Samedi matin. Une fois de plus, la lourde porte de fer de la cabine insonorisée se referme sur moi. Je m’installe dans le fauteuil pivotant. J’ouvre le livre que je vais lire pendant les deux prochaines heures et je me répète encore une fois: Ne te précipite pas.
J’enregistrais des livres pour les aveugles, à titre bénévole, depuis un an environ quand j’ai appris quelque chose sur la lecture qui m’a beaucoup profité: Ralentis, absorbe. Tu es en train d’établir une relation avec l’auditeur. Si tu te laisses entraîner par le rythme trépidant autour de toi, si tu te contentes d’attraper le livre et de le lire à toute vitesse, tu vas passer à côté de quelque chose d’important. Qu’il s’agisse d’un manuel de marketing, d’un recueil de contes africains ou d’un classique de Dickens, je me suis aperçu qu’une fois parvenu à la moitié de la session, je commençais non seulement à bien connaître le sujet du livre, mais aussi son auteur.
J’ai alors pensé à la relation que j’entretiens avec un vieil ami, Science et Santé avec la Clef des Écritures de Mary Baker Eddy. Que pourrais-je encore glaner dans ce livre si je ralentissais, si je le lisais plus attentivement, si je furetais dans les coins au lieu de passer devant sans m’arrêter ?
Alors, quand j’ai pris Science et Santé la fois suivante, je me suis comporté en nouveau lecteur curieux, en examinant avec soin toute la page, avant de passer à celle d’après.
Mon attention a été attirée, dès le départ, par la page de titre où il est mentionné que ce livre a été écrit par la présidente d’un college, le Massachusetts Metaphysical College. Elle était présidente de cet institut qu’elle avait fondé avec l’autorisation de l’État du Massachusetts, aux États-Unis. Cela m’a indiqué que l’auteur connaissait bien le domaine de l’éducation, savait administrer une école, préparer un programme d’étude, travailler avec des professeurs et enseigner. Cette information en elle-même rend intéressante la lecture du livre. Cependant, l’éducation n’est pas le sujet principal de cet ouvrage. Le sujet, c’est comment guérir.
Les lecteurs de son livre découvriront que l’auteur leur parle directement parce qu’elle a suivi le même chemin.
Le livre explique en effet le système de guérison métaphysique qu’a découvert Mary Baker Eddy, un système qui a ses origines dans l’étude de la Bible par cet auteur, dans ce qui lui a été révélé spirituellement et dans ses guérisons. Elle nomma son système la Christian Science, système qui se fonde sur le pouvoir qu’a la Vérité, Dieu, de guérir la maladie et le péché. Consciente du fait qu'une telle affirmation demande à être prouvée, l’auteur ajouta à la fin du livre, une centaine de pages de témoignages écrits par de nombreuses personnes montrant qu’il est possible de guérir toutes sortes de difficultés grâce à son système.
Avant de continuer, je suis retourné à la page de titre et je ne cessais de me demander: Pourquoi cet institut ? Cela a dû être une énorme entreprise. Quel rapport avait-il avec son livre ? Peut-être allait-elle répondre à ces questions à un moment donné.
Effectivement, en poursuivant ma lecture, je suis tombé sur cette phrase: « Un livre introduit des pensées nouvelles, mais ne peut les faire comprendre rapidement. » (p. vii) Elle vit peut-être que son college constituait un moyen d’aider les gens à comprendre plus rapidement la Science exposée dans ce livre. Après tout, un enseignement dispensé par une personne donne aux élèves la possibilité de poser des questions et de faire part de leurs idées.
Qu’y avait-il d’autre dans la préface ? J’ai vu que la Christian Science n’était pas arrivée comme cela, du jour au lendemain. L’auteur décrivait humblement ses premières pensées sur le sujet comme n’étant que des « ébauches », des « balbutiements enfantins », et je me suis dit qu’elle avait confié à ces pages non seulement la Science qu’elle avait découverte, mais aussi le parcours qui l’avait amenée à cette découverte. Quel courage, quelle assurance, quel amour pour l’humanité l’ont incitée à nous entraîner avec elle sur son parcours !
La grande révision qu'elle fit de Science et Santé avait été précédée par des années d’étude de la Bible, de guérisons, d’écrits, de conférences, d’enseignement. Pendant huit ans, elle enseigna la Christian Science à des milliers d’élèves, dans son institut Elle devait donc savoir par expérience ce que recherche celui qui s’intéresse à la spiritualité. Ceux qui lisent son livre pour y trouver l’inspiration, la guérison, la compréhension spirituelle découvriront que l’auteur leur parle directement parce qu’elle a suivi le même chemin. Elle connaît le cœur de ceux qui cherchent la Vérité parce qu’elle en fait partie et elle désire que son livre étanche la soif de ces chercheurs comme il a étanché la sienne.
Ayant presque terminé de lire la préface, qui compte six pages, j’ai eu l’impression de mieux connaître son auteur. Nos liens s’étaient resserrés.
Mais au fait, il manque quelque chose... Où est la dédicace ? La plupart des auteurs en ont une. Devant moi, sur mon bureau, j’ai Lake Wobegon Days de Garrison Keillor avec cette dédicace: « A Margaret, mon amour. » Quant à Boundaries de Mayal Linn, ce livre commence ainsi: « A ma famille et en mémoire de mon père. » Mary Baker Eddy aurait-elle omis ce message personnel ?
Apparemment non. C’est à la fin de la préface, et non au début, que l’auteur écrit: « ... elle remet ces pages entre les mains de ceux qui, en toute honnêteté, cherchent la Vérité. » (p. xii) Cela m’a arrêté net.
Quel honneur ! Je me rends soudain compte que le livre qui fait tant partie de sa vie, m’est dédié, à moi et aux millions d’autres personnes qui cherchent la Vérité. C’était comme si elle nous disait: « Je sais ce que c’est que de chercher. Je sais aussi ce que cette Science a à offrir. Tout dans ce livre est pour vous. Cheminons ensemble sur cette route. »
Je prends conscience de l’immense parcours qui m’attend. Je respire profondément et je tourne la page, prêt à avancer. Je ne vais pas me presser. Je ne veux rien manquer.