Au moment où j'écris cet article, la neige a recouvert la ville d'un tapis blanc. Elle ne tardera pas à fondre. Comme la pluie, la neige touche toutes les surfaces exposées. Dans Le marchand de Venise, Shakespeare compare la pluie à la miséricorde. Il fait dire à Portia, l'un des personnages: «La vertu de miséricorde est de n'être point forcée. Elle descend comme la douce pluie du ciel sur ce bas monde.»
Qu'est-ce que cela a à voir avec la médecine ? En un sens, beaucoup ! La miséricorde humaine est plus que de l'indulgence. Elle traduit également le désir de soulager la souffrance humaine, ce qui est au cœur de tout système de guérison. Mais il existe une forme de miséricorde plus élevée qui est l'essence même de la médecine spirituelle, c'est-à-dire de la prière qui guérit. Il ne s'agit pas d'une miséricorde qui épargne au coupable la punition et la réforme, ce qui pourrait être une forme de cruauté à son égard. La miséricorde dont je parle est une qualité de l'Amour divin ou Dieu.
C'est une miséricorde que j'ai vu ma fille manifester récemment. L'une de ses filles s'était énervée à propos d'une chose sans importance. Au lieu de lui demander de se taire ou d'arrêter ces enfantillages, ma fille a tendrement pris l'enfant dans ses bras, l'a serrée contre elle et lui a doucement caressé la tête. La petite s'était manifestement mal conduite, mais elle s'est calmée presque aussitôt. Un instant plus tard, elle s'est libérée de l'étreinte maternelle pour courir joyeusement rejoindre ses sœurs et jouer avec elles. Cette compassion s'apparentait-elle seulement au lait de la tendresse humaine, à quelque facteur génétique ? Ou était-ce plus que cela ? En y réfléchissant bien, je pense que c'était «la douce pluie du ciel». De l'affection humaine qui s'épanchait d'une source céleste, divine. Cette caresse de l'Amour divin, exprimée humainement, a «lavé» – transformé – les pensées de l'enfant et changé son comportement. De toute évidence, il s'agit là d'une forme de guérison.
Mais cette touchante compassion humaine recèle un amour guérisseur plus profond encore.
L'origine de la médecine mentale spirituelle est Dieu, qui est toute bonté et qui nous a créés à Son image et à Sa ressemblance. J'ai constaté que la prière qui nous relie à cette vérité concernant la nature de Dieu et de l'homme est une prière qui guérit. Beaucoup ont remarqué que, de même que la neige a un rapport avec la pluie, la personne qui, avec humilité et grâce, a accumulé une réserve de bonté dont elle souhaite faire bénéficier l'humanité souffrante, est aussi celle qui est la plus apte à prier de cette façon. Elle est comme l'ingénieur qui, ayant maîtrisé les lois mécaniques, est le mieux à même de concevoir le pont ou le bâtiment le plus solide. Ou comme l'artiste qui sait comment combiner de façon harmonieuse les couleurs prismatiques grâce à sa connaissance des règles du cercle chromatique.
Je suis convaincu que personne n'a jamais fait preuve d'autant de compassion que Jésus le Christ, et que l'humanité n'a jamais connu plus grand guérisseur. L'homme Jésus incarna si bien le Christ éternel – la vérité concernant l'homme à la ressemblance de Dieu – que les deux noms étaient couramment associés quand on parlait de lui. Sa miséricorde était à la bonté humaine, même la plus noble, ce que la lumière de midi est aux premières lueurs de l'aube. Et cependant les deux sont liées.
A mes yeux, la miséricorde de Jésus était un état d'éveil spirituel, une conviction spirituelle. C'était la certitude vivante, inébranlable et profonde de la présence et de la réalité des idées spirituelles, là même où d'autres voyaient des objets matériels ou des caractéristiques mortelles. Précisément à leur place. Et au moment même où les autres voyaient un pauvre mortel malade ou pécheur, Jésus voyait la propre ressemblance de Dieu. Cela lui était possible grâce à cet état d'éveil spirituel qui avait son origine en Dieu. Ce n'était pas la personne de Jésus qui guérissait les malades et réformait les pécheurs, mais la miséricorde, ou amour spirituel de Dieu, qui lui était communiquée et s'exprimait à travers lui. Il en va de même pour tous ceux qui, aujourd'hui, suivent son exemple. Jésus a fait cette promesse: «Celui qui croit en moi [qui comprend et accepte la sainte vérité que Dieu m'a enseignée] fera aussi les œuvres [qui guérissent et transforment] que je fais.» (Jean 14:12)
Pour de nombreux penseurs, c'était et c'est toujours une théologie puissante qui change le monde – la plus «douce pluie du ciel» que l'on puisse imaginer – qui pénètre dans la terre assoiffée de la pensée humaine réceptive. Mais cette théologie est si simple qu'un enfant peut la comprendre. En fait, les enfants la comprennent plus vite que les adultes, car la théologie matérielle du monde n'a pas encore eu le temps de les éloigner de la réalité de Dieu. C'est peut-être pour cette raison que Jésus a dit: «Si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux.» (Matthieu 18:3) Si sa théologie rendait certains perplexes, Jésus démontra de façon systématique et naturelle qu'elle était vraie. C'est-à-dire qu'il en établit la validité par la guérison mentale. Malgré les apparences, Jésus ne changeait pas simplement des corps malades en corps bien portants. Même si les malades recouvraient la santé grâce à son amour, il faisait beaucoup plus que cela. Par ses guérisons, il établit la vérité de l'être. Il confirma ce qui existe réellement. Il discerna, grâce à la sagesse et la miséricorde divines, que là où les autres affirmaient que la matière était présente – malade ou bien portante – il n'y avait à ce moment même qu'un reflet spirituel de Dieu. Il ne voyait dans la matière et ses divers états que des croyances, et non la réalité tangible.
