Jusqu’à l’entrée au lycée d’Emily, l’aînée de leurs deux enfants, et son mari, Chris, n’étaient guère sensibilisés à la question des adolescents rebelles. «Elle s’était toujours montrée joyeuse et reponsable», explique Linda, femme d’affaires à la retraite, aujourd’hui bénévole à plein temps, à Dallas (Texas), où elle habite. «C’était une enfant modèle !» Aussi, lorsque le comportement de leur fille a changé, Linda et Chris ont été pris au dépourvu. «Au début, nous n’y avons vu que la révolte classique d’une adolescente», explique Linda à , qui l’a interviewée. Mais au bout de quelques mois, il est devenu évident qu’il fallait faire quelque chose. «Le manque d’harmonie dans notre foyer et l’impossibilité de dialoguer avec Emily avaient pris des proportions inquiétantes, et cela nous attristait énormément, dit Linda. Cette situation affectait tout le monde. A ce moment, nous nous sommes vraiment mis à prier et nous avons demandé à un praticien de la Christian Science de prier avec nous.»
Pourriez-vous me donner des précisions sur le comportement de votre fille ? Quand vous êtes-vous aperçu que quelque chose n’allait pas ?
Lors de son entrée en seconde, elle a voulu faire partie du groupe très prisé de celles qui allaient soutenir en musique l’équipe de football américain de l’école. Tout le monde pensait que c’était gagné d’avance pour Emily. Mais elle a été la seule de toutes ses amies, avec une autre fille, à ne pas être acceptée. Dès le lendemain, elle a paru se désintéresser de tout. Peut-être y avait-il autre chose que nous ignorions. Mais le fait de rester sur la touche quand toutes ses amies défilaient sur le terrain – venant s’ajouter à tout ce qui accompagne, semble-t-il, l’adolescence – c’était plus qu’elle n’en pouvait supporter. C’est à ce moment-là que tout a basculé. Elle s’est repliée sur elle-même, piquait des colères, avait de mauvaises notes en classe, séchait les cours, quittait la maison en cachette.
Nous avons essayé de la discipliner, nous l'avons privée de sorite, nous avons même enlevé le téléphone de sa chambre. Mais tout cela n’a servi à rien si ce n’est à aggraver les choses. C’est ce qui nous a conduits à nous tourner vers Dieu.
Et qu’est-ce que la prière vous a apporté ?
Nous nous sommes rendu compte qu’il nous fallait reconnaître que Dieu était le vrai Père-Mère de notre fille. C’était Lui qui était en mesure de la guider, de la protéger, de communiquer avec elle. Nous devions nous efforcer de mettre de côté nos sentiments personnels pour prier avec le désir sincère de comprendre que Dieu gouvernait la situation, qu’il aimait cette enfant et S’occupait d’elle.
Notre rôle consistait à continuer d’aimer l’enfant que Dieu avait créée, celle que nous savions être la vraie Emily derrière son attitude d’alors, malgré la façon dont elle se conduisait.
Je suppose que cela n’a pas été facile.
Le fait que la situation soit devenue si absurde, si hors contrôle, nous a facilité la tâche, d’une certaine façon. C’était presque plus facile de voir dans le comportement d’Emily une sorte de mascarade qui ne pouvait nous abuser. Nous pouvions dire: «Cela correspond si peu à cette enfant. Nous savons qui elle est, comment elle pense et combien elle est adorable et attentionnée.» Il nous fallait seulement faire la distinction entre, d’une part, ce à quoi nous assistions et, d’autre part, ce que nous savions par expérience et que nous pouvions mieux discerner grâce à nos prières. Nous devions refuser de la considérer comme une adolescente perturbée. Il fallait garder ce cap chaque jour, durant toute la journée, et le soir, toutes les fois où nous ne savions pas où elle était. Nous priions pour savoir qu’elle était l’enfant de Dieu et qu’il était auprès d'elle, où qu'elle soit et quoi qu'elle fasse. Bien sûr, cela n'était pas toujours facile. Nous avons souvent eu peur qu'il lui arrive quelque chose.
