En 1985, le Christian Science Monitor a lancé un concours intitulé « La paix en 2010 ». Le journal invitait les participants à se projeter vingt-cinq ans en avant pour imaginer comment la paix mondiale pourrait s'instaurer en cette année 2010. Un certain nombre des 1300 textes reçus ont été publiés dans le Monitor, et 40 d'entre eux ont été réunis dans un livre intitulé « How Peace Came to the World » [« Comment la paix a été instaurée dans le monde »].
Les réactions de nombreux lecteurs intéressés par ce concours (et sans doute de bien des participants) ont dépassé le simple essai politique pour rejoindre le domaine de la métaphysique. De fait, « La paix en 2010 » invitait les penseurs spirituels de par le monde à réfléchir aux perspectives de paix universelle, en toute liberté de pensée, et à s'unir dans une prière spécifique pour contribuer à instaurer cette paix. J'avais l'impression qu'on nous demandait de donner notre assentiment à l'idée que les guerres n'étaient pas inéluctables, et qu'elles pouvaient disparaître plus tôt que nous le pensions.
Depuis, beaucoup de choses se sont améliorées. Le « rideau de fer » est tombé et la menace de « destruction mutuelle assurée » qui y était associée s'est largement dissipée. Le fléau de l'apartheid a été vaincu en Afrique du Sud. Des démocraties naissantes ont remplacé, dans de nombreux pays, des gouvernements autocratiques et des régimes militaires. Le nombre des guerres a baissé de 40 % depuis la fin de la guerre froide. « The Human Security Report », Human Security Centre, University of British Columbia, octobre 2005.
Comment devient-on un « pacificateur métaphysique » ?
Il est clair que de nombreux progrès restent à accomplir pour que le monde puisse se réjouir de la fin de toute guerre.
Jésus désirait que ses disciples soient des pacificateurs. Il dit: « Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu ! » (Matthieu 5:9) Ses paroles m'incitent, comme tant d'autres, à m'interroger: comment faire davantage pour la paix, non seulement dans ma propre vie mais dans le monde en général ? Certains peuvent se sentir appelés à œuvrer à la résolution de conflits « sur le terrain », d'autres pas. Je pense cependant que chaque métaphysicien a au moins la possibilité d'être un pacificateur mental. Comme je l'ai appris, cela implique de prier en rendant témoignage à la paix éternelle que Dieu crée et maintient, et puis de s'efforcer d'exprimer cette paix dans les pensées que l'on entretient au sujet des autres, et dans les rapports avec eux.
Pour être un pacificateur, il faut aussi repousser la tentation de croire avec angélisme qu'il suffit de désirer très fort la paix ou, au contraire, de sombrer dans un scepticisme systématique. S'appuyant sur une lecture littérale mais pertinente d'un verset biblique (Matthieu 24:6; version King James), un ami soulignait récemment que Jésus nous a promis que les « guerres et [...] bruits de guerres » doivent passer, non rester. Il ne faut donc pas nous résigner au caractère inévitable de la guerre — ni croire que les guerres cesseront grâce à nos seuls efforts personnels. Mais dans la mesure où la pensée humaine se spiritualise peu à peu grâce à la prière, la fin des guerres devient effectivement inévitable.
Jésus nous a montré comment favoriser la paix. Il pensait, parlait et agissait avec une autorité spirituelle qui procurait la paix de l'esprit et l'harmonie du corps, quand l'une et l'autre semblaient absentes, une autorité qui apaisait aussi les tempêtes et désamorçait des situations risquant de tourner à l'émeute. Cette autorité spirituelle s'appuyait sur la conscience affirmée de la toute présence de la paix et de la puissance de Dieu se révélant elles-mêmes. De façon ferme et absolue, il refusait de se résigner aux affirmations du mal, que celui-ci prétende être réel ou s'imposer, malgré son caractère illusoire, sous forme de maladie, de péché ou de mort.
Bien que ses guérisons semblent extraordinaires, Jésus a déclaré: « Celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je m'en vais au Père. » (Jean 14:12) En faisant allusion à ces œuvres « plus grandes », je crois que notre Maître s'attendait à ce que ses disciples fassent preuve de cette même autorité divine dans un travail mental collectif et spécifique visant à s'élever contre les symptômes d'injustice, de tyrannie et d'intransigeance, sous toutes leurs formes, dans le cadre national et international. Ces symptômes sont des affronts au plan supérieur de Dieu concernant la santé, la pureté et la vie, au même titre que les maux physiques de l'humanité.
Aspirations et pièges sur le chemin de la paix
Jésus a fait cette promesse: « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir. » (Marc 11:24) Les guérisons individuelles en Science Chrétienne surviennent souvent quand on comprend, dans un esprit de prière, que Dieu dispense sans cesse ce bien qui semble faire défaut. Ce n'est pas une question de pensée positive, mais il s'agit de comprendre et de démontrer la plénitude divine individuelle.
