Notre vie ressemble parfois à un puzzle. Parfait ! à condition de considérer que Dieu en est le créateur: Il voit toujours l'image complète. Mais qui ne s'est pas dit, un jour, que les pièces du puzzle sont bien énigmatiques ? Avec le recul de l'expérience, on se rend compte cependant que ces pièces étaient reliées par une sorte de logique sacrée constituant un ensemble homogène. Ainsi, Charles Ferris constate rétrospectivement que les cours d'allemand qu'il avait suivis dans une école de l'Illinois représentent l'une des pièces « évidentes » de son puzzle. Des années plus tard, en effet, il allait donner des conférences en allemand en tant que membre du Conseil des conférences de la Science Chrétienne. Ses premières conférences le menèrent en Europe, puis en Namibie, ancienne colonie allemande en Afrique australe. Par la suite, il voyagea sur cinq continents, en compagnie de sa femme, qui est originaire d'Allemagne. Il se rendit notamment à Prague, à Budapest et à Varsovie où il donna, en 1969, les premières conférences sur la Science Chrétienne de l'autre côté du rideau de fer.
Pièces principales de son puzzle, la pratique de la guérison par la Science Chrétienne et l'enseignement de cette Science prennent également une forme distincte très tôt dans sa vie. À la fin de ses études universitaires, à Chicago, M. Ferris est assistant aumônier dans l'armée américaine. C'est à cette époque qu'il décide de consacrer sa vie à la pratique de la guérison par la Science Chrétienne, basée sur la prière. Dès qu'il quitte l'armée, M. Ferris s'installe à Minneapolis comme praticien à plein temps.
Durant les premières années, il connaît de sérieux problèmes financiers. « Ma pratique se développait lentement, explique-t-il. Je vivais simplement. Avant d'avoir mon annonce de praticien dans le Journal, j'ai travaillé pendant un temps dans des hôtels, très tôt le matin, comme garçon d'étage. »
Mais M. Ferris reste à l'écoute de cette exhortation intérieure qu'il sait émaner de Dieu: « Guéris les malades, console les affligés, aide ceux qui sont passés à côté de l'essentiel pour n'avoir pas su faire les bons choix. » Cela fait des dizaines d'années qu'il accomplit des guérisons et qu'il enseigne à des élèves — plusieurs centaines à ce jour — à guérir efficacement grâce à des traitements spirituels. Il continue de pratiquer et d'enseigner à Minneapolis, où il demeure, restant à l'écoute des idées spirituelles qui lui donneront la possibilité d'être toujours plus utile.
Warren Bolon, membre de l'équipe rédactionnelle des périodiques de la Science Chrétienne, s'est récemment entretenu avec lui.
J'ai cru comprendre que, dans le cadre de votre ministère de guérison, vous consacrez régulièrement du temps à réfléchir et à prier au sujet des services religieux et de l'idée spirituelle que représente l'Église. Pourquoi, selon vous, ces prières sont-elles si importantes ?
Je crois qu'on se rend à l'église poussé par un grand désir d'apprendre et aussi pour soutenir les idées qui y sont présentées, en pensant à ceux qui pourraient en bénéficier. C'est un moment où il est nécessaire de se concentrer sur les choses spirituelles. Un moment sacré, un moment joyeux, où l'on se joint à ceux qui poursuivent le même but, qui partagent les mêmes objectifs spirituels. C'est grâce à l'Église que ces idées deviennent accessibles à tous ceux qui s'y intéressent; et puis on a l'occasion d'apporter soi-même quelque chose, au lieu de se contenter de recevoir des idées. Le service religieux est aussi très précieux. Parlant de la leçon biblique qui constitue nos sermons du dimanche, Mary Baker Eddy déclare que c'est une « leçon dont dépend dans une grande mesure prospérité de la Science Chrétienne » (Manuel d'Église, p. 31).
Y a-t-il un lien entre la santé de l'Église et celle du corps ?
L'Église et le corps sont des expressions de l'activité de Dieu. Si l'on considère l'Église comme une idée de service à la fois complète et efficace, on peut aussi voir dans le corps une idée de service divin, harmonieuse dans toutes ses fonctions.
J'ai entendu un jour un pasteur protestant prêcher un sermon dans lequel il critiquait la Science Chrétienne, tout en admettant que les chrétiens pratiquent « un évangile tronqué » si leur christianisme ne comprend pas la guérison des malades. Au moins reconnaissait-il à la Science Chrétienne le fait qu'elle met l'accent sur la guérison, à l'exemple de Jésus. Quel rapport voyez-vous entre le christianisme et la guérison ?
