Il y a quelque temps, l'administration américaine recommandait à chaque famille d'aménager une pièce avec des portes et des fenêtres équipées de fermetures hermétiques au cas où se produirait une attaque chimique ou biologique. Ce conseil a donné lieu à des discussions sur l'efficacité d'une telle mesure, et à des recommandations inverses incitant à ne pas réagir de façon excessive ni à paniquer. Certains observateurs ont fait remarquer qu'il était plus important pour la population de se préparer mentalement à affronter de telles éventualités que de prendre des précautions physiques.
D'où la question: comment se prépare-t-on mentalement à affronter un danger potentiel ? On peut commencer par s'inspirer de l'exemple de ceux qui ont réagi avec courage et intelligence face à des situations particulièrement périlleuses. Dans L'Archipel du Goulag, Alexandre Soljénitsyne rapporte les atrocités commises sous l'ère stalinienne. Cette chronique très documentée comprend de brefs témoignages de personnes que les traitements les plus brutaux n'ont pas réussi à intimider. Soljénitsyne raconte que la liberté mentale et la paix intérieure que ces gens ont manifestées ont fini par obliger leurs oppresseurs à faire marche arrière. Il attribue ce courage à la capacité de transcender un concept de soi purement personnel et physique. Ces personnes ont compris, dit-il, que l'essence de leur vie était leur esprit et leur conscience.
Soljénitsyne ne sous-estime pas le renoncement à soi-même nécessaire pour atteindre cette clarté de pensée et cette paix intérieure. Mais il soutient de façon convaincante que le seul moyen de desserrer l'étau de la peur est de reconnaître sa véritable identité, qui est inviolable. Ces exemples attirent l'attention sur le genre de préparation mentale qui peut s'avérer utile en cas de danger. Comprendre un tant soit peu que l'existence spirituelle est une réalité diminue la peur.
En un sens, la pratique spirituelle a pour but de trouver ce «lieu sûr» de la conscience spirituelle. Le psaume quatre-vingt onze nous invite à demeurer «sous l'abri du Très-Haut», où aucun fléau ne peut entrer. Un écrit taoïste va dans le même sens: «Le sage se cache dans le ciel, c'est pourquoi rien ne peut lui nuire.» Chuang Tzu 19.
De nombreux enseignements spirituels apportent une aide efficace à ceux qui cherchent ce lieu sûr. Je me reporte souvent à ce passage d'un sermon de Mary Baker Eddy: «La demeure véritable en laquelle nous avons "la vie, le mouvement et l'être" est l'Esprit, Dieu, l'harmonie éternelle de l'Ame infinie.» (Pulpit and Press, p. 2) Je m'efforce de méditer cette idée le plus souvent possible durant la journée, et la nuit, quand je ne dors pas.
Une forme de prière très efficace, à mes yeux, consiste à choisir un texte spirituel et à en méditer la portée pratique. Ainsi, pour revenir au passage cité plus haut, je pourrais penser que, puisque tout le monde demeure dans l'Esprit, personne n'est prisonnier d'un lieu ou d'un corps physique, ni gouverné par ce corps. Entièrement spirituelle, la création de Dieu est plus libre que des oiseaux qui prennent leur envol. L'Être — l'Être unique que nous exprimons tous — est indestructible et éternel. Toute vie se meut dans l'harmonie de l'Ame, et l'Amour infini maintient l'univers en paix.
De telles pensées ont représenté pour moi un lieu sûr dans bien des situations: par exemple, dans un avion qui traversait une zone de turbulences lors d'un violent orage magnétique; lors d'une randonnée à skis dans une région aux avalanches fréquentes; quand il m'a fallu aider des amis ou ma famille à surmonter des disparitions soudaines et des maladies graves; ou tout simplement en plein embouteillage. Les pensées spirituelles sont plus qu'apaisantes. Elles transpercent la couche de crainte qui empêche d'entendre les directives particulières de l'Entendement divin, une intelligence qui demeure présente dans les situations les plus terribles et les plus dangereuses.
