Parler face à face, cœur à cœur, à un auditoire composé d’une ou plusieurs personnes: aucune forme de communication humaine n’est plus élémentaire que celle-la. Cette façon d’échanger des idées précède Socrate et le dialogue socratique. Jésus enseignait en s’adressant aux foules sur les collines de Galilée. La pionnière religieuse que fut Mary Baker Eddy, finit par faire de l’acte de parler en public une possibilité offerte à tous, dans le cadre des réunions de témoignages hebdomadaires de son mouvement. Et cela commença par le désir qu’eut cette femme de porter un message de découverte spirituelle sur le marché des idées. Dans le dernier quart du XIXe siècle, Science et Santé avec la Clef des Écritures, que Mary Baker Eddy venait de faire publier, remettait en question les idées reçues concernant de nombreux points scientifiques et religieux fondamentaux: la nature du matérialisme, le sens de la vie, l’existence, l’essence et l’accessibilité de Dieu, pour n’en nommer que quelquesuns.
Science et Santé affirmait clairement que le Consolateur promis par Jésus le Christ était venu. La Science, autrement dit les lois, de l’être spirituel, était gravée dans la Bible depuis toujours. Et à présent, une femme découvrait ces lois.
Les femmes parlent en public
Au XIXe siècle, un nombre relativement restreint de femmes s’exprimait en public pour défendre une cause. Ann Braude, spécialiste de l’histoire des religions, mentionne, dans le mouvement Quaker, des femmes prédicateurs qui, en plus de leur prêche, donnaient des causeries dans les universités et prenaient la parole lors de réunions où s’établissaient des traités avec les Indiens d’Amérique. Entre 1740 et 1840, de plus en plus de femmes prédicateurs évangélistes parlaient en public. D’autres femmes montaient à la tribune pour défendre la tempérance, les droits des femmes et pour s’opposer à l’esclavage. Où trouvaient-elles ce courage ? «Presque toutes attribuaient à l’inspiration spirituelle – à l’appel de Dieu – leur capacité de surmonter des millénaires d’enseignements théologiques traditionnels, de préjugés sociaux, ainsi que leurs propres doutes» Ann Braude, “ Answering God’s Call to speak ”, The Magazine of The Mary Baker Eddy Library for the Betterment of Humanity, Hiver/printemps 2002, p. 18., explique Ann Braude.
Mary Baker Eddy affronta ses propres doutes, mais elle aussi sentit l’appel de Dieu (voir Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. xi) et sut que d’autres allaient finalement devoir expliquer sa découverte et son auteur au public: «Il appartient aux siècles à venir de proclamer ce qu’aura accompli le pionnier.» (ibid., p. vii) Cependant, elle allait d’abord devoir «tailler le granit brut» (ibid.), rencontrant sur son chemin les deux pierres d’achoppement que constituaient l’hostilité et l’adoration, et être la première à faire face au public.
Mary Baker Eddy commence à donner des conférences
Les premières interventions connues de Mary Baker Eddy remontent aux séjours qu’elle fit dans le Maine, au début des années 1860. Mariée à un dentiste itinérant, Daniel Patterson, elle parlait alors de la vie dans le sud des États-Unis qu’elle avait connue, de la division du pays entre Nordistes et Sudistes, et du traitement «magnétique» ou mesmérique de Phineas P. Quimby. Les Patterson allèrent s’installer dans le Massachusetts, et là, elle continua de perfectionner ses talents d’oratrice en prenant la parole au cours des réunions d’une société de tempérance. En 1866, Mary Baker Eddy eut une guérison spirituelle remarquable qui la conduisit à découvrir «le Principe divin des enseignements et des œuvres de notre Maître [Christ Jésus]» (voir ibid., p. 19). A la fin des années 1860, elle commença à parler de ce qu’elle appelait à présent la Christian Science, essentiellement devant de petits groupes, lors de ce qui était communément appelé des conférences de salon.
