Le ciel est la chose par excellence dont l'homme a besoin. A tout prendre, ce dernier cherche à appliquer quelque conception du ciel — ou, plus souvent, quelque malentendu à son endroit,— qui paraît lui promettre, à mesure qu'il se consacre davantage à elle, d'accroître son bonheur.
L'ingéniosité humaine n'a négligé aucune théorie céleste, de la perspective ingrate de l'ascète aspirant à se rendre indépendant de la matière, jusqu'aux conceptions fantastiques de celui qui ne peut se représenter le ciel qu'en rendant la matière et ses thèses plus intenses. Ces attitudes extrêmes se joignent dans l'hypothèse commune que l'univers et l'homme sont matériels: celle-ci est la cause de leurs échecs. Si le ciel pouvait devenir une réalité pour nous par la seule considération de conceptions purement matérielles, le monde ne serait pas plongé aujourd'hui dans l'incertitude et la fébrilité que provoquent des problèmes irrésolus.
L'histoire biblique ne cesse de montrer le contraste entre la puissance de la pensée attentive aux lois de Dieu, et la faiblesse que détermine l'ignorance du Principe. La compréhension s'approfondit, que ce soit en Égypte ou à Béthanie, quand elle distingue ses rapports étroits avec le Principe et les tient pour authentiques. L'homme est spirituel, aussi importe-t-il de l'envisager comme tel. Il est spirituel et doit être spirituellement satisfait en suivant les prescriptions du Principe. “A mon réveil, je me rassasierai de ton image,” chantait David, quand il fut face à face avec le fait exaltant que l'homme dépend absolument de Dieu.
Le matérialiste se représente l'univers à l'aide de termes matériels. Il croit vivre, se mouvoir et avoir son être dans la matière qu'il a dotée de vie et d'intelligence, mais une fois qu'il s'est fait une image confuse et compliquée de la matière, l'explication de celle-ci se dérobe sans cesse. Les tentatives faites jusqu'ici pour atteindre les sources de la matière, ont abouti en dernière analyse à la découverte d'un atome hypothétique, dans lequel ne se retrouvent pas les qualités et les quantités qui sont censées être ses effets. Aussi le matérialiste se trouve-t-il confronté par le fait qu'il s'est représenté des effets sans qu'il y ait eu une cause pour les déterminer. Son raisonnement devient une simple faute de jugement. En mathématiques, une erreur n'est rien de plus que l'apparence d'un résultat sans loi pour le provoquer. Le rêve magnétique n'est qu'un autre aspect du même phénomène. Dans n'importe quel domaine, le fait de fausser ou d'égarer une action relève de la même catégorie. Celui qui s'efforce de penser et d'agir en partant d'un centre extérieur au Principe, doit à jamais se trouver dans un chaos désespérant puisqu'un tel centre n'existe pas. “Malheur à qui dispute avec celui qui l'a formé.” “Je suis l'Éternel, et il n'y en a point d'autre ... Je t'ai ceint de force, quand tu ne me connaissais pas, afin qu'on sache, du soleil levant au soleil couchant, qu'il n'y a pas d'autre Dieu que moi. Je suis l'Éternel, et il n'y en a point d'autre.”
Mrs. Eddy eut le courage moral et la conviction spirituelle qui lui permirent de donner une définition de la matière, quand tant d'autres, déconcertés, se tenaient parfaitement coi. En une phrase brève à la page 277 de “Science et Santé avec la Clef des Écritures”: “La matière est une erreur de raisonnement,” elle écarta un obstacle énorme du chemin que la raison humaine est appelée à suivre, et montra fort bien pourquoi le matérialiste n'arrive pas à satisfaire l'équation de l'harmonie de l'homme en donnant une valeur à la matière, pourquoi ses efforts pour atteindre le ciel sont voués à un échec certain. Le métaphysicien se représente l'univers à l'aide de termes métaphysiques. Il voit l'homme dans l'Entendement, dans la conscience, et comme une unité spirituelle dérivée du Principe. Il sait aussi que tout contact avec celui-ci découvre des ressources inépuisables puisque le Principe est l'Entendement; aussi acceptera-t-il de voir en l'homme l'idée infinie de la Vérité infinie. Dieu est la Vérité; Il est, par conséquent, connaissable, et Il constitue tout ce qui est. Rien ne saurait exister en dehors de la Vérité et de son expression.