Étant donné l'enracinement de la croyance à la vie matérielle, il nous faut faire des efforts constants pour rester attachés à l'idée que la vie est dans l'Esprit. Mary Baker Eddy souligne ce point à la suite du passage cité plus haut: «L'ennemi que nous affrontons voudrait renverser cette sublime forteresse, et il nous incombe de défendre notre héritage.»
Cette allusion à «l'ennemi» m'aide beaucoup à clarifier mes pensées. La notion d'un ennemi évoque toujours l'idée que telle personne ou telle chose a le pouvoir de nous nuire personnellement ou de nuire à quelqu'un d'autre. Or, ce passage me rappelle que l'ennemi contre lequel je dois me défendre est un concept erroné de la vie: le matérialisme qui nie le pouvoir ou la réalité de l'Esprit.
A une époque où l'on parle tant de personnes malfaisantes et d'armes de destruction, il est important de garder clairement à l'esprit que le seul véritable ennemi est le concept que la vie est liée à la matière. Être conscient de la vérité spirituelle permet de lutter contre l'erreur du matérialisme et éliminera immanquablement la crainte et la souffrance.
Il semble bien plus facile de méditer la vérité spirituelle dans des moments de calme relatif. Mais parfois, même les idées dont on est intimement convaincu ne sont plus «que des mots» quand on se retrouve au cœur du danger. Pourtant, lorsque je repense aux périodes les plus difficiles de ma vie, je me rends compte que, dans chacun de ces moments, des paroles de vérité sont devenues pour moi des compagnes de tous les instants, un soutien me permettant de respirer, de marcher et de manger. Ces paroles de vérité m'ont permis d'aller de l'avant, heure après heure, même si, au moment où je les méditais, je n'étais pas forcément rassurée ni pleine d'espoir. Durant ces épreuves, j'ai reconnu la véracité des propos de Jésus, quand il affirmait que ses paroles étaient esprit et vie. Il est important de s'attacher aux paroles de vie en toutes circonstances, cela rend plus fort. La vérité de ces paroles constitue un lieu sûr.
Dans le recueil mentionné plus haut, Mary Baker Eddy cite également ces paroles de Jésus: «Le royaume de Dieu [autre façon de parler du lieu sûr de la conscience divine] est au-dedans de vous.» Puis elle ajoute ce commentaire: «Sachez donc que vous possédez le pouvoir souverain de penser et d'agir de façon juste, et que rien ne peut vous priver de cet héritage ni empiéter sur l'Amour.» (p. 3)
A mes yeux, cet énoncé est une prière universelle. Chaque individu étant la manifestation de Dieu, tout le monde a le pouvoir de penser et d'agir en accord avec Dieu. La conscience est innée et elle ne peut se perdre. Jamais la crainte, la colère, la soif de pouvoir, l'hypocrisie, la douleur, l'orgueil et la désinformation ne pourront priver quiconque de son héritage, héritage qui participe de la nature divine. Dans tous les pays, chaque dirigeant politique, chaque diplomate, chaque citoyen, chaque militaire, chaque policier, chaque pompier, chaque personne travaillant en milieu hospitalier reçoit de l'Entendement divin le pouvoir de penser et d'agir de façon sage et juste. Chacun de nous a le pouvoir d'affronter la crainte et le danger en comprenant que sa nature est par essence spirituelle et indestructible.
Cette exhortation à connaître notre pouvoir «de penser et d'agir de façon juste» signifie à mes yeux que le «lieu sûr» de la conscience spirituelle n'est pas un endroit dans lequel il faut s'efforcer d'entrer. Chacun de nous est partout en lieu sûr.
Mon peuple demeurera dans le séjour de la paix,
Dans des habitations sûres,
Dans des asiles tranquilles.
La Bible, Ésaïe 32:18
Pélerin sur la terre, ta demeure est le ciel
étranger, tu es l'hôte de Dieu.
Mary Baker Eddy,
Science et Santé avec la Clef des Écritures, page 254