En janvier 1879, Mary Baker Eddy écrivit à son élève, Clara Choate: «Je donne des conférences dans des salons depuis 14 ans, maintenant Dieu m’appelle à m’exprimer plus largement devant les gens.» L02463, lettre de Mary Baker Eddy à Clara E. Choate, 24 janvier 1879, Collection Mary Baker Eddy, La Bibliothèque Mary Baker Eddy pour le progrès du genre humain. Un an plus tôt seulement, Mary Baker Eddy avait commencé à prendre la parole dans des salles plus grandes et dans des églises. Elle prenait grand plaisir à dialoguer avec son auditoire, à le voir participer, et même poser des questions incisives. Ces premières conférences publiques étaient organisées sous les auspices de l’Association des scientistes chrétiens (ASC), formée par Mary Baker Eddy et ses élèves en 1876. Le rapport annuel de l’Association de janvier 1880 mentionne que sur une période de neuf mois se terminant en juillet 1879, Mary Baker Eddy avait donné 32 conférences à Boston, «attirant un auditoire nombreux» Clifford p. smith, Historical Sketches from the Life of Mary Baker Eddy and the History of Christian Science (Boston: La Société d’Édition de la Christian Science, 1992), p. 164.. Les lieux où elle prenait la parole comprenaient les tribunes les plus populaires de Boston, où l’on venait écouter des discours éducatifs et religieux: Parker Memorial Hall, Hawthorne Hall, Chickering Hall et Odd Fellows Hall. Les salles étaient de plus en plus grandes à mesure que son auditoire augmentait.
Le jeudi après-midi, Mary Baker Eddy donnait également des «conférences de salon sur la métaphysique pratique», au Massachusetts Metaphysical College qu’elle avait fondé, situé sur Columbus Avenue, et faisait payer l’entrée 0,25 US$. Le tarif qu’elle demandait équivalait à peu près (en dollars actuels) au prix d’une place de cinéma à Boston aujourd’hui. Qualifier de «bon divertissement» une causerie du XIXe siècle, ce n’était pas la rabaisser, car le mot anglais entertain qui veut dire divertir signifie aussi «garder à l’esprit», et c’est ce que Mary Baker Eddy et d’autres orateurs parlant de la Christian Science espéraient que leur auditoire fasse avec les idées qu’ils énonçaient.
A la recherche de talents
Ce que Mary Baker Eddy offrait à tous ceux qui étaient en recherche, c’était un «système» de guérison, et non la personnalité d’un découvreur. Elle estimait que d’autres devaient être capables d’apprendre, de prouver par eux-mêmes et de «re-présenter» cet ensemble de lois spirituelles. Alors Mary Baker Eddy se mit en quête d’étudiants de Science et Santé et de la Bible qui pourraient transmettre le flambeau, au moyen de tournées de conférences.
Étant donné la modeste compréhension de son système de guérison manifestée par ses premiers élèves, Mary Baker Eddy s’est probablement rendu compte assez vite que mettre en place un corps de conférenciers allait exiger de les instruire, de rechercher des talents sur le long terme et de beaucoup prier. «J’espère, très chère amie, écrivit-elle à Clara Choate, que, dans un avenir lointain, vous allez accéder au poste de professeur et conférencière. C’est un poste humble, solennel, sérieux, désintéressé, parfaitement sincère auquel nous devons accéder, avant de pouvoir être à même de communiquer les instructions venant directement de Dieu.» L02473, lettre de Mary Baker Eddy à Clara E. Choate, août 1879, Collection Mary Baker Eddy. Quelques années plus tard, dans le procès-verbal d’une assemblée de l’ASC, on lisait: «Mme Eddy conseilla vivement aux élèves de se préparer à parler en public, faculté constituant un complément important de la capacité de guérir du praticien.» Procès-verbal de l’Association des scientistes chrétiens, 14 février 1883, Collection Mary Baker Eddy.
La guérison d’abord, les conférences ensuite
Avec ce nouveau but (se préparer à parler en public), des talents d’orateur et une présence sur scène allaient devenir des éléments essentiels dans la trousse à outils d’un élève. La correspondance volumineuse entre Mary Baker Eddy et les conférenciers montre l’importance qu’elle attachait à la voix, à l’éloquence, à l’empathie, à la logique et au raisonnement clair, à la brièveté et à la simplicité. Elle souhaitait que le message évite «des abstractions confuses», qu’il soit sans méchanceté, et aimable envers les autres confessions religieuses.