Qu'en est-il de certaines qualités essentielles à la vie qui semblent absentes dans plusieurs parties du monde ? En tant que citoyen du monde, je me pose souvent les questions suivantes: Est-ce que je crois que toute l'humanité reçoit directement de Dieu la paix, la justice et la liberté dont le cœur a tant besoin, en dépit d'apparences contraires si convaincantes ? Est-ce que mon désir sincère de voir mes semblables mener une existence meilleure dépasse la simple commisération, au point de m'inciter à « entretenir des anges » — ces inspirations spirituelles compatissantes qui contribuent à frayer des chemins de progrès ? Est-ce que je regarde en prière dans la direction où le monde « voudrait diriger ses pas », c'est-à-dire vers la sécurité universelle, l'abondance et le bien-être, et suis-je convaincu que l'humanité possède effectivement le pouvoir d'y parvenir, grâce à Dieu en qui, individuellement et collectivement, nous avons notre être véritable ? (voir Science et Santé, p. 264)
Parfois, je peux répondre d'un « oui » reconnaissant. Souvent, cependant, la réponse sincère est « pas tout à fait », car je n'arrive pas complètement à cette conviction du Christ. Les facteurs suivants m'empêchent d'atteindre ce but si important:
• Je prie avec sincérité, mais parfois ma pensée ne dépasse pas le niveau confortable d'une vague anticipation, selon laquelle la bonté finira bien par prévaloir d'une manière ou d'une autre. En réalité, la bonté considérée comme une caractéristique humaine ne prévaudra pas d'elle-même. Seul le bien mû par l'autorité spirituelle — un traitement qui guérit, pourraiton dire — mettra au jour et sapera le mythe tenace d'un mal qui contredit l'existence et la prédominance de Dieu.
• En demeurant aveuglément convaincu que tel leader ou tel parti (dans mon pays ou à l'étranger) est dans la vérité ou dans l'erreur, j'ai bien du mal à faire de la place dans mes pensées à la vision curative d'un Dieu qui gouverne avec toute-puissance, maintenant même. Je constate que ma prière s'affaiblit encore plus si j'expose à d'autres mes convictions politiques avec la même passion.
• Je peux devenir trop impressionné par la réalité et la brutalité apparentes du mal pour prendre le recul mental nécessaire par rapport aux faits sur le terrain, afin de laisser Dieu me révéler Sa vision de l'impuissance et de la non-existence du mal, là même où le mal semble exercer sa domination.
• Il arrive que ma compassion donne des signes d'épuisement. Je constate alors que mes prières pour répondre aux souffrances dont les médias se font l'écho manquent de spontanéité et d'enthousiasme.
Si l'une de ces attitudes prend place dans ma pensée, je ne parviens pas à reconnaître la possibilité et le caractère inévitable de la guérison, c'est-à-dire de la victoire de l'unité et de la paix, dans une situation particulière, conformément au dessein de Dieu.
Témoigner de l'action de Dieu
À d'autres moments, cependant, je triomphe de ces obstacles mentaux et je suis capable de prier pour la paix. Je parviens à la conviction que la bonté infinie de Dieu et Sa sollicitude envers Sa création, l'humanité entière, sont la force et le facteur véritablement déterminants dans l'histoire de l'humanité. Satisfaisant une exigence morale, je reconnais que le mal n'est rien, qu'il est impuissant à exercer son emprise sur les gens et les nations contrairement à ce qu'il prétend (voir Science et Santé, p. 92).
Ces convictions s'affirment de différentes manières selon la situation pour laquelle je prie. Mais elles s'accompagnent d'une conscience claire du Christ mettant « ... en lumière l'action scientifique de l'Entendement divin sur les entendements et les corps... » (ibid., p. 210) Je ressens une paix spirituelle intérieure et je perçois que « l'action scientifique » de l'Entendement révèle l'idée juste au bon moment à ceux qui œuvrent pour la paix sur le terrain, et même aux va-t-en-guerre potentiels, qui ont tous besoin de ces idées inspirées pour changer vraiment le cours des choses.
La paix en 2010 est-elle possible ?
Les pacificateurs sur le terrain, et leur équipe de soutien métaphysique dans les coulisses, relèveront-ils le défi que représente « la paix en 2010 » ?
En un sens, la réponse est un « Oui ! » catégorique. La paix sera réelle et tangible en 2010 parce qu'elle l'est toujours ! D'un point de vue spirituel, il n'existe aucun élément contraire à la paix dans le véritable univers où nous avons tous « la vie, le mouvement, et l'être » (Actes 17:28).
Le monde démontrera-t-il ce fait spirituel en mettant fin aux guerres d'ici à 2010 ? Je ne suis pas prophète en la matière. Mais je peux prolonger l'invitation qui m'a été faite en ravivant l'esprit de ce concours pour « La paix en 2010 ». Si vous le souhaitez, joignez-vous à moi, dans un esprit de prière, en annonçant « dès le commencement ce qui doit arriver » (Ésaïe 46:10), et en comprenant d'un point de vue spirituel que l'humanité reconnaîtra et démontrera inévitablement la paix.
