D'abord pharisien parmi les pharisiens, il se peut même que Paul ait eu quelque chose à voir avec la lapidation de Étienne, premier martyr chrétien. La célèbre conversion de Paul sur la route de Damas l'a transformé: de persécuteur le plus connu du christianisme, il est devenu le plus éloquent de ses défenseurs. Son expérience l'a conduit à apporter le message du Christ aux gentils à travers toute l'Asie Mineure et jusqu'en Europe.
Paul a commencé son ministère dans la capitale syrienne d'Antioche, qui se situait dans ce qui est depuis devenu la Turquie. Dans ses voyages, à travers ses lettres aux églises, il est clair qu'il a eu à s'attaquer à la question de ce qui définissait un chrétien: de quelles traditions juives le temps était venu de se défaire et quelles valeurs restaient au contraire essentielles à la vie spirituelle de chrétien. Paul s'est efforcé d'assembler ses nouveaux convertis en communautés d'église actives. Travaillant avec des gentils, qui avaient été païens ou avaient fréquenté des synagogues juives, il a dû découvrir des moyens de développer un message susceptible de parler à un public dont la culture était ancrée dans le polythéisme plutôt que dans un judaïsme monothéiste.
Toutefois, Paul n'a pas agi seul. Il est venu à Jérusalem rencontrer Pierre et Jacques, ainsi qu'un autre missionnaire fidèle, Jean. Là, ils ont travaillé et prié ensemble, jusqu'à ce qu'ils parviennent à se mettre d'accord sur les conditions fondamentales à remplir par ceux qui souhaitaient devenir chrétiens. Ils ont eu à faire face au désaccord, mais leur foi dans le message de Jésus, la nouvelle naissance que l'on pouvait expérimenter grâce à ses enseignements, et l'impact de sa résurrection, leur ont permis de demeurer unis, malgré leurs différences.
Il est évident qu'aux premiers jours de l'Église naissante, il existait une grande diversité et même des conflits parmi ses membres, tandis qu'ils opéraient la transition nécessaire pour passer du judaïsme au christianisme. Toutefois, des leaders comme Pierre, Jacques et Paul sont restés soudés grâce à leur expérience personnelle du Christ, et au fait qu'ils étaient tous ensemble « ouvriers avec Dieu ». (I Corinthiens 3:9) Individuellement et collectivement, ils ont défini ce qui était essentiel pour celui qui désire être un disciple de Jésus.
Ces hommes illustrent parfaitement cette affirmation de Paul à l'église de Corinthe: « Il y a diversité de dons, mais le même Esprit; diversité de ministères, mais le même Seigneur; diversité d'opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous. Or, à chacun la manifestation de l'Esprit est donnée pour l'utilité commune.» (I Corinthiens 12:4-7)
