Renoncer à une opinion ne m’a jamais attristé. C’est dans la nature des choses. En théorie, changer d’avis paraît plutôt facile, mais les opinions elles-mêmes sont de nature inflexible, fixe, obstinée. Elles permettent, semble-t-il, de se définir ou de s’identifier à un groupe. Mais le fait de tenir fermement à ses opinions va souvent de pair avec la tendance à exclure arbitrairement « les autres », ceux qui vivent dans un autre quartier de la ville ou de la banlieue, ou qui, à l’église, s’asseyent de I’autre côté de la travée.
Parfois, on s’accroche à des points de vue bien arrêtés en ayant plus ou moins consciemment une attitude discriminatoire envers un groupe, un quartier, une ville ou un pays, voire une ethnie, du seul fait qu’on les considère comme différents et donc indésirables. La politique offre un exemple classique de cette opposition entre « moi » et « eux » Dans son sens le plus noble, la politique est au service d’un gouvernement démocratique censé évoluer dans sa gestion des affaires quotidiennes. Mais elle risque aussi de devenir une sorte d’idéal « personnel » pour qui a des idées bien arrêtées. En acquérant davantage de maturité – et je ne parle pas d’une sagesse conférée par les années, mais de la maturité spirituelle – j’aspire à moins d’opinions arrêtées mais à plus de stabilité, à moins de rigidité intellectuelle et émotionnelle, et à un sens de grâce plus spirituel. Je désire ainsi troquer le superficiel contre le substantiel.
Je cherche à mieux comprendre ce que veut dire Mary Baker Eddy quand elle déclare que «... l’Entendement [Dieu] est substance... et que « l’homme [chacun de nous dans notre identité spirituelle véritable] est l’image et la ressemblance de Dieu... » (Science et Santé, p. 414). Si mon esprit appartient totalement à l’Entendement divin et que cet Entendement est illimité, pourquoi faudrait-il que je considère comme normales et réelles les limites sous tant de formes ? L’Entendement, qui est aussi Amour, m’inciterait-il à condamner les autres, à réagir viscéralement à leurs paroles ou à leurs actes, ou à exclure quiconque du cercle de mes affections ? Le Créateur qui est Âme et Vie permettrait-il que sa Création perde tout enthousiasme, devienne inflexible, sans énergie ou qu’elle s’ennuie ? La substance de mon propre reflet de Dieu ou de celui d’un autre pourrait-elle être sans intérêt ou déplaisante ?
Au plus profond de soi, quelque chose proteste vivement et à juste titre contre tout ce que nous retient dans la zone minuscule de l’existence matérielle imparfaite. Croître, explique Science et Santé, est « le commandement éternel de l’Entendement » (p. 520). La croissance spirituelle abandonne forcément la rigidité pour la souplesse, les opinions humaines bien arrêtées pour la libre expression des idées de l’Entendement, la souffrance associée à des croyances trop étroites pour le plaisir de la découverte sacrée de son être véritable.
Une quête plus profonde
Je pense que dans ce désir de flexibilité, il faut voir bien plus que le signe d’une tendance sociale ou démographoque importante. Derrière, il n’y a pas seulemente la forte envie, de la part d’une nouvelle génération, de désencombrer et simplifier un monde trop grand, empêtré dans ses possessions. Un tel élan, que je crois universel, témoigne d’une quête croissante de l’humanité qui désire la santé et la disparition des limites. Non pas juste une santé meilleure et plus accessible financièrement, mais celle que est synonyme de salut – la perfection qu’apporte la connaissance du fait que le royaume des cieux est à notre portée, parce qu’il est dans la conscience.
Nous sommes aussi parfaits maintenant que nous le serons jamais, parce que l’Entendement divin ne connaît et ne maintient que des idées parfaites. Nous sommes dès maintenant aussi libres que nous le souhaitons à l’égard d’un état de mortalité qui résiste et s’enferme dans ses limites, dans la mesure où nos ressoureces et nos désirs spirituels quotidiens contraignent la mentalité humaine à céder aux réalités divines.
Le vieillissement pourrait-il en fait s’expliquer avant tout par une accumulation malsaine d’opinions ? Dans ce cas, j’emploie le terme d’opinions au sens large de croyances générales au sujet des états et phases de l’existence. Faute d’être vigilant, on en vient à trouver normal que les mouvements soient davantage limités, ou que la santé, la vue et l’ouïe s’affaiblissent de plus en plus, à mesure que s’écoulent les années. La Science Chrétienne révèle que le corps humain est par essence un phénomène de la mentalité matérielle; notre corps reflète nos pensées et croyances concernant le monde et nous-mêmes. Une pensée qui condamne et à laquelle on s’identifie se manifeste done forcément dans le corps.
