Que la religion soit déformée dans son objet — objet qui est d'insuffler à l'humanité le désir d'avoir un lien avec Dieu et lui donner une manière de vivre de façon pratique la nature divine — et qu'elle devienne au contraire source d'affrontements et de guerres, cela a quelque chose d'ironique. L'histoire est remplie de ces exemples de luttes menées au nom de la religion, comme les Croisades, les guerres de religion ou encore plus récemment, le conflit en Irlande du Nord. La conjoncture mondiale d'aujourd'hui n'est pas en reste... Qu'il s'agisse des guerres au Moyen-Orient, des luttes entre diverses ethnies comme dans les Balkans ou au Rwanda, de querelles de mots entre différentes confessions, les guerres de religion sont bien trop souvent à l'origine du climat d'insécurité dans le monde.
Quand on pense à l'histoire des troubles religieux, tenaces et prépondérants, reste-t-il un espoir que nous puissions jamais calmer ces turbulences et nous acheminer vers la guérison ? Pour Mary Baker Eddy, fondatrice de cette revue, et qui accomplissait elle-même des guérisons, c'était en effet possible. Consacrant précisément à ce sujet l'un de ses premiers sermons, intitulé L'idée que les hommes se font de Dieu, elle fait remarquer dès le début que le vrai progrès est un « pas fait en direction de l'Esprit », et que la réforme n'est pas le produit de la sagesse humaine mais plutôt « l'écroulement des éléments matériels qui se détachent de la raison ». Pour cette réformatrice du XIXe siècle, la guérison dans le domaine du conflit religieux ne devrait pas tant s'accomplir par consensus ou compromis humain que par une révolution spirituelle: elle se produira lorsque les gens acquerront une compréhension divine de la véritable nature de Dieu, qui élèvera l'humanité vers des « latitudes plus spirituelles » (p. 1).
Il est communément reconnu que si l'humanité pouvait simplement être plus tolérante envers les croyances et convictions religieuses d'autrui, nous pourrions vivre tous ensemble en meilleure intelligence. En dépit de sa logique apparente, l'erreur que renferme cette supposition se trouve dans l'hypothèse même selon laquelle, en effet, nos diverses croyances et convictions pourraient s'avérer un jour compatibles. Les croyances ellesmêmes que nous pourrions tenter de faire concorder peuvent dans les faits créer des clivages entre les religions, car, bien trop souvent, elles prêchent la prédominance d'une seule d'entre elles sur toutes les autres, ou même l'annihilation des autres religions, devenant ainsi une source de division. Une conception réaliste de la question ne permet pas d'envisager leur amalgame.
Si nous creusons ce sujet, nous devons laisser tomber d'eux-mêmes ces raisonnements qui partent d'une base matérielle pour aller à la racine du problème. Mary Baker Eddy observe dans son sermon que « l'amélioration apportée à la théorie et à la pratique de la religion et de la médecine est due en grande partie aux idées plus justes que les hommes se font de l'Être Suprême ». Elle remarque plus loin qu' « à toutes les époques, dans la mesure où la croyance des hommes concernant Dieu a été dématérialisée et a perdu son caractère fini, leur Divinité est devenue bonne [...] Cette idée plus parfaite, présentée constamment à la pensée humaine, a forcément sur le caractère des nations aussi bien que des individus une bonne influence, une influence exaltante, et finalement elle élèvera l'homme jusqu'à comprendre que l'idéal d'un homme forme son caractère [...] » (p. 2-3).
Si nous suivons cette façon de penser, il devient clair qu’à la racine des conflits religieux, se trouve, non les divergences d’appartenance religieuse, mais l’ignorance du caractère divin. Quelle que soit l’orientation de ses convictions, chacun de nous peut s’unir solennellement en prière avec les autres afin de bien connaître Dieu. Sortir de nos vues religieuses habituelles peut représenter un certain défi à relever, mais si Dieu est universel et qu'Il connaît toutes choses, alors cet Être divin a la capacité de se définir lui-même, d’éveiller en chacun de nous une juste appréciation de la nature et de l’essence divines.