Mary Baker Eddy déclare: « À mesure que les siècles avanceront en spiritualité, on verra que la Science Chrétienne ne s'écarte en aucune façon de l'orientation des autres confessions chrétiennes, si ce n'est par une plus grande spiritualité. » (Écrits divers 1883-1896, p. 21) La Science Chrétienne dépasse le point de vue humain selon lequel l'homme est un mélange de spirituel et de mortel, et elle perçoit qu'en réalité il est entièrement spirituel. Cette vue spirituelle de l'homme n'est pas une abstraction. C'est l'essence de notre être, et grâce à cette compréhension, tout ce que nous faisons et voyons triomphe plus facilement des limites et des discordances liées à la conception matérielle de l'homme.
Cela n'a rien d'abstrait, car tout problème qui se pose à nous est à la base une mauvaise perception mentale. Une fois la fausse perception corrigée, le problème perd pour nous toute réalité. Il est important de toujours fonder notre conception de la réalité sur Dieu, qui est la Vie éternelle, l'Amour incessant, l'Entendement entièrement intelligent. La Prière du Seigneur commence par les mots « Notre Père », ce qui indique que Dieu est l'origine de tout ce que nous sommes. Notre véritable substance vient uniquement de Dieu, et cette substance est toujours présente et éternelle.
Comment l'idée d'être praticien de la Science Chrétienne vous est-elle venue et comment votre pratique s'est-elle développée ?
J'ai été élevé dans la Science Chrétienne, que j'aime depuis toujours. J'ai étudié et appliqué ces vérités, elles m'ont paru satisfaisantes et efficaces. Mais ce n'est qu'après avoir terminé mes études que j'ai pris un jour conscience du formidable potentiel de la Science Chrétienne. J'y ai vu non seulement une réponse à tous les besoins humains, mais plus encore la certitude que Dieu et Son expression infinie, l'homme, constituent la réalité. Je désirais en savoir plus sur cette réalité. La pratique de la guérison m'a permis à la fois de mieux connaître la vérité et de me consacrer sans réserve à quelque chose d'utile.
J'étais prêt à faire n'importe quoi pour poursuivre mon activité de praticien de la Science Chrétienne, y compris laver les sols. Mais j'étais également convaincu que Dieu me donnerait ce dont j'avais besoin à chaque étape du chemin. Pour ce qui est de mes revenus, je me souviens m'être détourné des voies matérielles ordinaires pour rechercher en Dieu, l'Entendement divin, des idées spirituelles que je pouvais utiliser au service des autres, mais pas seulement pour les cas que j'avais à traiter. À mes yeux, ma tâche consistait à traduire chaque aspect de l'existence humaine en termes spirituels. Je ne prétends pas que je le faisais consciemment tout le temps, mais le service que je rendais aux autres était fondé sur ma conviction de la réalité de la création spirituelle de Dieu.
Ma pratique s'est développée assez lentement, mais le vrai défi a été de répondre à la nécessité de croître en spiritualité et d'élever ma pensée mortelle pour mieux refléter Dieu. En fait, je n'avais pas le sentiment d'être face à un défi, je me sentais seulement poussé à aller de l'avant. Le bien que je recevais dépassait les divers obstacles.
Plus récemment, l'idée m'est venue d'inclure dans ma pratique et mes traitements toute personne vivant sur terre. Je le faisais déjà dans une certaine mesure, car ce qui est vrai pour moi l'est forcément pour tout le monde. À l'inverse, je ne peux prétendre que ce qui n'est pas vrai pour les autres le soit pour moi. En d'autres termes, lorsque je donne un traitement, je m'efforce de comprendre qu'il n'y a jamais eu de cas de maladie, nulle part, à aucun moment. Et cela vaut aussi bien pour la guerre, la famine, la pauvreté, tous les maux humains quels qu'ils soient.
Cette approche a plusieurs conséquences. D'abord, elle bénéficie à autrui aussi bien qu'à nous, conformément à la mission que nous a confiée le Christ: aimer notre prochain. Ensuite, elle contrecarre ainsi toute influence négative de la pensée collective qui voudrait s'imposer et nous hypnotiser. Enfin, lorsque la véritable identité de l'homme, qui est spirituelle, imprègne totalement nos pensées, nous nous l'approprions et elle devient notre conscience. De plus, nous nous détournons de nos problèmes et de nous-mêmes, ce qui est important dans la guérison, et nous sommes libérés du sentiment que ces problèmes sont bien réels.