Mary Baker Eddy estimait que ce qui préparait le mieux quelqu’un à cette forme particulière de discours en public, c’était l’expérience de la guérison spirituelle. Le Dieu qui guérit et la guérison chrétienne elle-même seraient des abstractions flagrantes, si l’orateur n’avait pas démontré l’aspect pratique du «Principe divin». Et le calme, la sagacité et la spontanéité nécessaires pour donner un traitement par la prière allaient se révéler des qualités vitales pour l’orateur, qui doit être capable d’adapter son message à son auditoire, selon les circonstances, et de répondre immédiatement aux questions posées.
Dans une lettre adressée au révérend George Tomkins, un ancien pasteur devenu conférencier de la Christian Science, Mary Baker Eddy le complimenta sur une causerie qu’il avait récemment donnée, en la qualifiant d’excellente, et elle lui confia que la lecture de cette conférence «m’a émue et j’ai versé des larmes de joie» V01624, lettre de Mary Baker Eddy à George Tomkins, décembre 1898, Collection Mary Baker Eddy. Après réflexion, cependant, elle lui écrivit de nouveau en soulignant la nécessité de préserver la simplicité de ses conférences. Sa pratique quotidienne de la guérison spirituelle serait son meilleur professeur dans la rédaction d’une conférence. «Votre conférence pour laquelle je vous ai félicité montre du talent et une connaissance de la Bible qui m’a touchée, d’où cette lettre que je vous ai écrite. Or ce n’est pas ce que l’esprit du public réclame pour le moment. Les gens aspirent à en savoir davantage sur la Christian Science. Et nos opposants sont tout aussi déterminés à les empêcher de s’informer sur le sujet. Ils ont besoin d’un enseignement simple et solide et le conférencier doit faire preuve d’une grande sagesse en ne donnant pas la viande avant d’avoir offert le lait de la Parole, et en pratiquant et prêchant avec douceur. Il est indispensable d’acquérir de l’expérience d’abord comme praticien, puis comme professeur et enfin comme conférencier.» V01631, lettre de Mary Baker Eddy à George Tomkins, 3 janvier 1899, Collection Mary Baker Eddy.
Lancement du Conseil des conférences
Les chercheurs de la vérité posent des questions. Mary Baker Eddy, lorsqu’elle s’exprimait en public, encourageait les questions, voyait dans le dialogue une méthode d’enseignement, aimait beaucoup échanger des idées et répondre directement aux sceptiques et aux critiques. Les occasions de s’exprimer en public allaient se multiplier à mesure que les scientistes chrétiens encourageraient les gens à poser des questions. Dans une lettre qu’elle adressa au révérend Irving Tomlinson, qui fut le premier membre du nouveau Conseil des conférenciers de l’Église à donner une conférence, elle écrivit: «Je vous suggère de préparer une conférence en vue de la donner aux journalistes et donc de rédiger une réponse adaptée à différents lieux. Prenez les questions qui préoccupent le plus le public et répondez systématiquement en Science.» L03643, lettre de Mary Baker Eddy. à lrving C. Tomlinson, 12 septembre 1898, Collection Mary Baker Eddy. En envoyant une nouvelle disposition statutaire pour le Manuel de L’Église au Conseil des directeurs de la Christian Science (voir encadré, p. 40), avec le nom de cinq conférenciers candidats, Mary Baker Eddy lança le Conseil des conférences de la Christian Science. Cette décision fut annoncée dans le Christian Science Journal de février 1898.