La préservation spirituelle de la santé demande du travail: une prière assidue, de l’étude, de la méditation et de la mise en pratique dans notre façon de vivre, qui nous fait inévitablement prendre conscience de la présence immédiate de Dieu, et qui nous donne la certitude que nous sommes toujours complets, et cependant sans cesse en progrès, en tant qu’éléments de l’Entendement.
Cette approche de la santé et du bienêtre n’est pas aussi efficace lorsque je néglige de prier régulièrement. Depuis peu, lorsque je prie pour moi-même, je ressens plus fortement le besoin de remettre en question ce que la Science Chrétienne appelle des « croyances éloignées », de même que les manifestations extérieures d’une gêne (voir, par exemple, ce que Science et Santé dit à propos de l’hérédité, p. 178). Est-ce que, d’un point de vue scientifiquement chrétien, je discerne la nature illusoire de la naissance dans la matière ainsi que de I’« erreur finale » qu’est la mort, au moment où la vie est supposée quitter la matière? Si Jésus Christ a déclaré à propos de sa propre existence dans la Vie: « Avant qù’Abraham fût, je suis » (Jean 8:58), et si le Christ est « le Chemin » la Vie même, est-ce que je revendique ma vie avant Abraham, ma préexistence avec Dieu?
Comment espérer m’affranchir des condamnations liées à I’hérédité matérielle ou à des états physiques dégénératifs, voire à l’astrologie – tout ce qui est fondé sur la croyance que la vie a débuté par hasard dans la matière – si je n’affirme pas avec cohérence mon droit à une existence spirituelle dynamique, à une vie éternelle en Dieu ?
Vieillissement et inflammation
L’arthrite est une forme de maladie dégénérative associée aux « fardeaux » de la vieillesse, mais ce mal touche également de jeunes gens. Un médecin définirait l’arthrite comme une inflammation des articulations. Que penserait un métaphysicien d’un cas d’arthrite? Pour un scientiste chrétien, chaque cas est individuel, car chaque individu est une composition unique de pensées et d’intentions, d’expériences et de souvenirs. Celui qui guérit spirituellement pourrait commencer un traitement par la Science Chrétienne en priant pour comprendre que cette personne est une création spirituelle composée de qualités et d’idées qui reflètent de façon unique la nature parfaite de Dieu.
Comme la pensée de cette personne est en fait le patient, c’est à sa conscience (ou plus précisément, aux croyances erronées, basées sur la matière, au sujet de la vie et de la substance), que s’adresse le traitement. Science et Santé explique que l’inflammation est essentiellement de la crainte manifestée sur le corps. C’est le Christ, le message de Dieu concernant l’être spirituel pleinement exprimé par Jésus, qui vient à l’esprit humain pour changer ou spiritualiser la pensée, et redonner ainsi au corps ses fonctions normales et sa liberté de mouvement. Le Christ est toujours le guérisseur ou l’agent du changement dans le traitement par la Science Chrétienne. Le praticien est, dans le meilleur des cas, « transparent » pour laisser passer la lumière transformatrice de Dieu.
Que pourrait encore traiter le praticien dans un cas d’arthrite ? Quelles sortes de pensées sont associées à la rigidité, à l’immobilité, à l’inflammation et au durcissement ? Que penser des passions et des autres émotions non réprimées? ou des sentiments de déception ressassés ? Un durcissement mental lors d’une négociation, ou une attitude défensive extrême peuvent engendrer des frictions inutiles et de la souffrance dans les relations.
La rigidité s’enracine parfois dans une résistance au changement, dans une trop grande prudence (ce qui équivaut à de la peur) face à des activités nouvelles, dans un refus obstiné de changer d’opinions, dans une croyance à la supériorité ou à l’infériorité, ou dans un sentiment de lassitude et de confort dans un statu quo peu dérangeant. Même la nostalgie des choses révolues, une fixation anormale sur un passé agréable, peuvent durcir les pensées au point de rendre le présent (et l’avenir) apparemment douloureux.
Mais quelles que soient les pensées à sa racine, l’arthrite n’a, en définitive, ni substance, ni vie, ni vérité dans l’univers créé par Dieu. Un Dieu infini et bon ne pourrait créer ni accepter une vie finie, sujette au mal et à ses états d’inflammation et de souffrance, qu’ils apparaissent dans le corps humain ou dans le « corps » des relations, des organisations, des affaires humaines ou des nations.
Les capacités et les joies que Dieu nous donne sont aussi expansives et permanentes que le Père Lui-même. Nul n’est privé de Ses dispensations, nul n’est en dehors de Sa sollicitude maternelle. Chaque cœur humain, touché par le Christ, cède inexorablement aux faits divins de la vie.