Un matin, je lisais le récit biblique dans lequel Jésus guérit un enfant sourd et muet qui avait un « esprit impur » (voir Marc 9:14-29). Jésus avait ordonné à l'esprit: « Sors de cet enfant, et n'y rentre plus. » Je me suis alors souvenue du moment où Jésus avait envoyé ses douze disciples en mission (voir Matthieu 10:8) et les avait chargés de chasser les démons. La capacité de soulager les gens de maux causés par des esprits mauvais, ce qu'on appellerait aujourd'hui maladie, folie, ou encore « pollution » mentale, allait s'avérer essentielle pour authentifier le Messie et ses vrais disciples. Lors de son ascension, Jésus déclara que tous ceux qui croiraient au témoignage de ses disciples chasseraient aussi les démons. Je me suis demandé si je prenais cet ordre suffisamment au sérieux.
À la vérité, j'étais un peu gênée de parler de démons, pensant que cela s'apparentait à une croyance aux fantômes, que je trouve bien dépassée. Jésus croyait-il aux démons ? À quoi Jésus pensait-il lorsqu'il chassait les esprits impurs ? Je savais qu'en hébreu le terme Satan a pour racine un mot qui signifie « accusateur », et qu'il implique une fausse accusation. Jésus avait élargi cette définition en désignant le diable comme « menteur et le père du mensonge » (voir Jean 8:44). Et, plus tard, Paul mettra en garde contre les « ruses du diable » (voir Éphésiens 6:11). Alors Jésus voyait peut-être aussi dans ces « démons » des menteurs, c'est-à-dire des mensonges qui représentaient faussement l'enfant de Dieu, ne lui accordant ni bonté ni perfection. D'ailleurs, dans tous les autres cas, Jésus enseignait systématiquement que toute personne est l'enfant d'un Père aimant, spirituel et omnipotent, qui nous libère de tout mal. Et Jésus l'a exprimé très clairement: « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. » (voir Jean 8:32)
Je me demandais si la vérité concernant la nature de l'homme, ainsi que celle du diable, à savoir que ce dernier n'est que néant, était ce qui avait eu le pouvoir de libérer les gens de ces « démons » ou mensonges. Cela me paraissait cohérent, mais je demeurais mal à l'aise à l'idée de parler à un démon comme s'il était réel et capable d'entendre. Et je n'étais pas disposée à le faire.
Et pourtant, il y a une certaine logique à employer un langage imagé pour aider les gens à comprendre. Jésus avait constamment recours à des paraboles et à des métaphores.
L'habitude qu'avait Jésus d'appeler un démon par son nom était peut-être une façon d'aller à la rencontre de ceux qui souffraient, au stade même de leur compréhension. Ils croyaient aux démons, c'était évident. Ce procédé s'apparentait peut-être à la manière dont nous parlons aux enfants des monstres qui leur font peur. S'adresser au mal supposé en lui ordonnant de ne plus tourmenter la personne constituait une représentation imagée que l'auditoire de Jésus pouvait comprendre. Il serait toujours possible à ces gens, plus tard, de mieux comprendre la théologie que Jésus enseignait: Dieu est tout pouvoir, Il crée tout ce qui existe et Il libère du mal, qui n'est pas réel.
Ce matin-là, j'ai pris la décision d'être prête à obéir à l'injonction de Jésus et à chasser les démons, ainsi qu'à suivre son exemple en leur parlant directement.
