Les commémorations de la fusillade à l'université Virgina Tech aux États-Unis m'ont rappelé comment j'ai dû, moi aussi, faire face à des évènements passés et apprendre à me pardonner. Un commentaire d'Alexandra Asseily, fondatrice du « Jardin du pardon » à Beyrouth, au Liban, a attiré mon attention: « Quand les souvenirs nous gouvernent, nous sommes alors les marionnettes du passé ». Cette citation faisait partie d'un article du Christian Science Monitor qui commentait le documentaire intitulé « La puissance du pardon », montré à l'université Virginia Tech, où les étudiants et le personnel se remettent peu à peu de la tragédie « A Virginia Tech, il est demandé dans un film: “Pouvons-nous pardonner ?” », par l'auteur Amy Green, 21 septembre 2007..
Les personnes qui subissent le traumatisme que ces étudiants ont vécu luttent souvent contre la culpabilité, non seulement d'avoir survécu mais aussi de ne pas avoir su faire ce qui aurait peut-être aidé. Elles pensent souvent qu'elles ont été en quelque sorte responsables de la mise en danger des autres ou qu'elles y ont contribué.
Il est vrai que l'incapacité à se pardonner fait de l'individu la « marionnette du passé », comme l'a si bien dit Alexandra Asseily. Nous attacher au passé peut nous prendre par surprise: les faits repassent en boucle dans notre pensée. C'est ce qui m'est arrivé. Mais me tourner vers Dieu m'a permis de passer de l'auto-condamnation à la découverte de mon identité. Je n'ai pas vécu des situations d'extrême danger, mais mes prières m'ont révélé que Dieu m'aime inconditionnellement et j'ai pu me reconnaître comme Son enfant et me débarrasser de l'auto-condamnation.
Un profond découragement m'habitait depuis mes années d'université car j'avais le sentiment que j'avais mal réagi, ou plutôt que je n'avais pas réagi du tout, dans plusieurs situations. Tout d'abord, j'avais parlé avec deux amis qui se sont suicidés seulement quelques jours plus tard. J'ai retourné avec angoisse dans ma tête ce que j'aurais pu dire différemment. Et puis, je ne me suis pas pardonnée de ne pas avoir alerté quelqu'un d'autre au sujet de nos conversations.
Plus tard, un professeur a essayé de me vendre une bonne note à mes examens en échange de rapports sexuels. Mais je ne l'ai jamais dénoncé. Je n'ai pas non plus porté plainte quand un autre homme m'a harcelée de ses avances. A la place, j'ai changé de travail et j'ai déménagé.
Pendant des années, je n'ai pas pu me pardonner: j'étais convaincue que mon manque d'action avait probablement nui à d'autres personnes. Mais une relecture du récit de Jésus et de la femme adultère m'a montré comment me pardonner. J'avais toujours pensé que cette histoire enseignait à pardonner à autrui. La femme avait été prise en délit d'adultère et pourtant, Jésus dit à ceux qui était prêts à la lapider que c'était celui qui n'avait jamais péché qui devrait lui jeter la première pierre.
Cependant, c'est la conclusion du récit qui m'a vraiment enseigné une grande leçon. Quand Jésus a vu que tout le monde était parti, il a demandé à la femme si quelqu'un l'avait condamnée. Mais personne ne l'avait fait et Jésus a dit: « Je ne te condamne pas non plus » (Jean 8: 1-11)
Tout à coup, j'ai vu que si Jésus ne l'avait pas condamnée, elle ne devait pas non plus se condamner. Et ceci était aussi valable pour moi.
Cette bonne nouvelle, née de la prière, m'a fait l'effet d'une révélation, et m'a libérée d'années de tourments. J'ai perçu que je pouvais m'accorder le même amour que celui que Jésus avait donné à la femme, et que Dieu donne naturellement à chacun de nous. Il m'arrive de ne pas toujours tout faire correctement, mais je reste humble et j'attends patiemment de percevoir la direction divine, toujours présente. Mon désir d'aimer et de faire ce qu'il faut est une prière puissante. Je vois aussi maintenant que je ne suis pas responsable des actes d'autrui.
Le progrès est la loi de Dieu pour tous Ses enfants. Nous pardonner, de même que de pardonner aux autres, nous permet de laisser de côté les souvenirs et d'aller de l'avant. Il est possible que nous ne puissions pas changer le passé mais nous pouvons apprendre à mieux faire dès maintenant, et cela influence nécessairement l'avenir. Prier pour pardonner, à soi-même comme aux autres, est un pas que toutes les personnes, les écoles, les communautés et même les nations peuvent faire de manière à laisser derrière elles les erreurs et les regrets. Tout ce qui reste, ce sont des leçons apprises et des occasions qui nous attendent pour améliorer le présent. Une telle prière élargit notre point de vue dans notre recherche de solutions pour un plus grand bien et dans notre soutien à l'élan du progrès. Alors, toute l'humanité fera un pas en avant.
