Le philosophe écossais Carlyle fait une remarque intéressante sur la nature du monde et la musique. « Regardez bien en profondeur, dit-il, et vous percevrez les choses musicalement; pour qui peut l’atteindre, le cœur de la Nature est partout musique. » Thomas Carlyle, Les Héros et le Culte des héros, 3e conférence.
Dans un monde prosaïque, pragmatique, terre à terre, une telle déclaration peut sembler à tout le moins abstraite. Il existe pourtant une harmonie divine tout au fond de notre vie. Elle n’est pas musique dans le sens où l’oreille humaine, pensons-nous, détecte des vibrations matérielles. L’harmonie divine fait appel au sens spirituel. Or, le sens spirituel appartient à chacun de nous.
Impossible de comparer une conception matérielle de la musique, dépourvue d’inspiration, avec les rythmes harmonieux de l’Ame divine, ou Dieu, qui touchent le cœur humain et le font battre en harmonie avec la volonté divine.
Prenons, dans l’Ancien Testament, l’exemple du roi Saül. Un grand trouble s’était emparé de lui. Il se sentait si accablé qu’il finit par demander au jeune David de soulager son esprit agité en jouant de la harpe. Mais les mélodies matérielles de David n’offrirent guère qu’un répit temporaire. Elles ne protégèrent pas Saül de la jalousie qui allait bientôt augmenter la violence du « mauvais esprit ». Voir I Sam., chap. 16 et 18.
Saül ne fut pas le seul personnage de la Bible à avoir des problèmes avec une conception matérielle de la musique. Il y eut des moments où le peuple était si déprimé que l’élan musical se trouvait presque entièrement étouffé. Cependant, même dans cette extrémité, une musique plus profonde incita des psalmistes à adapter les paroles de leurs prières à la cadence rythmée de la poésie. La douleur et la mélodie de la supplique d’un peuple en exil s’expriment avec force dans ce refrain du Psalmiste:
Sur les bords des fleuves de Babylone,
nous étions assis et nous pleurions,
en nous souvenant de Sion.
Aux saules de la contrée
nous avions suspendu nos harpes.
Comment chanterions-nous les cantiques de l’Éternel
sur une terre étrangère ? Ps. 137:1, 2, 4.
Et nous, comment chanter le psaume de l’Éternel, lorsque nous ne ressentons aucune des harmonies profondes qui nous assurent de l’amour de Dieu et de Sa sollicitude éternelle ?
Un moyen d’y parvenir, c’est peut-être de reconsidérer la « musique » que nous possédons déjà. N’existe-t-il pas en nous un chant spirituel profond qui suggère la nature du lien spirituel qui unit l’homme à Dieu ? Le désir de mériter le respect, d’être en bonne santé, de se donner aux autres, d’avoir une vie utile et de voir les réalisations de ses efforts soutenus, toutes ces aspirations impérieuses font écho aux mélodies spirituelles de l’Entendement divin. Comme il en est des sons de la musique, plus nous nous approchons de la source spirituelle de ces aspirations, plus intensément nous ressentons la présence de Dieu et les rythmes spirituels du message guérisseur de l’Amour divin.
La Science Chrétienne enseigne que l’existence matérielle ne donne pas une idée exacte de la nature réelle de l’homme. Et pourtant notre vie peut déjà maintenant s’imprégner des harmonies de l’Ame. Nous pouvons entretenir avec amour dans notre pensée la réalité de Dieu et de Sa loi divine, au point que nos mobiles et nos buts deviennent l’objet de Sa sollicitude toute présente. Cet amour de Dieu est totalement différent de l’effort quelque peu dilué que nous associons à la bonté humaine. L’amour humain peut faillir, mais la sollicitude de Dieu est une loi divine. Elle opère sans défaillance, car elle est la réalité même de l’Esprit, Dieu, sa nature éternelle.
L’existence mortelle est en fluctuation continuelle, c’est une « cacophonie » qui suggère la dissonnance et le mélange impossible du bien et du mal. Jaillissant de la nature omnipotente et omniprésente de Dieu, la loi divine, elle, ne change pas. Elle est invariable. L’auteur du livre de Jacques, dans le Nouveau Testament, avait saisi la promesse de la divinité et la justification d’une confiance dans la sollicitude inébranlable de Dieu, quand il décrivit Dieu comme le Père « chez lequel il n’y a ni changement ni ombre de variation » Jacques 1:17..
La Science Chrétienne montre que nous pouvons effectivement commencer à connaître Dieu. Nous pouvons percevoir progressivement la nature spirituelle et harmonieuse de l’image et ressemblance de Dieu, l’homme. Cette compréhension spirituelle brise l’emprise de la crainte, de l’ignorance ou du péché qui produit la maladie. Elle apporte une telle lumière au cœur humain qu’il se met à éclater d’allégresse, chantant et louant la bonté de Dieu et de l’homme. On ne peut réprimer une telle spiritualité. Un simple aperçu des possibilités spirituelles inhérentes à la guérison spirituelle véritable éveille en nous une harmonie profonde et riche qui fait accorder notre vie avec l’amour infini de Dieu.
Il existe effectivement une science ou loi divine qui donne au christianisme son pouvoir. Cette loi divine est aussi sûre que le principe qui gouverne l’harmonie de la musique, et nous pouvons la comprendre et nous y soumettre afin de surmonter le mal. C’est ce que révèle la Science Chrétienne: comment céder au bien spirituel, à ce qui est pur et éternel. Mary Baker Eddy écrit dans Science et Santé: « C’est la spiritualisation de la pensée et la christianisation de la vie journalière, en contraste avec les résultats de l’horrible comédie de l’existence matérielle; c’est la chasteté et la pureté, en contraste avec les tendances inférieures et l’attirance terrestre du sensualisme et de l’impureté, qui témoignent réellement de l’origine divine et de l’opération de la Science Chrétienne... Dieu est le Principe divin de tout ce qui Le représente et de tout ce qui existe réellement. » Science et Santé, p. 272.
Nous devons absolument comprendre que se trouve en nous la capacité spirituelle de nous accorder avec la loi de Dieu. Cette capacité laisse entrevoir que la nature spirituelle de l’homme est de refléter Dieu et que personne ne peut en être privé, quelles que soient les circonstances.
En écoutant un jour l’interview du fils d’un pianiste célèbre, j’ai été touché par la façon dont il expliquait la grandeur de son père. Son père, disait-il, se voyait comme l’instrument du compositeur. Il ne cherchait pas à embellir ce que le compositeur avait conçu ou écrit.
Nous pouvons utiliser cette idée dans la pratique. Nous n’avons pas besoin d’embellir ce que Dieu a déjà fait, nous n’avons rien à y ajouter. La musique spirituelle, ou harmonie, de l’Ame divine, de l’Amour divin se manifestera dans notre vie à mesure que nous nous efforcerons d’être fidèles à Sa loi divine. C’est toute une symphonie qui nous attend, lorsque nous acquérons la compréhension spirituelle des Écritures. C’est le but fondamental, pratique, des enseignements de la Science Chrétienne. Au fond de nous, nous avons tous la sensibilité spirituelle nécessaire pour chanter les louanges de Dieu et pour manifester Sa bonté.
