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Article de couverture

Un éducateur prie pour la population du Soudan

Tiré du Héraut de la Science Chrétienne de juin 2005


Il y a peu, les projecteurs de l'actualité internationale ont été braqués sur le «nettoyage ethnique» dans la région du Darfour, au Soudan. Des milliers de civils ont été tués par les troupes du gouvernement et les milices. Plus d'un million de personnes ont dû quitter leur foyer pour se réfugier dans des camps de fortune.

Pour mieux comprendre cette situation, j'ai interrogé Karim Ajania, un éducateur qui travaillait autrefois dans une banque d'affaires internationale. Lui-même s'est récemment demandé: «Que ferais-je si je me retrouvais seul dans une pièce avec l'un des rebelles qui a commis ces atrocités au Darfour ? Est-ce que je le saluerais amicalement ou est-ce que je le frapperais ?»

J'étais curieux de connaître sa réponse. «Je ne sais pas comment je réagirais, a-t-il poursuivi. Mais ce que je sais, c'est qu'il me faudrait reconnaître qu'il est mon frère, que cela me plaise ou non. Je devrais aussi admettre qu'il arrive à des frères de se battre entre eux.

«Bien sûr, l'ambiance ne serait ni des plus légères ni des plus harmonieuses. Mais on ne parviendrait jamais à des solutions en continuant de nier le problème. Ce genre de situation n'est jamais facile, mais il est important d'y faire face. Il faut bien commencer d'une façon ou d'une autre. En tant qu'ancien musulman – aujourd'hui scientiste chrétien – j'aborderais cette rencontre dans un esprit de prière, avec le désir sincère de prouver que Dieu est bon, tout-puissant, miséricordieux et qu'il nous accompagne de Sa grâce.» Karim aime relever les défis, particulièrement ceux qui revêtent une dimension internationale. Quand il avait sept ans, sa famille, d'origine indienne, a quitté Nairobi, au Kenya, pour s'installer en Angleterre. Comme il ne parlait que le swahili et le gujarati, on l'a inscrit dans une école primaire, et il lui a fallu apprendre l'anglais rapidement. Il s'est adapté.

A quatorze ans, pour des raisons financières, il a dû quitter l'école pour travailler. Il a passé un examen équivalant au baccalauréat en suivant des cours par correspondance, car il souhaitait poursuivre ses études dans une université américaine.

Dix ans plus tard, Karim était diplômé d'Harvard et du Massachusetts Institute of Technology. Il a travaillé à Wall Street pour une banque d'affaires et donné des cours dans une école de Harlem à des adolescents des cités. Il a également fondé le «Brick Project», sujet de sa thèse de doctorat. Il consacre aujourd'hui la plupart de son temps à ce projet qui intéresse le marché international et s'adresse aux élèves de l'enseignement secondaire.

J'ai voulu savoir comment quelqu'un qui avait lui-même surmonté l'adversité priait pour les réfugiés du Darfour, «J'aborde cette situation du point de vue des transformations possibles, répond Karim. En premier lieu, je m'efforce de considérer ceux qui ont commis des atrocités comme des gens susceptibles d'être transformés, et non comme des barbares. Je pense que le fait de garder à l'esprit l'humanité fondamentale de ces milices, plutôt que leur aveuglement, contribue pour une part à combattre l'horreur.

«Mais, poursuit Karim, ce processus exige que l'on travaille à sa propre transformation en se détournant systématiquement du spectacle humain de cruauté et de chaos, pour faire preuve de compassion et de conciliation. Il s'agit là d'un point de vue spirituel fondé sur les explications inspirées de Mary Baker Eddy, qui était convaincue qu' "un Dieu infini, le bien, unifie les hommes et les nations, constitue la fraternité des hommes, met fin aux guerres, accomplit ces paroles de l'Écriture: 'Tu aimeras ton prochain comme toi-même'" (Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. 340). «Je crois cependant que cette unification ne saurait se faire sans que chacun de nous y travaille, et pas seulement les populations directement concernées», poursuit Karim. On doit également faire preuve de beaucoup de compassion, de patience, de compréhension... et savoir pardonner.

