L’autre jour, le téléphone a sonné et un ami m’a crié dans les oreilles: « Je ne supporte pas ce travail ! Si je dois travailler là un jour de plus, c’est que Dieu n’existe pas. »
Il se sentait pris au piège. Comme la plupart des gens, il a besoin de travailler. Il est père de famille et prépare un diplôme universitaire. Son emploi n’est pas dans sa branche, mais il lui permet de payer les factures. Mon ami est si fatigué à la fin de la journée qu’il n’a plus beaucoup d’énergie pour étudier. C’est un cercle vicieux.
Je me souviens de mon premier job quand j’étais en faculté. L’entreprise qui m’avait embauché commençait à entrer toutes ses archives sur ordinateur. Or tout devait d’abord être enregistré sur microfilm. Alors, au début de la journée, je prenais un tiroir rempli de dossiers. J’ôtais les agrafes et je plaçais une feuille de papier vert entre chaque fiche. C’était tout. A la fin de la première journée, j’ai vu la pièce où on gardait les dossiers. Il y avait des classeurs sur des rangées entières.
Pendant les deux premières semaines, j’essayais de battre mon record de la veille. Combien de classeurs pouvais-je faire en une journée ? Mais la joie du travail accompli s’est vite estompée, d’autant plus que mes collègues n’appréciaient pas particulièrement mon zèle.
Nous n’étions qu’en juin, les tiroirs de classeurs étaient innombrables, et septembre paraissait bien loin. J’ai demandé à mon chef si on pouvait me donner une autre occupation. La réponse fut négative. Je n’avais aucune expérience, et ce travail devait se faire.
L’agencement du bureau ne permettait pas de beaucoup parler avec les autres, alors je me suis mis à parler tout seul. J’ai probablement commencé à me dire la même chose que l’ami qui m’avait appelé l’autre jour: Comment Dieu pouvait-Il m’avoir mis dans cette situation ?
Néanmoins je ne me suis pas plaint pendant très longtemps. Du plus loin qu’il m’en souvienne, on m’avait toujours dit que Dieu était bon. Je connaissais par cœur le dernier verset du Psaime 23: « Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie. » C’était une habitude pour moi de penser à Dieu comme étant à l’origine du bien.
De temps à autre, tout en vidant un tiroir, je pensais au fait que Dieu est l’origine de la vie, de ma vie, et qu’Il donne le bien. Cela a réveillé ma gratitude. J’avais besoin de ce travail. Sans lui, je n’avais pas assez d’argent pour poursuivre mes études. Il payait mieux que tous les autres jobs que j’avais eus jusque-là. Alors j’ai remercié Dieu pour cela.
Puis je me suis rendu compte que je faisais un travail utile. Toujours aussi ennuyeux, mais il devait être fait. Cela a beaucoup affaibli l’argument selon lequel je gaspillais mon temps et mon existence.
Le premier chapitre de la Genèse, qui parle de la création de l’homme et de la femme par Dieu, comprend cette recommandation: « Soyez féconds, multipliez. » Récemment, j’ai placé ces mots dans un contexte plus large. Ces mots me disent que notre vie est destinée à être productive, riche en bonnes œuvres, portant témoignage de la bonté et de l’amour divins.
Ce sens plus large m’a permis de remettre en question la notion qu’on puisse être inemployé ou inemployable, inutile ou incapable d’apporter sa contribution d’une façon ou d’une autre. Il nous est ordonné d’être féconds. D’être efficaces. De mener une existence d’une grande valeur.
Dans un court article intitulé « Les anges », la fondatrice de ce magazine, Mary Baker Eddy, écrivit: « Dieu vous donne Ses idées spirituelles, et à leur tour, celles-ci pourvoient à vos besoins quotidiens. » ( Écrits divers, p. 307) Quand je pensais à Dieu pendant mes heures de travail, je me sentais plus heureux. A la fin de la journée, j’avais encore beaucoup d’énergie pour faire d’autres choses.
Puis, en août, mon chef m’a demandé si je voulais changer d’occupation. Si je le voulais ! Il y avait un poste de commis à pourvoir dans la salle de rédaction. Je n’en croyais pas mes oreilles. C’était le travail dont je rêvais à l’époque. J’ai donc passé mon dernier mois d’été, et presque toutes mes autres vacances après cela dans la salle de rédaction.
Cette expérience m’a souvent rappelé que nous ne sommes jamais enfermés dans un emploi. Nous répondons à un besoin. Et nous pouvons garder à l’esprit l’ordre divin: que notre vie soit féconde. Nous avons aussi le droit divin de nous sentir comblés. Lorsque nous nous en tenons aux idées qui nous viennent de Dieu, notre existence est de plus en plus productive.
