C'était l'une de ces choses vraiment bêtes qui débutent sur un malentendu et qui finissent par prendre des proportions démesurées et totalement ridicules.
J'avais pris des dispositions pour m'occuper des enfants d'une proche parente pendant trois semaines de vacances, dans le cadre d'un échange. Or, il s'est trouvé que j'ai dû annuler nos projets, en raison d'un déménagement lié à la situation professionnelle de mon mari. Ma parente a très mal pris la chose et sa réaction m'a beaucoup surprise. En temps normal, nous étions très proches, ayant été élevées ensemble, mais à présent elle semblait incapable de surmonter la profonde déception suscitée par ma décision. Je m'en voulais beaucoup de la laisser ainsi tomber et je m'en suis excusée. Pourtant, pendant les deux années qui ont suivi, nous nous sommes à peine parlé, ce qui me brisait le cœur.
J'essayais de reprendre contact de temps en temps, mais ça ne menait jamais à rien. J'ai fini par lui en garder rancune. Or je savais que j'avais réellement besoin de lui pardonner et d'aller de l'avant. Et c'est exactement ce que j'ai entrepris de faire, mais malgré tous mes efforts, ma parente n'était toujours pas prête à m'accueillir à bras ouverts.
Pendant cette période, je me suis mise à réfléchir profondément au concept du pardon. Je désirais comprendre ce qu'il signifiait vraiment et comment je pouvais pardonner avec honnêteté et sincérité. De nombreuses traditions spirituelles mentionnent l'importance du pardon dans la guérison et le salut, mais peu expliquent comment pardonner. Toutefois, en étudiant les enseignements et la vie de Jésus, il m'a été révélé clairement comment l'acte de pardonner doit s'accomplir.
Pierre, pêcheur et apôtre, s'approcha un jour de Jésus pour lui poser une question difficile et fascinante: « Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu'il péchera contre moi? Sera-ce jusqu'à sept fois ? Jésus lui dit: Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à septante fois sept fois. » (Matthieu 18:21, 22)
Pierre avait posé la bonne question. Comme moi, il voulait savoir jusqu'où pouvait aller cette nécessité de pardonner. Combien de fois exactement devais-je pardonner à mon prochain ? Pour moi, « septante fois sept fois » signifie pardonner continuellement. En d'autres termes, cela n'a pas de fin. Jésus ne facilitait pas la vie à Pierre. Celui-ci allait devoir pardonner continuellement !
Ce n'étaient pas des paroles en l'air. Jésus mettait en pratique ce qu'il enseignait à ses disciples. D'ailleurs, alors qu'il était persécuté et sur le point d'être mis à mort, l'un des derniers actes qu'il accomplit fut celui de pardonner à ses persécuteurs. « Père, dit-il, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » (Luc 23:34) À mes yeux, c'était « donner » ce qu'il avait reçu en abondance: l'Amour divin sans limite. Et je vois dans sa résurrection la récompense ultime pour cet acte inconditionnel.
Lorsqu'il leur donna la Prière du Seigneur, Christ Jésus apprit à ses disciples comment faire du pardon un élément de leur travail quotidien de guérison. Deux versets ont revêtu une importance particulière pour moi tandis que je priais au sujet de la situation avec ma parente: « Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien; pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » (Matthieu 6:11, 12) Quelle était donc la signification spirituelle de ce pain quotidien ? Et en quoi pouvait-il alimenter ma faculté de pardonner ?
J'ai pris l'interprétation spirituelle de la Prière du Seigneur dans le livre de Mary Baker Eddy, Science et Santé avec la Clef des Écritures, et j'ai lu ceci:
« Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien; Donne-nous Ta grâce pour aujourd'hui; rassasie les affections affamées ; Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; Et l'Amour se reflète dans l'amour; » (p. 17)
J'ai compris que la grâce pourvoirait à tous mes besoins, parce qu'elle remplit d'amour mes pensées et mes actes. Si j'étais remplie de grâce, je ne pouvais donc m'empêcher de penser avec amour aux autres, ni d'agir avec amour envers les autres, y compris ma parente. Cette prière m'a permis de me débarrasser de la colère et du ressentiment qui encombraient ma pensée et me privaient du sentiment de la présence de l'Amour divin. Ce n'était pas à moi de forcer la réconciliation. J'avais pour seul devoir de refléter la bonté et la grâce divines. L'Amour divin comblerait le fossé qui nous séparait.
J'ai aussi étudié les Articles de Foi, ou importants points religieux, de la Science Chrétienne, établis par Mary Baker Eddy. Je savais qu'ils m'aideraient à rester concentrée dans mes prières quotidiennes. Le troisième Article de Foi m'a sauté aux yeux: « Nous reconnaissons que le pardon du péché par Dieu consiste dans la destruction du péché et la compréhension spirituelle qui chasse le mal comme irréel. Mais la croyance au péché est punie tant que dure la croyance. » (Science et Santé, p. 497)
Ces paroles ne m'avaient jamais tant marquée. J'alimentais cette séparation avec ma parente et cette hostilité entre nous par une rancune que j'entretenais dans ma pensée. Et maintenant je prenais conscience du prix que j'étais en train de payer. J'étais malheureuse et je souffrais même de crampes à l'estomac et de maux de tête qui revenaient régulièrement, en m'empêchant souvent de vaquer à mes occupations.
J'ai alors décidé que c'en était assez et que je devais pratiquer le pardon chaque jour, pas seulement par rapport à ce problème de famille, mais dans tous les aspects de ma vie. Et je devais le faire de manière radicale. J'ai renoncé au paiement de toute dette qui m'aurait été due, que ce soit de la gentillesse, de la gratitude ou même de l'argent. Cela m'a obligée à examiner ce mot « pardonner » dont la racine est « donner » Pardonner, c'est l'acte de « donner », de donner de l'amour. Je devais donc refléter cette loi de l'Amour divin dans mes pensées et dans mes prières.
Un jour, je me suis sentie si remplie de la présence de l'Amour que les crampes d'estomac et les maux de tête ont complètement disparu. Le même jour, sans crier gare, ma parente m'a téléphoné. Elle s'est mise à me parler et à rire comme s'il ne s'était jamais rien passé. Quelques jours plus tard, j'ai aussi reçu un chèque de quelqu'un qui me devait de l'argent depuis longtemps.
Pardonner de manière radicale apporte une énorme récompense. J'ai vu de mes yeux que cet acte efface de manière permanente tous les torts, même les mauvais souvenirs. Et il ajuste jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à pardonner. C'est là le vrai don du pardon: il empêche l'offense de se répéter. Cette expérience est pour moi un magnifique exemple du fait que la bonté de Dieu est infiniment abondante et prend des formes infinies. Et j'ai découvert qu'il était naturel pour moi d'être amenée par Dieu à pardonner.
    