«L’Église est le porte-parole de la Christian Science...» (voir The First Church of Christ, Scientist and Miscellany, p. 247), écrivit Mary Baker Eddy en une autre occasion. A présent, la Christian Science, ce système de guérison spirituelle, avait un moyen d’expression public et systématique. L’Église Mère allait fournir des orateurs, et ses filiales, les églises du Christ, Scientistes, allaient organiser des conférences pour leur ville. Le Conseil des directeurs de la Christian Science était également autorisé à demander qu’une conférence soit donnée pour répondre à un besoin particulier, et plus tard, le fait d’offrir des conférences dans le milieu universitaire devint un élément important de la raison d’être des Organisations de la Christian Science à l’Université.
Des conférences pour les habitants de la ville
Un grand nombre d’églises filiales hésitèrent au début à adopter cette nouveauté. L’organisation d’une conférence exigeait en effet de sortir du confort des progrès spirituels personnels et du culte rendu ensemble à la Divinité, pour répondre aux besoins profonds des habitants d’une ville et quelquefois à leurs questions critiques. Mary Baker Eddy et les rédacteurs du Journal expliquaient avec persévérance l’utilité des conférences à l’aide d’abondants messages, d’instructions et de réimpressions de conférences.
Parmi les cinq premiers conférenciers, on comptait trois anciens pasteurs protestants: les révérends George Tomkins et Irving Tomlinson, et le pasteur presbytérien canadien, William McKenzie. Edward Kimball (orateur talentueux et ancien homme d’affaires de Chicago) et Carol Norton (un jeune homme de New York, plein d’énergie spirituelle, et cousin du poète Henry Wadsworth Longfellow) complétaient l’équipe de départ. Quelques mois plus tard, les deux premières conférencières furent nommées: Annie Knott (une Américaine d’origine écossaise, voir encadré, p. 35) et Sue Harper Mims (une femme de la bonne société d’Atlanta, au sud des États-Unis). En 1902, le Conseil était composé de 13 membres et comprenait un autre ancien pasteur, trois hommes qui avaient abandonné une carrière de médecin ou de dentiste pour la Christian Science, et deux juristes portant le titre de «Juge».
Présenter Science et Santé
Bien que ses idées fussent fermement enracinées dans la Bible, c’était la clef des Écritures, l’explication que donne Science et Santé de la signification spirituelle de la Bible et de son effet guérisseur, que Mary Baker Eddy désirait promouvoir grâce à la mission des conférences. Après tout, les conférenciers allaient prendre la parole dans un monde qui connaissait bien mieux la Bible qu’aujourd’hui. Au cours de l’année qui suivit la création du Conseil, elle écrivit à Irving Tomlinson: «Mes initiatives ne sont pas les miennes, mais appartiennent à Celui qui me fait agir. J’ai attendu, laissant la Bible avoir la préséance sur votre livre d’étude, que la pensée du public soit mieux éclairée au sujet de ce dernier. C’est pourquoi je demande que vos conférences mentionnent, de façon brève mais concluante, ce livre et son auteur. C’est sur ces deux cibles que l’ennemi tire et dirige ses plus grandes forces afin de les briser.» L03645, lettre de Mary Baker Eddy à lrving C. Tomlinson, 28 octobre 1898, Collection Mary Baker Eddy.
Dix ans plus tôt, elle répondait à un assistant fidèle et conférencier débutant, Alfred Farlow: «Je vous en prie, donnez des conférences, et faites tout ce qui est en votre pouvoir pour prévenir l’erreur et soutenir la vérité.» Et dans un post-scriptum, elle ajoutait: «Présentez le livre et cela aidera.» L01575, lettre de Mary Baker Eddy à Alfred Farlow, 25 juillet 1887, Collection Mary Baker Eddy.
Présenter les idées de Science et Santé. Donner du lait avant de donner de la viande. Mentionner Science et Santé simplement et directement. Mais parler aussi de l’origine et de l’auteur du système présenté. Voici ce que Mary Baker Eddy écrivit à un conférencier: «Il manque aux extraits de votre conférence le point central de votre démonstration; c’est un Shakespeare sans Hamlet. Vous avez cité Emerson sur un sujet que Science et Santé explique entièrement, mais vous ne mentionnez ni votre livre d’étude ni son auteur...» L08125, lettre de Mary Baker Eddy à Clarence Buskirk, 18 juin 1904, Collection Mary Baker Eddy. Lorsqu’elle vit, cependant, qu’un autre conférencier avait abondamment cité Science et Santé, elle lui demanda de cesser de citer une certaine page en entier, parce que ce procédé menaçait son copyright. «Vous avez la Vérité infinie sur le bout de la langue, dans toutes vos conférences: par conséquent aucune pénurie d’approvisionnement en pensées ni en expression.» L05305, lettre de Mary Baker Eddy à Septimus J. Hanna, 19 février 1905, Collection Mary Baker Eddy.
