Imaginez que vous êtes un enfant qui vit à Gloucester, en Angleterre, dans les années 1780. Vous travaillez six jours par semaine et vous venez de passer douze heures à travailler dans un moulin.
Vous n’êtes jamais allé à l’école, vous portez des haillons et vous avez entendu dire que seuls les gens riches prennent des bains. Vous passez votre jour de congé à faire tout ce qui vous passe par la tête.
Un monsieur aisé vous observe, vous et vos camarades. Il s’appelle Robert Raikes, éditeur, propriétaire d’un journal et philanthrope. Lors d’une course en ville, il passe dans le quartier où habitent les ouvriers du moulin. Horrifié par les comportements totalement indisciplinés dont il vient d’être témoin, il en parle à une passante.
Raikes décrira plus tard cet incident: « Je demandai... si ces enfants habitaient dans ce quartier et lui exprimai mon inquiétude devant leur misère et leur oisiveté. Ah ! Monsieur, répondit la femme à laquelle je m’adressais, si vous voyiez cette partie de la ville le dimanche, vous seriez vraiment choqué, parce que la rue est alors pleine de ces misérables qui sont en congé ce jour-là et passent leur temps à faire du bruit et à se battre... ils jurent de manière si horrible qu’ils donnent à tout esprit sérieux l’impression d’être en enfer plutôt qu’ailleurs. » W. F. Lloyd, Sketch of the Life of Robert Raikes, Esq., and of the History of Sunday Schools (New York: Lane & Scott, 1852), p. 13.
Cette conversation fit réfléchir Raikes. Il se demanda ce qu’il pouvait faire pour que le Jour du Seigneur soit respecté et pour instruire ces jeunes. Il trouva bientôt des femmes capables d’enseigner la lecture et il les embaucha pour qu’elles apprennent la lecture et le catéchisme de l'Église anglicane à tous les enfants qu’il leur amènerait le dimanche.
Les enfants de six à quatorze ans, garçons et filles, étaient admis. Autant que possible, les garçons et les filles seraient dans des classes séparées, avec un maître pour les garçons et une maîtresse pour les filles. Porter des vêtements usés ou en lambeaux n’empêchait pas d’être admis, mais les enfants devaient avoir le visage et les mains propres, et les cheveux peignés. Leur journée d’école durait de quatre à six heures.
Les habitants de la ville, les employeurs et d’autres personnes n’en revenaient pas. Des enfants brutaux et turbulents étaient transformés en êtres paisibles, intelligents, en élèves studieux. Un homme écrivit à Raikes: « Monsieur, le changement n’aurait pas pu être plus extraordinaire... si on avait transformé des loups et des tigres en hommes. » Ibid, p. 21.
La théorie selon laquelle l’idée de Raikes avait une fondation spirituelle est renforcée par ce qu’il dit à Joseph Lancaster: « Je ne passe jamais à l’endroit où il m’est venu très fortement à l’esprit le mot ESSAIE, sans avoir les mains et le cœur qui se lèvent vers le ciel, pour remercier Dieu de m’avoir insufflé cette pensée. » Ibid, p. 22.
A cette époque, en Angleterre, Robert Raikes n’était pas le seul à s’efforcer d’élever l’humanité. De nombreuses autres personnes cherchaient à dispenser un enseignement. Désirant que les gens soient capables de lire la Bible, elles se concentraient surtout sur l’alphabétisation. Les problèmes sociaux majeurs que posaient la Révolution industrielle constituaient aussi une source d’inquiétude pour l’éducation. Les gens quittaient les zones rurales pour s’installer dans les centres industriels, provoquant une augmentation de la population, notamment du nombre d’enfants; ces derniers étaient coupés de leur village et de l’église. En ce temps-là, les gens louaient leur place sur les bancs de l’église, et ceux qui n’en avaient pas les moyens ne pouvaient pas aller à l’église. Par conséquent, les pauvres, adultes et enfants, étaient privés d’instruction spirituelle.
Dans ces circonstances, l’école du dimanche de Raikes était réellement vitale pour les jeunes. Que ces derniers aient perçu les possibilités qu’elle leur offrait est évident par le grand nombre de ceux qui furent attirés par l’école du dimanche. Dès 1800, deux cent mille enfants s’y rendaient régulièrement; en 1818, ils étaient quatre cent cinquante mille; en 1833 bien plus d’un million et en 1851 plus de deux millions.
Il est clair que l’école du dimanche était une idée arrivée à point nommé.