Par-dessus tout cela, cette vision de la perfection universelle est la vérité, la réalité concernant Dieu et l'homme que j'évoquais plus tôt. Si nous cherchons à accomplir des tâches utiles dans la vie, ce traitement qui inclut toute l'humanité nous offre toutes sortes d'activités constructives. Nous ne sommes jamais sans patient à aider par la prière. Le monde a besoin de nous, et la Science Chrétienne nous permet de répondre à ce besoin. Mary Baker Eddy parle d'une influence divine toujours présente dans la conscience humaine. (voir Science et Santé, p. xi) En réalité, chacun bénéficie de cette influence divine qui permet de vivre la pleine manifestation de la vérité de Dieu.
Avez-vous eu, plus jeune, une guérison importante qui vous a fait voir que la prière est efficace, que Dieu guérit vraiment la maladie ?
La plus grande guérison que j'ai eue dans mon enfance, c'est probablement de ne pas avoir eu de problèmes physiques.
J'ai eu des choses bénignes, comme des maux de tête, des rhumes et puis, sur une période plus longue, un problème d'infection par le poison ivy [sumac vénéneux], ce qui n'était pas très agréable. Mais dans chaque cas, j'ai pu guérir en priant pour comprendre la nature spirituelle de l'homme. Une autre fois, un jour où je devais rejoindre mon affectation militaire, je me suis réveillé avec la varicelle. J'ai demandé à un praticien de la Science Chrétienne de prier pour moi, et vers midi tout symptôme de la maladie avait disparu. Dans le train qui me ramenait au camp militaire, j'ai lu un exemplaire du Christian Science Journal. Durant ce trajet, la réalité de l'Esprit et des choses spirituelles s'est imposée si clairement à ma pensée que les contradictions des apparences matérielles ne m'ont plus jamais autant troublé par la suite. J'ai compris que derrière l'apparence matérielle des personnes, des paysages, etc., il y avait une réalité spirituelle — la seule réalité qui soit ! Ce n'est pas le changement d'état physique qui m'a permis d'entrevoir cette vérité, mais la compréhension du fait que la prétendue maladie physique n'avait jamais été vraie. J'ai discerné la substantialité de l'Esprit comme jamais auparavant. Au cours de ma vie et tout au long de ma pratique, j'ai connu bien souvent des moments merveilleux, lorsque des états matériels ont cédé à la vision spirituelle de l'harmonie et de la réalité. La guérison est la révélation continuelle du don que Dieu fait à chacun de nous d'une existence inspirée.
Lorsque vous étiez à l'école du dimanche, m'avez-vous confié, vous aimiez arriver en classe prêt à poser les questions les plus difficiles possible. Est-ce toujours votre façon d'apprendre, de progresser spirituellement ?
Oui, je pose toujours les questions auxquelles il faut absolument apporter une réponse. Je me demande quels sont les besoins véritables de l'humanité, puis je cherche des réponses spirituelles.
Est-ce que le fait de poser « les questions les plus difficiles » vous aide à enseigner la guérison aux autres ?
En général, j'anticipe le genre de questions des élèves, parce que ces questions sont universelles. Une question fondamentale que l'on me pose, c'est: « Si Dieu est bon, d'où vient le mal ? » La réponse réside dans une compréhension si complète de la totalité du bien que la question n'a plus d'intérêt. Vous ne vous demandez pas pourquoi vous êtes violet. Vous savez que vous ne l'êtes pas.
On me pose aussi cette question importante: « Pourquoi les rapports sexuels dans le mariage sont-ils différents des rapports hors mariage ? » Le mariage implique un engagement, des contraintes, la fidélité à une union, ce qui demande souvent de la patience et requiert toujours une forme de sollicitude spirituelle.
Et puis cette question revient fréquemment: « Comment nier la réalité de la matière ? » Voici ma réponse: en discernant la substance de l'Esprit. En comprenant que l'expérience humaine est mentale et non matérielle, Mary Baker Eddy a apporté une grande contribution au monde. Des philosophes avant elle avaient abordé ce sujet, mais elle est allée plus loin en substituant le point de vue du mental divin au point de vue du mental matériel. Le mental divin est parfait et éternel, c'est la réalité maintenant même. Cette prise de conscience apporte toujours la guérison.