La découverte a une Découvreuse
Les attaques contre la réputation de Mary Baker Eddy, ainsi que la déformation de ses idées, constituaient des défis manifestes à relever. Toutefois, les erreurs par omission et les négligences commises par les scientistes chrétiens étaient également inquiétantes, quoique moins flagrantes. Pour Mary Baker Eddy, il y avait une différence évidente entre dire la vérité sur elle, ce qu’elle recommandait avec insistance, et se livrer à une glorification de sa personne, ce qu’elle tentait d’arrêter par tous les moyens. Dans un mot de félicitation qu’elle envoya à Irving Tomlinson, après qu’il eut donné sa première conférence, elle ajouta dans un post-scriptum: «... je vous en supplie, ne faites plus jamais autant mon éloge.» L03640, note de Mary Baker Eddy à lrving C. Tomlinson, 21 février 1898, Collection Mary Baker Eddy. Et elle demanda un jour à Edward Kimball de «raccourcir dans toute conférence que vous donnez les commentaires me concernant, rendezles aussi brefs que possible pour qu’ils soient éloquents...» L07606, lettre de Mary Baker Eddy à Edward A. Kimball, 19 janvier 1905, Collection Mary Baker Eddy. En d’autres occasions, elle donna des instructions aux conférenciers sur l’emploi exagéré des termes «Mrs. Eddy» et «Christian Science» dans leurs causeries.
«... Je pense qu’il est sage de mentionner comme il se doit dans chaque conférence le Leader de notre cause, écrivit-elle à Irving Tomlinson. Il ne doit pas être fait allusion aux insultes [subies par elle de la part des critiques], mais un mot doit être dit, avec clarté et force, sur les vertus (si elle en a) de celle qui a découvert et fondé la Christian Science, vertus indispensables pour faire avancer notre cause, et qui l’ont fait avancer, avec l’aide de Dieu, en la conduisant de l’obscurité vers la lumière. Est-ce l’homme ou bien Dieu qui l’a chargée de cette mission ? Dieu peut-Il se tromper ? Allez et faites de même, etc.» 15
Les lois ont leurs découvreurs. Tout comme il serait peu honnête de séparer Newton de la loi de la gravité ou Einstein de la théorie de la relativité, Mary Baker Eddy vit que séparer son nom et sa personne des lois de l’existence spirituelle qu’elle avait découvertes aurait un effet réducteur pour le système aux yeux du public. Occultez celui qui reçoit l’idée, et la société perd une bonne part du pouvoir divin qui a donné cette idée. Ayant une conscience aiguë du besoin grandissant de contrecarrer la déformation de son image et de ce qu’elle avait accompli, au moyen des faits véridiques sur sa vie, Mary Baker Eddy écrivit à Septimus Hanna, conférencier récemment nommé et collègue en qui elle avait toute confiance, ainsi qu’à sa femme Camilla: «Continuer à dire la vérité au public sur [mon] caractère réel aidera ceux qui étudient la Christian Science et fera avancer notre Cause bien plus que toute autre chose. Le christianisme dans sa pureté s’est perdu lorsque ses premiers défenseurs furent diffamés et tués. Ne laissons pas notre époque commettre la même erreur. La vérité en ce qui concerne votre Leader guérit les malades et sauve les pécheurs. Le mensonge produit l’effet opposé et le “malin” qui est à l’origine de tout mal à cet égard sait cela mieux que les scientistes chrétiens en général.» L03658, lettre de Mary Baker Eddy à Irving C. Tomlinson„ 14 septembre 1899, Collection Mary Baker Eddy.