«Cela me fait penser à l'ancien archevêque, Desmond Tutu, qui présida la commission Vérité et réconciliation, en Afrique du Sud. Cette commission, a-t-il écrit, était "nécessaire pour permettre aux Sud-Africains de tourner la page sur une base moralement acceptable et pour faire avancer la cause de la réconciliation".

«Si douloureux qu'il ait été, le travail de cette commission a permis aux Sud Africains de se réconcilier, et les conséquences ont été très positives. Dans les deux camps, les gens ont retrouvé le sentiment de leur dignité, et de nombreuses existences ont été transformées.»

Karim suggère que, dans nos réflexions et nos prières, nous tenions compte du contexte culturel et historique. «Par exemple, dit-il, j'ai été attristé par un phénomène récent, que j'appelle "une espèce africaine en voie de disparition". Je veux parler de l' «ancien» du village. Pendant des décennies, ces sages ont représenté la voix de la raison parmi une population attachée à la paix, et, sur un plan pratique, ils incarnaient la justice et la loi au sein de la communauté. Leur influence éclairée s'est si rapidement érodée qu'il est facile de comprendre pourquoi il y a tant de jeunes têtes brûlées qui se déchaînent dans des endroits comme le Rwanda, le Zimbabwe et, aujourd'hui, le Darfour.

«Lorsqu'on désire sincèrement aider un pays comme le Soudan, il faut veiller à présenter les choses de façon exacte et complète. Il est vrai que, vus sous un certain angle, de nombreux pays d'Afrique connaissent une situation chaotique. Mais c'est un angle de vue occidental.»

Karim fait remarquer qu'un grand nombre de pays africains ont, volontairement ou non, rejeté le modèle démocratique de l'Occident. «Cela ne fonctionne pas pour eux, explique-t-il. Au Kenya, par exemple, durant des années, un système multipartite a signifié un système multi-tribal. Où que l'on soit, il faut toujours regarder le tableau d'ensemble. Les cultures rurales d'Afrique (comme les villages indiens, du reste) sont naturellement imprégnées de spiritualité. L'art, la musique, les contes – et autrefois le rôle traditionnel essentiel joué par les anciens – sont tellement présents dans leurs cultures que cette richesse contrebalance, voire neutralise le désordre. «J'ai remarqué qu'aux États-Unis, lorsque des adolescents correspondent avec d'autres jeunes, par exemple du Zimbabwe ou d'Ouganda, ils sont surpris d'apprendre que les Africains jouent au football sans chaussures. Il n'y a pas de "Nike" dans ces villages. Mais que se passe-t-il à l'heure des repas ? Alors que les jeunes Américains, qui se retrouvent seuls à la maison pendant que leurs parents travaillent, s'installent devant la télévision pour manger le plat surgelé qu'ils ont réchauffé dans le four à microondes, les jeunes Africains qui jouaient pieds nus dans la poussière se retrouvent chaque soir avec leur famille, au moment du repas, et profitent pendant trois heures de conversations enrichissantes.»

Karim évoque la sagesse des Masaïs, cette tribu sédentarisée dans des régions arides, au nord du Kenya. Les Masaïs étaient critiqués par les «experts» technocrates des pays étrangers, parce que, selon certaines études, ils n'exploitaient pas à fond les herbages.» Ces "envahisseurs" aux techniques sophistiquées, sur-diplômés des meilleures universités au monde n'ont rien compris, déclare Karim. Pendant des décennies, les Masaïs ont créé, de façon intuitive, un cycle écologique: ils laissaient certaines zones intactes pendant plusieurs mois, jusqu'à ce que les pâturages deviennent luxuriants, pour y faire paître ensuite leurs chèvres et leurs bœufs.

