L'existence humaine est fondamentalement contemplative, déclare Betty Jenks: «Elle concerne les idées et leur pouvoir de façonner les êtres et leur vécu.» Mme Jenks est praticienne et professeur de la Christian Science à Boston. Depuis quarante-cinq ans, elle aide des gens à découvrir le pouvoir qu'ont les idées de guérir les maux et de résoudre des situations difficiles, pouvoir d'idées justes fondées sur la nature spirituelle véritable de l'homme dont l'origine est en Dieu.
En entrant dans son appartement de Massachusetts Avenue, on découvre un univers mental plein de vie, où règnent l'humour, la sérénité et une atmosphère intellectuelle enthousiaste. Bien qu'elle ait dû interrompre ses études de littérature française à l'université de Chicago à cause de la Deuxième Guerre mondiale, pendant laquelle elle servit au sein de la Croix-Rouge américaine en Europe, Betty Jenks a conservé intact son amour de la philosophie, de la littérature et de l'art. Elle vit entourée de livres. Dans tout l'appartement, des emplacements confortables où étudier et prier sont marqués par la présence d'exemplaires de la Bible et de Science et Santé avec la Clef des Écritures de Mary Baker Eddy, les deux livres à la base de son œuvre de guérison. Les quarante-huit volumes de la Bible Anchor occupent deux rayons entiers, en dessous d'œuvres poétiques. J'aperçois des noms de philosophes, de mathématiciens, et la République de Platon. Dans le monde de Mme Jenks, les œuvres de grands prosateurs du XIXe siècle comme Henry David Thoreau et Victor Hugo font bon ménage avec Wired, l'un des grands magazines actuels de l'informatique
Qu'est-ce qui vous intéresse chez des artistes comme le poète Frost ou Picasso ?
Ils représentent à mes yeux l'exploration et la découverte, une spontanéité constante, la fraîcheur. L'individualité infinie de l'Ame. Oui, l'individualité.
Y a-t-il un rapport entre leur monde et votre activité de praticienne de la guérison ?
Absolument ! Leur monde est totalement immatériel. Ils me donnent des idées. Les idées s'épanouissent à l'infini.
Comme leurs œuvres parlent d'idées – de créativité, d'intelligence, de pensée – ces artistes sont avant tout engagés dans une activité métaphysique.
En un sens, oui ! Les artistes sont à leur manière des philosophes. Ils cherchent des réponses aux questions essentielles. Tout comme Mary Baker Eddy. J'ai toujours apprécié la remarque de Bertrand Russell, selon qui Pythagore, le philosophe et mathématicien qui influença profondément Platon, était «un mélange d'Einstein et de Mrs. Eddy» Cité dans Plato in 90 Minutes [Platon en 90 minutes], Paul Strathern, (Chicago: Ivan R. Dee, 1996), p. 10..
Pourquoi, selon vous, Russell a-t-il réuni ainsi Einstein et Mary Baker Eddy ?
Au nom de la science et du christianisme. On sait qu'Einstein s'est quelque peu intéressé à la Christian Science. On sait aussi que Mary Baker Eddy était non seulement chrétienne, mais également scientifique.
Quand on ne connaît pas les écrits ni les découvertes de Mary Baker Eddy, on peut se demander en quoi son système de guérison serait scientifique.
La science est la connaissance des faits et des lois considérés dans un système ordonné. Mary Baker Eddy voyait des faits et des lois dans les enseignements de Christ Jésus. Pour elle, ce sont ces faits et ces lois qui permettaient à Jésus d'accomplir des guérisons. La connaissance qu'il avait des faits et des lois de l'existence – impliquant que l'existence est, en réalité, cent pour cent spirituelle, cent pour cent créée, gouvernée et ordonnée par Dieu, et par conséquent cent pour cent bonne – cette connaissance lui donnait un pouvoir sur la matière ou sur la vision matérielle des choses. Mary Baker Eddy a perçu que cette connaissance donne à chacun le même pouvoir, ce qu'elle a prouvé dans sa vie.
Tout le monde a des opinions ou des convictions. Mais avoir des opinions et des convictions, c'est comme être dans un tunnel. Quand on est à l'intérieur, on n'a pas la vue d'ensemble. On a un sens erroné des choses. La guérison spirituelle commence par une image correcte.
Quelqu'un peut croire, par exemple, que 2 + 2 = 22. Mais il ne pourra jamais le prouver, puisque c'est faux. L'équation 2 + 2 = 22 peut sembler logique à première vue, mais ne tromperait pas quiconque connaît la vraie nature des nombres et les principes mathématiques. Selon la vue correcte, 2 + 2 = 4. Il ne s'agit là ni d'une conviction ni d'une opinion, mais de la vérité.
Comment reliez-vous cela à la vue d'ensemble et à l'image correcte de la personne que vous aidez par la prière ?
