Comme le dernier ordre de Jésus a dû paraître surprenant aux oreilles de ses disciples: « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création » ! (Marc 16:15) Et pas seulement parce que les déplacements, à l'époque, se faisaient essentiellement à pied ! Mais parce que ses disciples ont pu envisager avec une certaine appréhension les perspectives intimidantes qu'impliquait ce commandement: être rejetés, ne pas parvenir à répondre aux besoins du monde, et même mettre leur vie en danger.
C'est pourquoi, immédiatement après la crucifixion de Jésus, ses disciples ont abandonné l'idée d'apporter le message de l'Évangile au monde et de poursuivre son ministère de guérison. Selon l'Évangile de Marc, les disciples ont ressenti une profonde tristesse face à la perte de leur Maître bien-aimé. Et, bien que Jésus ait prédit à la fois sa mort et sa résurrection, les disciples ont paru considérer la crucifixion comme la fin de la mission de leur Maître, et comme la fin de leur propre carrière de prêcheurs et guérisseurs. En fait, ces disciples qui, à l'origine, étaient des pêcheurs, ont renoncé à leur mission et sont retournés à leur métier (cf. Jean 21:3). Ce n'est qu'après la réapparition de Jésus, et plus tard son ascension, qu'ils sont partis accomplir ce qu'il avait ordonné. Ils n'ont pas seulement imité ses œuvres, mais on sait que dans de nombreux cas, ils ont eux aussi souffert de persécutions et même enduré le martyre.
J'aime à penser que le commandement de Jésus s'adresse autant à nous aujourd'hui qu'il s'adressait à ses disciples. Notre devoir est de prêcher l'évangile, la « bonne nouvelle » de l'amour de Dieu qui guérit les maux de l'humanité. Mais qu'en est-il de la demande d'aller par tout le monde ? Il est vrai que le monde actuel est bien différent de celui que Jésus et ses disciples connaissaient. Nous n'avons pas vraiment besoin de quitter notre foyer pour prendre connaissance des problèmes mondiaux. Ils viennent à nous aujourd'hui par la télévision et l'internet. Mais aller par tout le monde ne consiste pas simplement à quitter le confort matériel de l'endroit où nous sommes. Nous devons désirer sortir du confort mental dans lequel nous nous trouvons. Un récit des Évangiles illustre bien cette nécessité de sortir de son confort mental pour aider autrui. Il s'agit d'un récit où Jésus affirme à celui qui le questionne — un docteur de la loi — que, s'il aime son prochain comme lui-même, il « vivra ». Alors le docteur de la loi lui demande « Et qui est mon prochain ? » Jésus lui répond par une parabole (cf. Luc 10:25-37): il raconte l'histoire d'un homme qui faisait un long voyage à pied. Au cours de son voyage, des brigands l'attaquent, lui prennent tout ce qu'il possède, et le laissent gravement blessé au bord de la route. Deux de ses compatriotes, tous deux religieux, passent près de lui sans s'arrêter. Mais un étranger, un Samaritain, voit l'homme et panse ses blessures, le conduit jusqu'à une auberge pour qu'il puisse se remettre et paye même son séjour. Alors Jésus pose cette question: « Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? » L'homme répond que c'était le Samaritain. C'est la réponse juste, et Jésus l'invite à fair tout simplement ce que le bon Samaritain avait fait. Le Samaritain n'avait pas nécessairement prévu d'aider quelqu'un, et c'est incidemment qu'il était physiquement « sorti » pour aider l'homme dans le besoin. Toutefois, le Samaritain avait fait l'effort mental nécessaire pour aider — pour mettre de côté les préjugés religieux ou sociaux — pour porter assistance à cet homme. Peutêtre est-il possible de dire qu'avec ce récit, Jésus préparait les disciples à son dernier commandement, celui « d'aller par tout le monde » et de prêcher l'Évangile de Dieu.
