Est-il possible de guérir les blessures émotionnelles profondes causées par la maltraitance pendant l'enfance ? Les traumatismes vécus pendant ces tendres années n'ont-ils pas des séquelles permanentes ?
Mon enfance n'a pas été facile. Mon père avait beaucoup de problèmes, et cela se traduisait souvent par des comportements de tyran. Ses critiques incessantes me blessaient beaucoup, et je restais impuissante devant l'abus psychologique qu'il faisait subir à ma mère, à ma sœur et à mon frère. Quant à Maman, elle était accaparée par son travail et par ses efforts continuels de plaire à Papa. Je vivais dans la crainte et l'insécurité, et je me sentais coupable de ne pas pouvoir rendre la famille heureuse. J'avais aussi des problèmes à l'école et avec mes amis.
Quand j'ai fui la maison familiale à dix-huit ans, je ressentais un grand vide. Je n'avais aucun sens de direction, et j'avais peu d'outils pour faire face aux nombreux défis de la vie. Le concept que j'avais de moi-même était très négatif, et je vivais des périodes de dépression.
J'ai passé des années à chercher le bien-être et la valorisation. Mes relations avec les autres n'étaient pas toujours constructives, et la crainte d'être jugée ou rejetée me hantait. Les études supérieures et le travail m'ont aidée à rebâtir ma dignité, mais les pensées négatives que j'avais à mon sujet étaient tenaces. Les thérapies que j'ai suivies ne m'ont pas vraiment aidée puisqu'elles ont gardé mes pensées fixées sur le passé. J'ai eu un épuisement émotionnel et physique, et j'ai dû cesser de travailler pendant trois ans.
Cherchant ardemment à être soulagée de mes souffrances, j'ai participé à un groupe d'entraide pour les victimes d'abus, basé sur la compassion et la spiritualité. N'ayant jamais reçu d'éducation spirituelle, je ne croyais pas en Dieu, mais l'amour inconditionnel que j'ai reçu et donné dans ce groupe m'a ouvert les yeux à un sens d'amour et de soutien que je n'avais jamais connu. J'écoutais attentivement les partages des participants qui avaient appris à s'appuyer sur une « Puissance supérieure » pour en retirer de nombreux bienfaits. J'ai pris l'habitude de méditer en silence chaque jour pour trouver un état de paix intérieure.
Après quelques années, un ami m'a amenée à un service dans une église de la Science Chrétienne, où on m'a chaleureusement accueillie. Après le service, je sentais que les lectures et les cantiques m'aideraient à comprendre le sens profond de la vie, et je voulais en savoir plus. Les gens étaient si joyeux, ce qui indiquait pour moi une libération des craintes et contraintes qui peuvent nous défier dans la vie. J'ai commencé à étudier la Bible et Science et Santé avec la Clef des Écritures de Mary Baker Eddy, et à prier avec les idées contenues dans ces livres.
Petit à petit, ces idées spirituelles m'ont aidée à redéfinir mes origines et mon identité. J'ai appris que Dieu, l'Amour divin, est notre véritable Père-Mère, et que je suis Son enfant bien-aimée. J'ai découvert que je suis le reflet de Dieu, l'Esprit infini, donc mon identité est l'expression de Ses qualités et de Ses dons et non le produit d'une histoire familiale. Je m'efforçais d'exprimer journellement des qualités divines telles que la patience, la persistance et le pardon, ce qui m'a permis de redécouvrir ma bonté et ma pureté originelles.
Dans Science et Santé (p. 547), Mary Baker Eddy écrit: « La vraie théorie de l'univers, y compris l'homme, n'est pas dans l'histoire matérielle, mais dans le développement spirituel. » Cela m'a fait voir que puisque l'Esprit divin est l'unique Créateur, c'était impossible qu'Il ait créé une histoire matérielle pénible. Sa création doit être spirituelle et bonne. Et puisque Dieu est Entendement divin, ou intelligence infinie, chacun de nous est en réalité une idée spirituelle que Dieu développe pour manifester Ses qualités et Son activité productive.
J'ai appris que la meilleure façon de sentir la présence de l'Amour divin est d'exprimer l'amour inconditionnel envers tous les gens, d'apprécier leurs qualités, et de les voir spirituels et parfaits comme Dieu les voit. Plus j'exprimais l'amour, plus je ressentais les chauds rayons de l'Amour divin illuminer ma conscience avec Sa joie et Sa paix. La terne grisaille qui avait tant assombri mes pensées s'était dissipée puisque « la lumière de l'Amour toujours présent illumine l'univers » (Science et Santé, p.503).
J'ai aussi découvert que rendre service apporte un profond sentiment de bien-être. Par exemple, j'ai occupé plusieurs fonctions dans mon église de la Science Chrétienne, ce qui m'a permis de développer mes dons et de me sentir utile. La crainte d'être jugée s'est graduellement évaporée lorsque j'ai saisi que l'unique Entendement nous voit tous parfaits et complets. J'ai appris non à avoir « confiance en moi » mais à avoir confiance en Dieu. Je me suis progressivement départie du sentiment qu'on m'avait volé mon enfance. J'ai accueilli l'idée que je suis l'enfant de Dieu ici et maintenant, et donc j'ai une « enfance » heureuse maintenant en tant qu'enfant de Dieu. Je ressens une joie, une énergie et une innocence que je n'avais jamais connues auparavant.
Un an après le décès de Papa, j'ai trouvé chez Maman une boite marquée avec mon prénom. Lorsque je l'ai ouverte, j'y ai trouvé des objets artisanaux que mon père avait laissés pour me faire plaisir. C'était sa façon d'exprimer l'amour qu'il avait toujours eu pour moi. Cela m'a profondément touchée. J'ai appris à voir mes parents avec beaucoup de compassion et d'amour. J'ai compris que l'agressivité qui semblait caractériser mon père n'était pas sa vraie identité, mais plutôt un faux sens de l'origine et de la nature de l'homme. La prière m'a permis de voir sa véritable individualité comme fils chéri de Dieu.
Avec les années, les mauvais souvenirs d'enfance se sont évanouis comme lors du réveil d'un mauvais rêve, et j'ai reconnu que Papa avait beaucoup de qualités. J'ai aussi appris à apprécier les nombreuses qualités de ma mère et tout ce qu'elle avait fait pour notre famille, et j'ai maintenant une très belle relation avec elle. Depuis longtemps maintenant, je me sens complètement libérée de toute peine et de tout mauvais souvenir.
Ce renouveau spirituel m'a apporté un grand épanouissement dans tous les aspects de ma vie: la carrière, la santé, les amitiés, la créativité, et ma capacité de soutenir les autres avec ces vérités qui guérissent.
Aujourd'hui, je ressens une joie d'enfant devant les plaisirs de la vie tels que la nature, la musique, la prière, et surtout les relations avec les autres, qui sont tous enfants de Dieu. Bref, je n'ai jamais perdu mon enfance, je l'ai redécouverte, et ses joies se renouvellent chaque jour !
    