Selon Science et Santé avec la Clef des Écritures, le livre d'étude de la Christian Science, la théologie de la Christian Science est identique à celle de Jésus (voir p. 135). Ma modeste expérience me prouve ce que ce livre d'étude explique: l'existence matérielle et la maladie ne sont pas la réalité objective, mais les manifestations extérieures de ce que l'on croit. Ce point est fondamental. Dans la mesure où ces croyances cèdent aux idées spirituelles bien comprises, la matière retrouve son état «normal». Cessez de serrer entre vos mains un ballon gonflé, et il reprend sa forme initiale. Bien que je ne comprenne ni n'applique cette théologie de la miséricorde de façon aussi systématique que Jésus, je constate que le processus de guérison par la prière scientifique est aussi naturel que le fait de lâcher le ballon pour qu'il retrouve sa forme.
C'est pourquoi, à mon avis, il n'est pas sage, en général, de tenter d'associer le traitement d'un praticien de la Christian Science et la confiance dans des remèdes matériels. Compter sur des moyens matériels, comme un traitement médical, pour se guérir montre que l'on s'en remet à la matière, l'opposé de l'Esprit, pour être aidé. La prière pour la guérison adressée à Dieu montre que l'on fait confiance à l'Esprit, non à la matière. Il n'est pas vraiment possible d'adopter ces deux positions simultanément, pas plus qu'il n'est possible de monter et descendre en ascenseur en même temps.
Cela ne signifie pas qu'il faudrait cesser de prier pour soi-même quand on s'appuie sur des moyens matériels. Cette prière demeure un moyen cohérent et honnête de remettre en question une confiance en la matière qui n'a pas entièrement disparu et de prendre ses distances avec elle.
L'étude de la Christian Science n'exige pas que l'on renonce à sa liberté de choix. Nous sommes tous moralement libres, libres de choisir ce qui nous paraît le plus sage en la circonstance telle que nous nous la représentons. Nous devons admettre que ces choix peuvent être parfois difficiles, mais cela me rassure de savoir que Dieu n'abandonne jamais aucun d'entre nous, quels que soient le moment et les circonstances. Il est avec chacun de nous, aussi certainement que l'averse de printemps rafraîchit toutes les fleurs du jardin sans exception.
Certaines situations particulières échappent à la règle de sagesse énoncée plus haut. Il arrive que l'on soit obligé de suivre un traitement médical sans l'avoir véritablement souhaité. En pareil cas, rien ne fait obstacle à notre confiance en Dieu ni ne l'affaiblit, c'est pourquoi la prière d'une autre personne peut s'avérer très efficace.
Je ne veux surtout pas laisser entendre que ceux qui pratiquent des systèmes de guérison fondés sur la matière ne font pas preuve de compassion. Comme beaucoup, j'ai bien souvent constaté le contraire. Un jour, notre fille s'est cassé le bras. Le médecin qui lui a réduit la fracture n'aurait pas pu être plus attentionné et plus gentil avec elle, comme avec ma femme et moimême.
Cependant, il faut bien ajouter que derrière l'invention des méthodes et remèdes matériels il y a l'idée que l'existence matérielle est la réalité ultime des choses et que l'homme est un objet matériel.
J'ai constaté que la guérison spirituelle est basée sur l'expression miséricordieuse de l'Amour divin. Il me semble que cette expression est la justice dont l'humanité a soif. C'est la théologie, confirmée par la guérison, que tous aspirent à entendre et à vivre. Pour certains, c'est presque trop beau pour être vrai. Pour d'autres, c'est tellement beau que cela doit forcément étre vrai. Je suis persuadé que la théologie formant la base de la guérison spirituelle véritable est le «Consolateur» promis par Jésus. La vérité qui guérit, la vérité selon laquelle nous sommes le reflet parfait d'un Dieu tout amour, est le point central du message que la Christian Science doit faire connaître au monde. Sa valeur pour l'humanité ne saurait être surestimée. Du reste, Mary Baker Eddy définit en ces termes la Christian Science qu'elle a fondée: «... cette révélation finale du divin Principe absolu de la guérison mentale scientifique.» (Science et Santé, p. 107) Dans ce sens, la Christian Science n'est pas le pendant spirituel de méthodes matérielles. C'est la seule méthode de guérison au monde qui soit entièrement spirituelle dans toutes ses applications, et qui régénère à la fois le corps et l'esprit en faisant évoluer la pensée humaine d'une base matérielle à une base spirituelle, «... comme la levure transforme les propriétés chimiques de la farine» (ibid. p. 118). Par conséquent, elle est unique en son genre et ne peut se comparer à aucun autre système.
La «guérison mentale scientifique» a pour but principal de glorifier Dieu en faisant disparaître le péché. Pris dans son sens le plus large, le péché est la croyance à une réalité séparée de Dieu, l'obstacle ultime à la prise de conscience du lien qui unit l'homme à Dieu. La guérison, le retour à un état normal du corps, est un bienfait secondaire dans la guérison spirituelle. Les priorités dans la guérison mentale spirituelle sont celles que notre Maître a définies: «Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données pardessus.» (Matthieu 6:33)
Je crois qu'il n'est pas exagéré de dire que c'est Dieu Lui-même qui envoie à nouveau sur terre cette «douce pluie du ciel» qu'est la guérison mentale véritable. Que toute la terre s'en réjouisse !