L’auditoire: se concentrer sur ceux qui posent des questions
Rendre témoignage de la vie de Mary Baker Eddy était l’une des deux choses exigées des conférenciers (voir encadré, p. 40). Leur premier devoir consistait à «inclure dans chaque conférence une réponse exacte et juste aux propos avancés en public condamnant la Science Chrétienne» (voir Manuel de L’Église, art. XXXI, sect. 2), non pas simplement en tant que religion, mais aussi en tant que christianisme renaissant avec son effet guérisseur. Et en plus de la déformation délibérée des faits concernant la Christian Science, Mary Baker Eddy était sans doute surtout préoccupée par une autre forme de condamnation, à savoir l’ignorance du public ou le manque d’accessibilité à ces idées transformatrices. S’occuper de «propos... public» impliquait de s’adresser à un public, dans un lieu public.
L’édition de 1903 d’une brochure sur l’organisation des conférences, à l’usage des églises filiales, traitait une grande variété de problèmes d’organisation, un par paragraphe. Apparemment, Mary Baker Eddy a lu et corrigé cette brochure. Le paragraphe intitulé «Bienfaits» disait ceci à l’origine: «Les conférences sont données afin de toucher le grand public à partir de la tribune et dans la presse locale. Elles ont pour but d’élever la pensée des gens au moyen d’une vision correcte et bienveillante de la Christian Science. [...]» Les mots «et bienveillante» sont barrés au crayon et dans la marge, on lit: «“Correcte” est suffisamment éloquent et ne cherche pas à obtenir une faveur, Eddy.»
Lieux publics
La section de la brochure consacrée à la publicité expliquait que «les conférences doivent surtout présenter la Christian Science au public et devraient être données dans les lieux qui sont le mieux à même d’accueillir les gens. Lorsqu’elle est organisée dans une salle ouverte au public, la manifestation revêt un plus grand intérêt pour les habitants de la ville.» L05294, lettre de Mary Baker Eddy à Septimus J. et Camilla Hanna, 13 octobre 1902, Collection Mary Baker Eddy. Une note de la rédaction sur les conférences, parue dans un numéro de 1899 du Christian Science Journal, estimait que «dans certains cas, les neuf dizièmes de l’auditoire seront composés de gens qui ne connaissent pas du tout la Christian Science ou qui cherchent à s’informer davantage». L’église locale qui organise une conférence, poursuivait l’article, «devient un instrument de diffusion de la vérité sur la Christian Science dans toute la ville». L13067, Conseil des conférences de la Christian Science, 29 juin 1903, exemplaire avec des corrections faites par Mary Baker Eddy, Collection Mary Baker Eddy. Le concept était, et demeure, une innovation dans le domaine de la communication avec le public. Le siège de l’église gère un service de conférenciers; les églises locales peuvent demander à ce service la venue d’un conférencier professionnel; et grâce à la conférence, le public des environs de l’église est en quelque sorte débarrassé des préjugés et des malentendus relatifs à un enseignement qui est susceptible d’aider la ville et ses habitants à surmonter leurs difficultés, et qui peut apporter des bienfaits à ceux qui le mettent en pratique.
Conférenciers sans frontières
Au début de l’existence du Conseil des conférences, les conférenciers étaient affectés à des régions précises. Plus tard, cette restriction fut levée, même si, parfois, une approche régionale fut adoptée. Un réseau de chemin de fer fiable et relativement peu onéreux permettait aux conférenciers de se rendre presque partout aux États-Unis et au Canada. La première conférence donnée hors des États-Unis fut organisée en Grande-Bretagne, en 1899. Quelques années plus tard, après que les conférences eurent été traduites et imprimées en allemand, le «Champ» des conférences s’est élargi à l’Europe. La première conférence en Afrique fut donnée par le docteur Francis Fluno, un ancien médecin homéopathe, en 1909.