Un jour, des amis d'Emily vous ont dit qu'elle avait parlé de suicide...
Oui. C'était terrifiant. Nous l'avons surveillée encore plus étroitement, ce qui n'a rien arrangé. En réalité, il nous fallait placer résolument notre confiance en Dieu, être sûrs que son vrai Père-Mère était toujours présent et qu'il prenait soin d'elle.
Je crois savoir que cela a duré presque deux ans. Vous avez dû connaître des périodes de découragement.
Ce n'était pas facile. Dans ces moments-là il vous arrive de penser que rien de ce que vous faites en tant que parents n'est bon, que votre enfant est dans une situation désespérée, et que votre éducation est un échec total. Le seul moyen de sortir de ce genre de pensées était, m'a-t-il semblé, de cesser de me focaliser sur la situation pour réfléchir à la façon dont cette triste expérience allait bénir notre famille. J'étais déterminée à faire en sorte que cette période ne soit pas du temps perdu pour nous tous. On ne pouvait la réduire à un simple effort de survivre jusqu'à la sortie du tunnel. Il fallait quelque chose de plus. Je me suis donc attachée à savoir que non seulement nous allions nous en sortir, mais que, par la suite, je ferais part de ce que j'aurais appris à d'autres. C'est cette approche – trouver le bien que pouvait receler cette situation – qui m'a permis de ne pas sombrer dans le découragement.
On pourrait se demander ce que vous pouviez trouver de positif dans une telle situation. Est-ce le bien que vous vous efforciez de voir en Emily ? Ou les enseignements spirituels que vous en tiriez ? Ou les bienfaits que vous en attendiez pour l'avenir ?
Tout cela à la fois. Je ne doutais pas une seule seconde de la bonté de cette enfant. Je savais que sa véritable identité n'avait pas disparu. Je savais aussi qu'il était bien pour moi de consacrer une part extraordinaire de mon temps à prier, ce que je n'aurais pas fait si la situation ne m'y avait pas obligée. Mes progrès spirituels étaient importants, et j'apprenais à faire confiance à Dieu comme jamais auparavant. Mais j'attendais avec impatience la fin de cette épreuve. Je savais que cela finirait bien. Je pensais à la joie que notre famille allait éprouver et au soulagement qu'Emily ressentirait quand elle serait à nouveau elle-même. Toutes ces pensées m'ont soutenue.
Quel a été le moment décisif pour Emily ?
C'est le jour où elle est tombée dans un coma éthylique lors d'une manifestation scolaire. Elle avait tellement absorbé d'alcool qu'elle est restée dans l'inconscience pendant 16 heures. Lorsqu'elle en est sortie, nous avons tous dit qu'il fallait vraiment que cela cesse.
Comme cet incident était arrivé à l'école, Emily a été exclue pendant une semaine. Pour qu'elle puisse retourner à l'école, nous avons dû participer à une thérapie familiale. Emily a subi un examen pour déterminer dans quelle mesure elle était dépendante de la drogue et de l'alcool. C'est ce qui l'a véritablement poussée à se réveiller. Le psychologue a expliqué à notre fille, qui avait alors 16 ans, qu'elle était alcoolique et le resterait toute sa vie, que c'était une maladie incurable, et qu'elle devrait assister à des réunions pratiquement tous les jours pour l'aider à gérer cet état.
Cela a été un choc pour elle. Ce qu'elle entendait ne concordait pas avec ce qu'elle avait appris sur son identité à l'école du dimanche, à savoir qu'elle était créée à la ressemblance de Dieu, qu'elle reflétait toutes les qualités divines – la joie, la maîtrise, l'intelligence, la force, la liberté – et que de ce fait, elle ne pouvait être alcoolique ni victime de quoi que ce soit d'autre. Rien de dissemblable à Dieu ne pouvait faire partie de sa nature.
C'est à ce moment qu'elle a décidé de prier. Elle s'est rendu compte qu'elle ne voulait pas seulement gérer cet état, mais le guérir. Et elle savait qu'elle pouvait être guérie par la prière.
Cela a-t-il été le cas ?