Et ce même message, qui nous enjoint de prêcher — et qui peut être mis en pratique e n aidant chacun à se sentir aimé en tant qu'enfant de Dieu — se perétue à travers les âges. Par exemple, le mouvement abolitionniste du XIXe siècle aux États-Unis impliquait un sacrifice de soi et même de s'exposer à la persécution, pour permittre aux esclaves en fuite de trouver un havre sûr. Et puis, il y a la vision que Martin Luther King a nourrie pour l'humanité lorsqu'il a proclamé: « J'ai fait un rêve. » Il s'agissait d'un rêve aux résultats pratiques: l'égalité dans tous les domaines de la vie quotidienne pour un peuple encoure sous le joug de l'oppression. Et sa vision impliquait aussi le prix du sacrifice de soi. Dans ces deux cas, tant les abolitionnistes que le Dr King ont prêché au monde le message de l'amour de Dieu et de l'égalité, l'accomplissement pratique et actuel du commandement de Jésus. Je pense au pouvoir permanent de ce message lorsque je lis les récits de ceux qui, aujourd'hui, travaillent pour la dignité et la liberté de tous les peuples dans des endroits où l'injustice, les malheurs économiques, et la maladie continuent d'opprimer les multitudes, tout comme au temps de Jésus. Et je réalise que le message qu'il a donné alors est tout aussi valable aujourd'hui, comme l'est pour chacun de nous la nécessité d'aller par le monde et de prêcher, à notre manière, même si nous ne sommes pas en mesure pour cela de partir dans des pays éloignés. Récemment, j'ai ressenti avec force le sens précieux de la dignité de chaque personne en tant qu'enfant de Dieu lorsque j'ai pris conscience que même un modeste soutien financier peut en fait aider une personne à l'autre bout du monde. Depuis des années, je soutenais une fondation de micro-crédits qui fournit un capital de départ à des habitants de pays en voie de développement. Mais l'année dernière, en lisant les rapports trimestriels de la fondation sur la situation dans les pays en voie de développement, et en regardant les photos des personnes indigentes dans des pays comme le Nigeria ou le Bangladesh — et même à Brooklyn, au cœur de New York — je me suis demandé comment l'argent que je donnais pourrait commencer, ne fût-ce qu'un tout petit peu, à combler leurs besoins. Alors j'ai décidé de stopper ma contribution, pensant que mon absence de participation passerait inaperçue.
Mais, lorsque j'ai reçu récemment un rapport de cette fondation, quelque chose de différent s'est produit. Lire ce rapport était pour moi être touchée par le Christ, le message même de la valeur spirituelle de chaque individu. J'ai regardé différemment les photos qui y étaient jointes. Au lieu de voir des mortels en train de souffrir, j'y ai vu le désir de la fondation d'être active et utile, comme l'est la prière — d'aller par tout le monde et de prêcher — et j'ai compris que le don que je faisais était une réponse à cette prière. Au lieu de simplement rédiger un chèque, j'ai affirmé la valeur spirituelle de chaque personne dans le besoin. Je devais à nouveau « aller par tout le monde », et soutenir le message évangélique. Finalement, j'ai compris qu'il importe peu que chaque dollar que j'envoie soit capable de nourrir une personne pour une journée de plus. Pour moi, il est bien plus important d'avoir adhére au commandement de Jésus de prêcher la bonne nouvelle que j'ai comprise, et j'étais pleine de reconnaissance pour l'organisation qui l'envoie par « tout le monde ». Et ma contribution parviendra en effet au-delà de mes propres frontières économiques, et elle fera partie d'un mouvement plus étendu qui embrasse réellement le monde entier. Jésus devait savoir que le commandement qu'il donnait à ses disciples était intemporel et d'une portée qui dépassait largement un endroit précis à Jérusalem. Les occasions de prêcher la bonne nouvelle de l'Évangile concernant l'amour inconditionnel de Dieu pour tous ne peuvent être limitées, que ce soit dans le temps, ou dans l'espace.
    