Il arrive souvent, du fait de l’égocentrisme de la pensée humaine, que l’on fabrique des hypothèses à partir du familier, du vécu quotidien. L’histoire a montré que bien trop souvent notre idée de Dieu se moule sur le caractère humain: il est évident qu’un Dieu élaboré d’après l’humain aura aussi des caractéristiques et des faiblesses humaines telles que la colère, l’esprit de vengeance, la partialité et l’inconstance. Nous devrions plutôt être capables de percevoir que seul ce qui est bon dans le caractère humain, et qui reflète celui de Dieu, nous permet de donner une définition de Dieu. À l’inverse, un Dieu conçu à partir de l’humain demeure justement humain, conçu de façon dualiste, un Dieu d’erreur et de vérité, de bien et de mal, de colère et de bienveillance. C’est seulement en concevant un Dieu semblable au divin, conception qui relève plus d’une pratique quotidienne que d’une recherche théologique, que nous trouverons les racines de la paix et de l’harmonie. Pour le plus grand bien d’autrui, nous donnons la preuve de la bonté totale de la nature divine par la mise en application de la compréhension que nous en avons.
Connaître Dieu comme Esprit signifie que nous considérons le monde, et que nous y vivons, selon une perspective spirituelle, au travers d’une lentille spirituelle. Nous acceptons de reconnaître Dieu comme Esprit en dématérialisant notre conception de la réalité, en nous confiant davantage à la substance de l’Esprit qui constitue tout réel mérite et valeur. À cet effet, il faudra peut-être faire un peu de ménage mental et, laissant tomber dans la mesure du raisonnable confiance et pratiques matérielles, nous acheminer vers une attitude plus inspirée et des réponses moins conventionnelles aux exigences de notre vie. Il s’agit de placer Dieu en premier, et davantage en pratique qu’en théorie. La plupart des grandes religions adoptent une version ou une autre de la Règle d’Or — faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils nous fassent. La mise en pratique de cette règle dans notre vie quotidienne révolutionnerait certainement notre façon de travailler, de mener les affaires internationales ou simplement de traiter nos amis et les membres de notre famille. Il en est de même avec les Dix Commandements: si nous les suivons fidèlement, nous trouverons une nouvelle façon de pratiquer notre religion, d'aborder ce qu'il y a de plus sacré dans notre vie, et nous discernerons également la morale et l'éthique à observer. Soulignons que le fait de vivre notre lien avec Dieu a des répercussions qui, lorsqu'elles sont incluses dans nos prières et intégrées dans notre vie, servent de catalyseur puissant pour assurer la paix tant parmi les peuples qu'entre les individus.
Si nous connaissons Dieu comme Amour divin, nous pourrons nous élever à cette altitude d'action qui ne recherche que la guérison et la progression spirituelles. Vivre Dieu comme Amour permet de rechercher des solutions qui font du bien à tous en trouvant une approche qui élève chacun de nous. Cette approche mentale qui consiste à vivre Dieu comme Amour est inconditionnelle; plus qu'une justice humaine, elle recherche la miséricorde divine: en effet, prendre conscience que nous sommes entourés par Dieu règle tous les problèmes, réforme les points de vue et les agissements négatifs et destructifs, et donne une impulsion aux pensées et aux actions justes.
La confiance en un Dieu qui est Amour inconditionnel signifie que nous ne limitons pas ce qui est possible: qui peut être sauvé, qui sont les élus. Le disciple Pierre, avec toute sa droiture, a dû apprendre que Dieu « ne fait point acception de personnes » (Actes 10:34) Nous devons faire de même. Vivre Dieu comme Amour, c'est chercher à voir les autres comme Dieu les voit, exprimant le caractère divin. L'Amour ne connaît que la perfection et l'intégrité de la création, et même si ce concept semble nous interpeller, c'est là le fondement de toute guérison dans notre monde. La sagesse du monde consiste à analyser, tandis que celle de l'Amour consiste à céder, céder à la réalité divine de ce qu'est Dieu et de ce qu'Il fait.
Prier pour l'arrêt de toute guerre de religion, ce n'est pas faire en sorte que les autres changent, c'est une activité à laquelle chacun participe, c'est la joie de manifester dans notre vie ce qu'exige notre lien avec Dieu. Plus que nos paroles, et certainement plus que nos dogmes religieux, notre manière de vivre a un impact sur notre monde. Rien n'a plus d'influence que la réalité divine prouvée et vécue, influence qui n'est pas simplement l'acte individuel d'une personne, mais l'union avec le Principe divin qui possède en lui-même la volonté et la capacité de régler tout problème. Moins nous définirons notre vie comme un ensemble d'affirmations personnelles, plus nous la percevrons comme unie avec les intentions divines, et plus nos prières seront efficaces pour mettre fin aux guerres de religion.
    