Je dois commencer par des faits scientifiques. Cela requiert de l'intégrité. L'intégrité est un attachement sans réserve à une éthique, à un code de valeurs morales, à des valeurs artistiques. Dans le cas de la guérison spirituelle, on pourrait dire que l'intégrité consiste à «rétablir l'état originel».
Imaginons que vous soyez un patient. En priant pour vous, je m'attache sans réserve aux faits scientifiques concernant votre être, votre identité spirituelle d'enfant, ou reflet, de Dieu. Je reconnais votre état originel, votre perfection spirituelle, et je reste sur cette position, mentalement, dans un esprit de prière.
Je fonde ma méthode de traitement – ma prière – sur ce qui vous lie à Dieu, l'Esprit infini, un lien qui ne peut jamais être brisé. C'est cela la vue d'ensemble. L'Esprit est tout, et il n'y a pas de matière. Il n'existe aucun état matériel ni aucune opinion matérielle qui aient un rapport avec vous, avec Dieu ou avec ce lien qui vous unit à Dieu. Cette vérité au sujet de votre état originel renvoie à ce que les auteurs de la Genèse ont si bien perçu: Dieu a créé chacun de nous à Son image et à Sa ressemblance. (Voir Genèse 1:26-27) Dans cette description biblique de la création, nulle mention n'est faite de friction, de discordance, de maladie, d'infirmité, de pénurie ou d'inharmonie.
Je suis impressionnée par le nombre de philosophes de l'Antiquité qui, dès l'époque de Pythagore, ont conclu que seules les choses invisibles sont réelles.
Les grandes figures de la Bible ne furent pas les seules à en venir à cette conclusion.
C'est tout à fait vrai. De nombreuses personnes ont entrevu la réalité métaphysique de la vie. Socrate a montré l'importance des idées, tout comme son disciple Platon. Ce sont les idées qui comptent. Les personnages de la Bible ont compris qu'en s'attachant aux choses invisibles qui sont réelles, et en acceptant des idées qui exposent la vraie nature du lien qui unit l'homme à Dieu, des changements surviennent dans la vie quotidienne, y compris des ajustements et des améliorations dans le corps physique – c'est-à-dire des guérisons. C'est là l'héritage de Christ Jésus.
Cela me rappelle la jolie remarque d'un enfant de cinq ans concernant la différence entre le Christ et Jésus. Je l'ai entendu expliquer que Jésus était son nom et le Christ son travail. J'aime beaucoup cette distinction, car cela signifie que l'activité du Christ – le message ou pouvoir de guérison de Dieu – est toujours à l'œuvre, même si Jésus n'est plus là. C'est là la découverte de Mary Baker Eddy.
On pourrait être abusé tous les jours quand on tire des conclusions erronées de prémisses incorrectes. Par exemple, le lever du soleil est une erreur de perception au départ, de même que l'immobilité de la terre. En réalité, la terre tourne et le soleil ne se lève pas, pourtant nous vivons au rythme de cette illusion.
Mary Baker Eddy consacre un petit passage dans Science et Santé aux «Inversions métaphysiques». Elle écrit ceci: «La métaphysique divine de la Science Chrétienne, comme la méthode employée en mathématiques, prouve la règle par inversion. Par exemple: Il n'y a pas de douleur dans la Vérité, et pas de vérité dans la douleur; pas de nerfs dans l'Entendement, et pas d'entendement dans les nerfs; pas de matière dans l'Entendement, et pas d'entendement dans la matière; pas de matière dans la Vie, et pas de vie dans la matière; pas de matière dans le bien, et pas de bien dans la matière.» (p. 113) Elle corrige ainsi toute une série d'erreurs de perception.
Maintenant, j'aimerais vous poser une question: «Savez-vous combien de gens, aux États-Unis, sont bilingues ?»
Non, mais je serais curieux de savoir où vous voulez en venir.
Eh bien, si nous étions en Afrique ou dans certains pays d'Europe, la question serait superflue. La plupart des gens y parlent deux ou trois langues. Comment les ont-ils apprises ? Sans avoir besoin de les étudier. Le multilinguisme fait partie de leur environnement, ils apprennent à la manière des enfants. Ils veulent communiquer. Ils écoutent et, très vite, ils sont capables de le faire, même avec un vocabulaire rudimentaire.
Mais parlons à présent de la langue de l'Esprit. Dieu ne communique pas en anglais, en français, en hindi, en Russe ou toute autre langue. Il faut donc apprendre à L'écouter – non pas dans une langue, mais en faisant preuve d'ouverture d'esprit, en étant humble, réceptif, obéissant. Ces qualités nous permettent d'écouter, d'entendre et de ressentir les messages de guérison que Dieu ne cesse de nous communiquer dans la vie de tous les jours.
Que faites-vous lorsqu'une personne vous appelle pour vous demander de l'aider à résoudre un problème ?
