Une telle affirmation, d'emblée, peut sembler bien péremptoire. C'est pourtant l'une des leçons essentielles que la vie m'a apprises quand j'ai dû faire face, au fil des ans, à la perte d'êtres chers.
Ce qui m'a incité à réfléchir davantage à ce sujet, c'est le fait que l'on commémore de plus en plus l'anniversaire de la mort des disparus. Cette propension s'accompagne de la tendance à revivre en pensée les événements qui ont conduit au décès de telle ou telle personne au lieu de s'intéresser à l'essentiel de sa vie.
Qu'il s'agisse d'une tragédie nationale ou du décès d'un proche, il est incontestable que la mort représente un défi pour chacun. On est souvent accablé par le chagrin et un sentiment de perte. Dans la plupart des cas, la famille ou les amis s'unissent pour vous apporter leur soutien. Mais parfois, longtemps après que ce soutien collectif a diminué ou disparu, le besoin spirituel, le besoin de réconfort face à la sensation de vide perdurent. Souvent, il faut non seulement surmonter la perte, mais aussi se défaire de notions concernant la mort qui ont été exprimées à cette occasion. A plusieurs reprises, cette année, j'ai tenté de parler à des amis de la nature éternelle de l'amour de Dieu. Ils m'ont aussitôt interrompu: «Ne me parle pas de ça.»
En y réfléchissant bien, j'ai constaté que certaines personnes étaient en colère contre Dieu. Je pourrais citer plusieurs cas d'amis à qui on avait tenu ces propos souvent entendus: «Dieu avait besoin de lui ou d'elle» ou: «Il les a rappelés à Lui», et qui avaient répondu: «Mais moi, j'avais encore plus besoin d'eux.»
Ces réflexions bien intentionnées, qui réconfortent les uns et heurtent les autres, nécessitent un examen plus approfondi. A mes yeux, elles soulèvent la question suivante: L'Amour divin cause-t-il la mort ? Cela paraît impossible. Durant tout son ministère, Jésus délivra les gens de la mort. A un père étreint par la crainte et plongé dans le chagrin, il ne dit pas: «Dieu a besoin de ta fille.» Il ressuscita l'enfant et la rendit à sa famille. Jésus insista sur le fait que l'amour et le pouvoir de Dieu sont avec chacun de nous, maintenant même, et que nous vivons dans Sa présence, dès à présent. De multiples façons il fit valoir que Dieu ne nous rappelle pas à Lui, mais que nous sommes déjà avec Lui, et que nous pouvons ressentir le pouvoir de Son amour et en faire l'expérience ici même, sans attendre.
Allons-nous en vouloir à Dieu pour quelque chose dont Il n'est pas responsable ? De par sa longue expérience, saint Paul savait que rien ne pourrait jamais nous séparer du grand Amour divin, Dieu. Dieu est le dispensateur du bien et Il ne nous retire jamais Sa bonté. La mort ne nous rapproche pas de Dieu. C'est la conscience de la vie en Dieu, avec Dieu, qui nous rapproche de Lui. Dans la mesure où nous prions avec ferveur pour vaincre les effets de la mort, que Jésus appelait un «ennemi», nous découvrons que notre union à Dieu, et celle de nos amis à Dieu, se poursuit sans interruption.
Il est possible de se réveiller du chagrin et d'un sentiment de perte pour découvrir que la bonté et l'amour entre amis proches demeurent intacts. Ils n'ont jamais été perdus. Je reconnais volontiers qu'il m'arrive de regretter de ne pas pouvoir échanger des propos avec des amis décédés, ni de pouvoir me retrouver simplement avec eux comme au bon vieux temps. Mais si j'ai perdu leur présence physique, je sais que leur bonté, leur amour et leur exemple restent fortement présents dans ma vie. La mort ne m'en a pas privé, elle en est incapable.
Mary Baker Eddy souligna ce point en 1903, lorsqu'elle écrivit à propos du décès du pape Léon XIII: «Je compatis à la peine de ceux qui sont dans le deuil, mais je me réjouis de savoir que notre Dieu bien-aimé les console avec l'assurance bénie que la vie n'a pas disparu; son influence demeure dans les esprits, et l'Amour divin préserve intacte sa substance dans la certitude de l'immortalité.» (The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 295)
L'influence positive de nos amis demeure, et leur vie immortelle est intacte en Dieu. Cette pensée est très réconfortante.
Qu'elle ait lieu durant un jour, une semaine ou une année entière, la commémoration d'une mort n'apporte aucun réconfort durable. Elle risque même de nous empêcher de surmonter le chagrin. Comme l'écrit Mary Baker Eddy dans Science et Santé, «Les registres des naissances et des décès sont autant de conspirations contre l'homme et la femme» (p. 246). Pourquoi ? Parce que ces commémorations insistent sur le caractère matériel de l'existence. La Christian Science met en évidence un point essentiel dans la Bible: notre nature est en réalité spirituelle, elle est à l'image et à la ressemblance de Dieu, l'Esprit. C'est ce que fait ressortir par exemple ce verset des Psaumes: «Dès le réveil, je me rassasierai de ton image.» (Psaume 17:15)
Commémorer la date anniversaire d'une mort ne fait que retarder ce réveil merveilleux. Cette commémoration insiste sur la perte, elle nous empêche de nous éveiller à la sollicitude et à l'amour constants de Dieu, qui sont indissociables de notre vie.
On peut affirmer croire à la vie après la mort, à l'immortalité. Mais le chagrin est fondé sur la mort, non sur la vie. Comment croire qu'un être est à la fois mort et immortel ? L'anniversaire d'une mort fait penser à ce qui était et non à ce qui est. On trouve dans Science et Santé cette exhortation bienveillante à orienter les pensées dans une autre direction: «La Vie est éternelle. Nous devrions reconnaître ce fait et en commencer la démonstration. La Vie et la bonté sont immortelles.» (p. 246) Quel merveilleux réconfort ! Le grand amour de Dieu révèle cette vérité à chacun de nous.
Selon la Bible, après trois cent soixante-cinq années d'étroite communion avec Dieu, Hénoc disparut, car Dieu «le prit» (voir Genèse 5:24). Mais Hénoc ne mourut pas. Il se détacha seulement d'un sens matériel et mortel de lui-même. La Bible ne dit pas que Dieu le fit mourir, mais qu'Il le fit vivre sur un plan plus élevé.
Ceux de mes amis qui ne sont plus de ce monde n'ont pas cessé de vivre ni d'aimer. Ils n'ont jamais été séparés du bien. Ils vivent dans l'assurance bienheureuse que Dieu est toujours avec eux. Comment pourrais-je m'en affliger ? Je demeure reconnaissant du bien qu'ils m'ont apporté. Ce bien exerce toujours une influence importante sur ma vie. Mais je suis très heureux d'avoir compris que la source de cette bonté et de cet amour est Dieu, Dieu qui ne cesse de dispenser Ses bienfaits dans notre vie.
Aujourd'hui, l'amitié, les conseils et l'amour qui éclairent mon existence se manifestent par des voies nouvelles merveilleuses. Ces nouvelles amitiés ne remplaceront jamais mes anciens amis, qui ont toujours leur place dans mon cœur. Mais je comprends mieux que c'est Dieu qui ne cesse de me communiquer cette bonté, cet amour, ce sentiment de ne manquer de rien. Je n'ai pas fini d'apprendre que l'activité de la bonté et de l'amour ne diminue jamais, qu'elle ne peut qu'augmenter. Je suis tout à fait rassuré de savoir que mes amis n'ont pas perdu la Vie. Nous sommes tous immortels.
    