On me demande aussi quelle est la différence entre un scientiste chrétien qui va chez un dentiste ou porte des lunettes, et celui qui consulte un docteur pour un traitement médical. Eh bien, dans le premier cas, il s'agit d'aides temporaires permettant aux personnes de poursuivre leurs activités normalement. Elles ne sont pas destinées à guérir. L'intention est différente.
Parfois un verset de la Bible soulève une question, comme ce passage tiré de l'épître aux Philippiens: « Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l'humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. » (Philippiens 2:3) J'y voyais une contradiction. Si Dieu avait créé l'homme à Son image, aucun homme ne pouvait être au-dessus d'un autre. J'ai fait des recherches sur ce verset de tous côtés sans trouver de réponse satisfaisante. Finalement, l'idée m'est venue que le verset ne mettait pas l'accent sur l'inégalité, mais qu'il disait de prendre en compte les besoins des autres avant ses propres besoins. Donc quand je me trouve devant une question difficile, je me réjouis de ce qu'elle va m'apporter. Paul se réjouissait dans les tribulations parce qu'il savait qu'il allait être forcé à en tirer une leçon et que cela le ferait progresser.
Pensez-vous qu'il est important de prier pour votre pratique comme vous le faites pour vos patients ? Que faites-vous pour entretenir votre pratique, pour la développer ?
Jésus priait pour sa pratique. Dans l'Évangile selon Jean, il déclare: « Nul ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire. » (Jean 6:44) Jésus affirmait d'abord sa propre identité, en reconnaissant qu'il avait été envoyé par Dieu. Toutes ses idées venaient de Dieu. Nul ne pouvait venir à lui s'il n'était attiré par ce sens spirituel de la présence de Dieu, de Son pouvoir et de Sa nature, c'est-à-dire par le Christ. Il décelait la nature de l'activité mentale du patient avec une telle précision qu'il ne manquait jamais de guérir chaque cas qui se présentait à lui. Je pense que la pratique n'est pas une activité de l'esprit humain, mais qu'elle se situe à un niveau entièrement spirituel. Elle consiste à vivre les idées spirituelles que Dieu a établies dans la conscience du patient et du praticien, et qui constituent en fait leur conscience. C'est cette conscience mutuelle des messages de l'Entende ment qui développe une relation fructueuse entre praticien et patient.
Je ne prie pas pour que les gens soient malades et puissent ainsi me demander de l'aide ! Il y a déjà assez de problèmes à résoudre. Je prie pour comprendre qu'aucun élément de la pensée humaine, matérielle, ne peut empêcher quiconque de reconnaître que le Christ est la réponse à ses besoins. Diverses théories et pratiques médicales font partie de ces éléments de la pensée qui pourraient empêcher quelqu'un de reconnaître cette vérité. C'est pourquoi je prie pour enlever tous les obstacles à la guérison-Christ dans le monde entier.
Quand vous donnez un traitement par la prière à un patient, quels sont les éléments qui font de votre prière une expression de ce que Mary Baker Eddy appelle « l'infinie Vérité de la guérison-Christ » (voir Science et Santé, p. 367) ?
L'un de ces éléments est la spontanéité. Je suis réceptif à de nouveaux messages — la Bible les appelle des anges — des idées qui sont déjà dans notre conscience et qui nous réveillent, nous font prendre conscience de notre être semblable à Dieu, là même où le tableau mortel semble bien réel aux yeux du patient. J'ouvre ma pensée à ces communications spontanées de Dieu. J'étudie et médite également les messages de la Bible et des écrits de Mary Baker Eddy, ainsi que d'autres écrits de la Science Chrétienne. Parler à un patient peut ressembler à ce que Jésus dit à cette femme, au puits de Jacob, à Sychar, quand il parla de la vérité comme d' « une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jean 4:14). Il dit aussi que quiconque boirait de cette eau n'aurait plus jamais soif. Lorsqu'un problème physique ou autre est résolu par le Christ, il ne réapparaît pas.
Qu'en est-il des problèmes qui ne semblent pas vouloir céder ?
Nous utilisons tout l'arsenal de la Science Chrétienne. Une telle situation traduit la croyance à un état au sujet duquel on ne peut connaître la vérité. Mais cela n'est jamais vrai. Il est toujours possible de prier pour avoir plus de lumière. C'est de cela dont on a sans cesse besoin. Le commandement de Dieu est: « Que la lumière soit ! » (Genèse 1:3) Et ce que Dieu commande arrive toujours.