Ma tâche consiste à écouter en m'efforçant d'être compréhensive et compatissante, mais sans être impressionnée ni crédule. J'en reviens toujours à ce point, car si l'homme est la pleine expression de l'Entendement, Dieu, il ne saurait être crédule. Il ne peut être dupe. Il est impossible qu'il puisse mal percevoir sa vraie nature à l'image et à la ressemblance de Dieu.
Il y a quelques années, j'ai été malade pendant une période de deux ans. Je crois que personne ne s'attendait à ce que je m'en sorte. J'étais professeur de Christian Science et membre du Conseil des Directeurs de L'Église Mère. J'ai dû démissionner de ce poste. Trois mois plus tard, j'ai demandé à ma sœur, également praticienne de la Christian Science, de m'aider par la prière. Elle n'était ni impressionnable ni craintive. C'était non seulement une chrétienne jusqu'au bout des ongles, mais une chrétienne scientifique. Il nous a fallu deux ans de prière. Mais je peux dire en toute sincérité aujourd'hui – et je l'ai même pensé à l'époque – que je n'aurais pas voulu manquer un seul jour de ce lent processus de guérison. Cette période d'épreuve a été d'une grande richesse.
C'est un bel exemple de persévérance.
Prenons l'exemple des études scolaires. Imaginez-vous une mère, accompagnant son enfant à l'école, qui dirait: «C'est un enfant sensible. Je ne veux pas qu'il passe de contrôle, car si jamais il échouait... en fait, je ne veux pas qu'il connaisse le moindre échec.» Cet enfant est sûr de devenir une poule mouillée !
Le désir d'apprendre est essentiel. On n'obtient pas son baccalauréat en passant directement du Cours Préparatoire à la Terminale. Il faut apprendre les bases tout au long d'un processus éducatif.
Pour en revenir à mon histoire, je ne me suis pas dit: «Pauvre de moi ! Que vais-je devenir si je ne guéris pas ?» J'ai continué de vivre au présent. La douleur m'empêchait parfois d'avoir les idées claires. Mais j'éprouve aujourd'hui davantage de compassion quand une personne m'appelle et me dit qu'elle souffre. Cette épreuve m'a appris qu'on n'est pas toujours capable d'avoir les idées claires. On est pour ainsi dire paralysé par la croyance à la douleur. Mais c'est une croyance. Une erreur de perception. La douleur est une illusion qui découle d'une erreur dans les prémisses.
Vous êtes sortie victorieuse de ce combat. Le devez-vous à quelque chose en particulier ?
En partie à la persévérance ! A l'autorité, à la conviction et à la pureté de pensée de la praticienne qui m'a aidée, car elle ne s'est jamais découragée. Je l'appelais parfois en pleine nuit, et elle me répondait avec tendresse: «Tout est bien. Dieu est en ce moment même avec toi, ma chérie. Tu vas t'endormir.» J'acquiesçais d'un mot et, aussitôt, je m'endormais paisiblement.
Elle voyait si clairement que j'étais parfaite qu'elle n'allait pas s'apitoyer. Sa compassion ne s'embarrassait pas de cet apitoiement qui conduirait le praticien à partager le rêve dans lequel se trouve le patient. La compassion permet de le sortir du rêve, mais il faut également comprendre la nature de cette lutte humaine.
L'illusion de la naissance et de la mort sont les illusions d'un rêve. Comment sort-on d'un rêve ? En se réveillant.
De toute évidence ce point de vue n'est pas un simple exercice intellectuel. Accéder à la réalité véritable, être en phase avec la langue de l'Esprit, comprendre que les idées du bien expriment en fin de compte la réalité tangible – découvrir la vue d'ensemble – tout cela se ressent dans l'expérience humaine.
C'est une libération. On cesse d'être victime de l'histoire humaine, de l'histoire mortelle, de la personnalité, de l'ADN. L'individu n'est pas défini ni catalogué en fonction de l'astrologie ou d'un séquençage de génomes. L'infinité n'a pas de limites. On sait de plus en plus repousser les limites de la matière quand il s'agit de l'espace et du temps. Il suffit de voir à quel point les e-mails et les téléphones portables ont changé notre vie !
Je repense à ces magazines sur l'informatique qui sont dans votre appartement. Vous m'avez dit que vous les lisez pour vous tenir au courant. Au courant de quoi ?
C'est intéressant d'observer le déroulement du «spectacle», le spectacle de la mortalité. De voir tomber les chaînes. C'est passionnant de connaître les nouvelles inventions, les nouvelles découvertes qui repoussent les limites. La guérison par la Christian Science ne fait pas autre chose. Elle ouvre une brèche dans la pensée limitative selon laquelle il faut de la matière pour guérir la matière. La guérison spirituelle n'est pas miraculeuse, car en réalité il n'y a pas d'autre pouvoir que Dieu. C'est pourquoi la Christian Science ne s'arrête pas à la guérison du corps. Elle nous permet également de découvrir notre véritable identité, notre intégrité et notre état originel. Elle nous apporte ainsi la paix intérieure et la vraie liberté.
    