L'après-midi, je m'entretenais avec une étudiante dont j'étais depuis peu la conseillère d'éducation. Elle avait eu un trimestre désastreux et ne parvenait pas à choisir une filière. Elle tenait des propos très sombres. Elle insinuait qu'elle n'était bonne à rien et qu'elle ne voyait pas de raison de vivre. Je lui ai fait remarquer qu'elle semblait penser au suicide, parce qu'elle considérait qu'elle n'était pas quelqu'un de bien. Elle a approuvé d'un signe de tête. J'ai prié pour savoir ce que j'allais lui dire ensuite. Ce qui est sorti de ma bouche m'a surprise: « Tu as l'air de dire que tu es si mauvaise que si tu te coupes, ce n'est pas du sang qui sortira, mais du venin. » Elle était stupéfaite et m'a répondu: « C'est exactement ça. » J'ai poursuivi: « Tu as l'impression d'être possédée et de ne pas pouvoir changer. » Elle m'a répondu que c'était vrai. J'ai respiré profondément. J'avais devant moi un démon des temps modernes qui devait être chassé, qui devait sortir de ma jeune amie. Elle avait donné son consentement à la croyance universelle selon laquelle le mal était une puissance réelle. Elle ne voyait pas que le mal était un mensonge. Elle s'était fait prendre au piège et en conséquence elle craignait que ce soit elle qui soit bonne à rien, incapable de progresser.
Éducatrice face à une étudiante suicidaire, je me trouvais dans une situation d'urgence où je ne devais pas laisser cette jeune fille sortir de mon bureau sans avoir l'assurance qu'elle avait retrouvé la stabilité ou qu'elle allait recevoir de l'aide. Elle n'avait pas indiqué d'intérêt pour la religion, mais je savais que ses parents étudiaient la Science Chrétienne. Je lui ai demandé si elle aimerait que je prie avec elle. Elle a approuvé d'un signe de tête. Aussi étrange que cela puisse paraître à quelqu'un qui n'a jamais prié de cette manière (c'était la première fois pour moi aussi !), dans l'esprit de la méthode de guérison de Jésus, je me suis alors adressée en quelque sorte au « démon »: « Tu n'as ni l'autorité ni le droit de posséder cette enfant bienaimée de Dieu. Tu es un mensonge. Sors et ne sois rien d'autre que le néant que tu es. Et ne la tourmente plus. »
Nous retenions notre souffle, dans une attente remplie d'espoir de guérison. Alors, elle m'a révélé qu'elle se détestait parce qu'elle fumait et mentait. Elle fumait même dans la chambre qu'elle louait à un couple qui interdisait qu'on fume dans sa propriété. Je lui ai demandé si elle souhaitait s'excuser auprès d'eux et arrêter de fumer. Elle a répondu par l'affirmative. Je lui ai assuré que, maintenant même, Dieu lui en donnait le pouvoir.
Alors j'ai composé le numéro de téléphone du couple et je lui ai tendu le combiné. C'est la femme qui a répondu. Ma jeune amie lui a dit qu'elle était dans mon bureau et qu'elle avait besoin de lui parler. La femme est venue immédiatement, a écouté l'étudiante et lui a pardonné. Celle-ci n'a plus jamais fumé. Ses notes se sont améliorées de façon spectaculaire et elle a fait de brillantes études universitaires. Les sombres pensées suicidaires ont disparu.
Au cours des nombreuses années qui ont suivi, j'ai vécu plusieurs expériences semblables, ainsi que d'autres où la guérison s'est produite grâce à la prière silencieuse. Tandis que le courant de pensée actuel attribue la plupart des dysfonctionnements à l'ADN, à l'éducation donnée par les parents, à la culture et à des traumatismes subis, j'apprécie toujours autant l'enseignement de la Bible qui affirme que la maladie n'est pas inhérente à l'identité de la personne, mais ne fait que s'imposer à elle.
Dans l'Ancien Testament (Bible version King James), on appelle le diable par le nom de Bélial qui signifie en hébreu « celui qui ne vaut rien... terme exprimant davantage son effet pragmatique que son caractère ». The Interpreter's Dictionary of the Bible, Vol. 4, p. 225 Nous sommes capables d'obéir à Jésus quand il nous ordonne de chasser ce bon à rien en comprenant que le faux accusateur ne peut avoir aucun impact sur ceux qui savent ce qui est vrai de l'amour de Dieu. C'est l'amour parfait qui « bannit la crainte » et nous donne l'autorité de chasser toute peur que le mal soit réel ou capable de s'opposer au plan divin, un plan toujours bon pour chacun.