Écouter et s’adapter
Aucun auditoire ne ressemble à un autre. Aucun instant ne ressemble au suivant. S’exprimer en public avec efficacité, ainsi que donner une conférence, tient autant de l’écoute que de l’éloquence ou d’une bonne organisation. Instinctivement, Mary Baker Eddy se tenait à l’écoute du message divin, sur le moment même; pourtant, ce fut grâce à une expérience durement acquise qu’elle avait appris à l’adapter à son auditoire.
Les témoins de ses toutes premières causeries données dans les années 1860 la trouvaient cultivée sur le plan intelectuel, mais «... son raisonnement s’élevait si haut au-dessus du niveau ordinaire auquel nous nous trouvions que nous ne parvenions pas à comprendre ce qu’elle voulait dire.» Journal, mars 1899, p. 877. Dix ans plus tard, elle dut souvent affronter des auditoires indisciplinés et des questions incisives lors de ses conférences de salon, mais elle s’adaptait, répondant avec succès aux questions, les unes après les autres. L’une de ses allocutions les plus célèbres fut improvisée, donnée à la dernière minute, à l’aide seulement de quelques notes, devant un auditoire de 4000 personnes, au Central Music Hall de Chicago, en 1888. Coupure d’un journal non identifié citée dans Robert Peel, Mary Baker Eddy: The Years of Discovery (Boston: La Société d’Édition de la Christian Science, 1966), p. 178.
Mary Baker Eddy écrivit à une élève: «Chaque personne qui prêche la Christian Science devrait parler sans notes. “Pour toucher le cœur de ton frère, ton cœur aussi doit déborder.” Une fois encore je vous exhorte à laisser de côté les discours écrits... laissez Dieu vous donner l’éloquence, s’exprimer à travers vous, vous parler, à vous et à votre auditoire.» Voir “ “My remarks will be extemporaneous...” ”, The Magazine of The Mary Baker Eddy Library for the Betterment of Humanity, Hiver/printemps 2002, p. 14. La causerie, “ La Science et les sens ” fut publiée dans Écrits divers de Mary Baker Eddy, p. 98.
Conférences tournées vers l’avenir
La nécessité de s’adapter et de répondre aux questions profondes du public allait s’amplifier de façon spectaculaire au cours des décennies qui suivirent. Les guerres, les épidémies et les tragédies du XXe siècle allaient remettre en cause pour des millions de gens le sens de la vie et l’existence de Dieu. D’importantes institutions, notamment dans le domaine de la religion, allaient perdre crédibilité et soutien financier à mesure que la quête spirituelle devenait plus individuelle. La prospérité économique en occident et dans d’autres régions du monde allait créer un culte du confort.
Pourtant, au cours des premières années du XXIe siècle, l’attente d’une spiritualité logique, pratique, qui génère la santé, en fait le Consolateur promis par Jésus, a incité les conférenciers à apporter au public une réponse de plus en plus accessible, souple, créative et pleine de compassion. En outre, la révolution stupéfiante des moyens de communication a ouvert la porte à des possibilités nouvelles et étendues de transmettre un message rédempteur à ceux qui cherchent la vérité.
Annie Knott
Annie Knott était sans doute heureuse du simple fait d’avoir obtenu une place dans le Central Music Hall de Chicago, le 14 juin 1888. En compagnie de Susan B. Anthony et de 4000 autres personnes, scientistes chrétiens fervents et simples curieux, elle était venue ce jour-là écouter Mary Baker Eddy parler, sans notes, de «la Science et les sens». «Pour moi, se souvint-elle plus tard, il n’y avait pas de mots pour décrire cette merveilleuse causerie...» Moins d’un an plus tard, Mary Baker Eddy écrivit à Annie Knott: «Je suis très heureuse d’avoir de vos nouvelles et d’apprendre que vous progressez dans votre ministère. Il y a plusieurs Églises qui vont bientôt avoir besoin d’un conférencier. Puis-je leur donner votre nom ?» L08507, lettre de Mary Baker Eddy à Ruth B. Ewing, 23 février 1894, Collection Mary Baker Eddy. Dix ans plus tard, Annie Knott était l’une des deux femmes nommées au nouveau Conseil des conférences de la Christian Science. Sa première année à ce poste fut loin d’être une réussite.