«C'est pourquoi il est trop facile de prétendre que les pays africains connaissent le chaos tant qu'on n'a pas fait l'effort de comprendre vraiment l'Afrique. Et pour bien comprendre ce continent, il faudra s'aventurer au-delà des manuels scolaires et se donner la peine d'écouter les Africains – les enfants dans les rues, les sages dans les villages, les femmes dans les bidonvilles. Alors on découvrira les points positifs de l'Afrique actuelle, son énorme potentiel. Et qui sait ? On pourra même en tirer des leçons ! Je ne veux pas idéaliser certains aspects de la vie en Afrique. Mais ce sont là de précieux éléments de référence pour quiconque souhaite comprendre ce qui s'y passe et apporter son aide.»

J'ai dit à Karim que ceux qui demeurent loin de la situation sont souvent enclins à penser, à la seule lecture des statistiques, que leur contribution ne fera guère de différence. «Pourquoi se polariser sur le Soudan, pensent-ils, quand il y a tant de régions en difficulté dans le monde ? Si le gouvernement soudanais lui-même demeure sourd, que peut-on faire ?»

«C'est un problème d'ordre humanitaire et non financier, répond Karim. Il n'est pas nécessaire de s'impliquer financièrement ou de poursuivre un objectif géopolitique pour manifester son amour pour les populations du Darfour. L'amour n'est ni une affaire d'argent ni une question de géopolitique. En réalité, il ne s'agit pas du Darfour mais de nous. Si nos frères et sœurs sont victimes de crimes contre l'humanité, allons-nous les réduire à de simples statistiques ? Nous nous devons à nous-mêmes de faire quelque chose; il en va de notre dignité et de notre propre respect. Si malgré nos prières nous ne parvenons pas à aimer ces populations, cela montre que nous nous aimons bien peu.»

Le plus important pour Karim, c'est la prière. Il se fonde sur un précepte essentiel de sa foi, selon lequel «l'Amour divin ne peut être privé de sa manifestation, de son objet; la joie ne peut être changée en tristesse, car la tristesse n'est pas maîtresse de la joie; le bien ne peut jamais produire le mal; la matière ne peut jamais produire l'entendement, ni la vie aboutir à la mort. L'homme parfait – gouverné par Dieu, son Principe parfait – est impeccable et éternel». (Science et Santé, p. 304)

«Prier dans ce sens est une excellente façon de prouver que nous savons pardonner, déclare Karim. Il est si facile de lire les gros titres parlant de massacres de populations et de murmurer, comme pour se donner bonne conscience: "Je ne pourrais jamais faire une chose pareille ! Ce sont d'horribles assassins !" Soyons convaincus que c'est uniquement en appréciant à leur juste valeur toutes les parties concernées ainsi que la recherche d'une paix juste que nous pourrons nous rendre utiles. Nous ne sommes peut-être pas sur place, mais ne sous-estimons pas pour autant les effets en chaîne de la prière.»

Karim a récemment suivi un cours biblique axé sur l'étude de plusieurs livres de la Bible, notamment les Psaumes. «Au départ, j'étais très embarrassé, car on nous a demandé d'écrire un psaume. Mais cet exercice a enrichi mon étude d'une façon incroyable. J'ai d'abord pensé que je n'y arriverais pas, et puis je me suis lancé. Au fil des mots, de vers en vers, cet exercice a pris du sens, de la profondeur, jusqu'à s'apparenter à une vraie prière.

«J'ai aussi appris quelque chose de nouveau: les auteurs des psaumes ne glorifiaient pas par leurs chants un Dieu inconnu ou inaccessible. Ils chantaient les louanges d'un Dieu bien réel à leurs yeux, un Père-Mère aimant, un membre intime de leur famille spirituelle. Cette idée m'a permis de comprendre que les enfants réfugiés du Darfour ne nous sont ni inconnus ni inaccessibles en pensée ou dans la prière. Ce sont des enfants de Dieu, comme nous, des membres de notre famille.»

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