Absolument ! Il y a eu quelques petites rechutes au début, mais très vite tout est rentré dans l'ordre.
Emily est devenue active auprès de ses camarades, dans son lycée. Elle aidait ceux qui avaient un problème d'alcool. Elle a continué d'aller à des fêtes. Elle s'intéressait aux jeunes qui buvaient. Mais là, c'est elle qui ramenait chez eux ceux qui n'étaient plus en état de conduire. Le lendemain, elle allait les chercher pour les déposer là où ils avaient garé leur voiture.
Durant ses deux dernières années au lycée, elle a été nommée présidente du comité qui organisait les festivités lors des manifestations sportives. Bien qu'elle ne soit pas sur le terrain avec l'équipe des supporters féminines, elle était avec ses amies, non pas en tant que simple membre de l'équipe, mais comme responsable !
Qu'est devenue votre fille, quinze ans plus tard ?
Durant toutes ces années difficiles, jamais je n'aurais pu penser que mon enfant soit ce qu'elle est aujourd'hui. Elle est vraiment la personne que Dieu a créée, avec toutes les qualités merveilleuses dont Il l’a dotée. C’est un membre actif dans son église. Une épouse et une mère charmante, pleine d’amour et très présente – une bien meilleure mère que celle que j’ai été ! Elle me ressemble beaucoup, mais elle est surtout elle-même, c’est-à-dire unique.
Le plus étonnant à mes yeux, c’est que le bien en Emily n’a jamais été touché par cette épreuve. Quelle que soit l’importance des ravages que l’alcool ait pu sembler produire sur sa personne, cela ne pouvait affecter l’individualité créée par Dieu ni lui nuire. Je pense que c’est pour cette raison qu’elle n’aime pas parler de cette période ni s’en souvenir. Cela ne fait pas partie de son histoire, cela n’a en rien contribué à définir qui elle est. Pour Emily, c’est probablement le plus beau des bienfaits. Cette épreuve ne lui a laissé aucune cicatrice.
Et vous-même, qu’avez-vous retiré de cette expérience ?
On croit parfois que c’est notre rôle d’arranger une situation, de rétablir l’harmonie et, une fois le problème réglé, de passer au suivant. Mais quand je repense à cette histoire, je me rends compte qu’il ne s’agissait pas d’une simple épreuve parmi d’autres. Cela m’a préparée à mon rôle de mère pour les dix années suivantes, à toutes les expériences que mes enfants allaient connaître en tant qu’dolescents puis jeunes adultes.
Lorsque Emily était étudiante, elle a pris un semestre pour faire le tour du monde en bateau. Notre fils, lui, a fait du camping au Colorado, en plein hiver. Plus tard, il est descendu à moto jusqu’à la pointe de l’Amérique du Sud. Dans chaque cas, j’aurais pu me faire beaucoup de souci. Mais j’avais appris que, où que nos enfants aillent, leur Père-Mère Dieu est avec eux. Il les garde et les protège. Lorsqu’ils m’appelaient de ces endroits lointains, j’étais gagnée par l’enthousiasme en pensant aux expériences qu’ils faisaient, à l’indépendance qu’ils acquéraient. J’étais leur plus grand supporter et non une maman folle d’inquiétude. Cela m’était possible parce que je savais qu’ils n’étaient pas seuls, qu’ils étaient protégés, car Dieu était avec eux.
Voilà pourquoi l’expérience de notre fille est plus, à mes yeux, qu’un événement isolé. C’est un enseignement que j’ai utilisé bien des fois. Et à vrai dire, notre famille continue d’en tirer des leçons et d’en recevoir des bienfaits. Une longue suite de bienfaits.
Deux ans de prière pour quinze années de bienfaits, cela vaut la peine !
Il m’arrive de penser que, plus le défi à relever est grand, plus les bienfaits sont nombreux. Il se peut aussi que, plus cela prend du temps, plus les bienfaits durent, étant donnée l’importance des progrès.
Aussi extraordinaires que soient les guérisons instantanées, je dois avouer que celles qui ont pris du temps m’ont enrichie bien davantage.
    