L’année suivante, Mary Baker Eddy demanda à Annie Knott comment allait son travail de conférencière. «... je lui dis que je n’avais jusqu’alors reçu que très peu de demandes.» Annie Knott se rappellera plus tard que des amis lui avaient dit que «... les gens préféraient en général que le conférencier soit un homme...» Mary Baker Eddy lui répondit en disant qu’il n’était pas question «de laisser subsister cet argument» puis ajouta: «Vous devez vous élever à la hauteur de la véritable féminité, alors le monde entier vous recherchera comme il le fait pour Mère [un terme affectueux que les scientistes chrétiens utilisaient pour la Fondatrice du mouvement].» L04741, lettre de Mary Baker Eddy à Annie M. Knott, 5 février 1889, Peu de temps après, les demandes se mirent à affluer et Annie Knott les accepta, afin de prouver «qu’une femme peut déclarer la vérité et guérir les malades aussi bien qu’un homme» Voir Nous avons connu Mary Baker Eddy, (Boston: La Société d'Édition de la Christian Science, 1991), p. 61–62..
Annie Knott apprit à écouter au moyen de ses sens spirituels et à s’adapter. Lors d’une tournée de conférences, elle arriva à Salt Lake City, où on lui dit qu’un hypnotiseur donnait une série de causeries et «enseignait aux gens à prendre le contrôle de la pensée d’autrui». Annie Knott se rendit au théâtre où elle devait donner sa conférence, mais après avoir commencé, elle se sentit poussée à changer ce qu’elle allait dire. «Quelques mois plus tôt, Mary Baker Eddy m’avait conseillé de m’appuyer davantage sur ce que Dieu me donnait au moment de la conférence que sur ce qui était “fabriqué” d’avance, et c’est ce que j’ai fait dans ce cas. J’ai laissé de côté mon texte habituel et je me suis mise à expliquer clairement la distinction entre la Christian Science et l’hypnotisme... sans critiquer ceux qui croyaient au mesmérisme ou hypnotisme.» Elle apprit plus tard que l’hypnotiseur était dans la salle et avait eu l’intention de prouver qu’il serait capable d’influencer l’oratrice au moyen de la suggestion hypnotique.
Ce qu’on sait moins à propos des conférences
• Au tout début de l’existence du Conseil des conférences de la Christian Science, le Manuel de L’Église prévoyait que les conférences s’inscrivent dans le cadre des réunions de témoignages du mercredi, dans les églises du Christ, Scientistes.
• A un moment donné, l’Église du Christ, Scientiste, avait un Conseil de missionnaires. La disposition statutaire donnant naissance à ce Conseil parut dans la première édition du Manuel, en 1895, trois ans avant la création du Conseil des conférences de la Christian Science. Les missionnaires pouvaient être envoyés là où il n’y avait ni praticiens ni professeurs de la Christian Science, pour donner des conférences en public. Le Conseil des missionnaires fut dissous en 1906.
• Reflets du goût de l’époque pour les discours longs employant un langage élégant, les premières conférences duraient parfois deux heures ou plus.
• De nombreuses conférences ont été écrites pour une occasion unique. Dès le début, Mary Baker Eddy encouragea les conférenciers à prendre l’habitude de reprendre un message de base, en l’adaptant aux circonstances et aux lieux. Elle trouvait aussi utile que les conférenciers fournissent une copie de leur conférence aux journaux locaux. Aux XIXe et XXe siècles, les causeries étaient considérées comme des événements importants sur le plan social, éducatif et religieux. Par conséquent, il était courant que les journaux impriment le texte de conférences, même très longues.
Devoir des conférenciers Article XXXI
Devoir des conférenciers. section 2. Il est du devoir du Conseil responsable de l’organisation des Conférences d’inclure dans chaque conférence une réponse exacte et juste aux propos avancés en public condamnant la Science Chrétienne, et de rendre témoignage à la vie du Pasteur Émérite. Chaque membre enverra au Secrétaire de cette Église des copies de ses conférences avant de les donner.
Manuel de L’Église Mère, p. 93
    