Les hommes sont en train, par la Science Chrétienne, d'apprendre la portée réelle de la domination; ils commencent à se rendre compte de leur indépendance à l'endroit de leur ambiance matérielle. Le matérialiste part de la notion fausse qu'il tire son existence à la fois mentale et physique de son entourage, au lieu de refléter celle de Dieu. Il croit que la vie et la mort dépendent d'un souffle, quand Dieu seul est sa Vie; il attribue sa joie et sa paix à la possession ou à la proximité immédiate d'objets ou d'états, quand son bien lui vient de l'Amour divin seul; il s'attache à des ombres fugitives et voit en elles des centres de force alors que celle-ci n'appartient qu'à Dieu. Le mathématicien ne compte pas trouver la solution dans le problème; pareillement, le Scientiste Chrétien s'adresse au Principe et, dans la mesure même où il le saisit, la solution juste se présente à lui. L'homme vraiment scientifique ne recherche pas dans son milieu ce qui le comble et le régénère. En toute circonstance adverse il se tourne résolument vers l'Intelligence divine, et à mesure qu'il se rapproche davantage de Dieu il Le trouve nécessairement avec lui en des manifestations infinies et harmonieuses du souverain bien. Il apprend aussi qu'il a prouvé la vérité scientifique de la parole de Jésus à laquelle il s'est conformé: “Cherchez premièrement son royaume et sa justice, et toutes ces choses vous seront données par-dessus.”
D'autre part, l'effort qui est fait pour rendre l'homme individuel à l'aide du témoignage des sens matériels nous offre de lui une image changeante, “sans espérance et sans Dieu dans le monde,” car cet homme est sûrement pareil à “la balle que le vent chasse au loin,” et “il fuit comme une ombre et n'a point de durée.” Jésus-Christ a proclamé par tous les actes de sa carrière sa dépendance du Père, et il a montré que son exemple a une valeur démontrable et pratique dans nos vies. L'individualité de l'homme est en Dieu; à mesure que nous saisirons la grandeur de ce fait nous verrons que rien ne saurait porter atteinte à cet héritage sacré, car l'individualité spirituelle — et il n'y en a point d'autre — est permanente et parfaite. Elle est l'intention divine exprimée en l'homme par une union constante avec le Père.
Pour éclairer la nature des rapports que l'homme a avec le Principe, Mrs. Eddy s'est servie du mot “idée;” une étude attentive de ce terme contribue beaucoup à nous défaire de la conception ancienne de l'homme et à atteindre la nouvelle. L'idée implique la dépendance. Elle n'est point en elle-même une entité, mais émane de l'Intelligence; elle ne contient ni action ni intention, car celles-ci ont leur origine dans l'Entendement et lui appartiennent. Il est par conséquent vain de considérer l'homme comme un être en soi, car il ne peut jamais être séparé en pensée ou en action de la source perpétuelle de son être. Jésus-Christ insista sur le fait de cette relation avec le Père. Il dit: “Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne fait que ce qu'il voit faire au Père; car tout ce que le Père fait, le Fils aussi le fait pareillement.” En toutes choses, la puissance de l'effort d'un homme est en raison directe de sa soumission au Principe.
Aujourd'hui, la pensée réclame une norme de vie plus haute, et rien n'est plus juste et plus droit que sa recherche de la perfection, car celle-ci est la destinée inévitable de l'homme, son héritage actuel. L'histoire biblique, aboutissant aujourd'hui à la découverte de la Science Chrétienne, a mis cet idéal à la portée de tout le genre humain. Cette soif de la perfection est sans aucun doute plus universelle aujourd'hui que jamais auparavant, et quand cette impulsion qui anime toutes les couches de la société nous rapprochera d'une vision de la véritable nature du bien, quand nous saisirons que celui-ci n'est pas autre chose que la présence parmi nous du Principe divin et que nous consacrerons tous nos efforts à le prouver, nos motifs deviendront si purs que nous jouirons de nos droits. Mais, quand la poursuite du progrès provient de la volonté humaine, aussi confuse qu'orgueilleuse, et qui fait dépendre de la matière la réussite de ses desseins, il ne saurait y avoir beaucoup de bons fruits, car l'obtention d'apparents résultats en dehors du Principe n'est que magnétisme animal, prestidigitation mentale et ne saurait résister à l'examen. La croyance humaine, pareille au réservoir d'eau de Béthesda, semble beaucoup promettre quand elle est sous l'empire d'une impulsion nouvelle; mais inévitablement son agitation est apaisée par son déclin, jusqu'à ce que ses tentatives perdent toute foi en elles-mêmes. Alors, et alors seulement, la révélation du Christ qui sauve et qui guérit apparaît.
Dieu soutient ce qu'il crée, car la puissance qui crée se prolonge en puissance qui soutient dans tout le royaume de Dieu. Ainsi, il ne peut y avoir ni défaillance ni défaut. L'homme ne doit pas se flatter de tenir en main tout ce qui bénit et réconforte l'humanité; il ne doit pas, non plus, se figurer qu'il a le pouvoir de donner ou de retenir à son gré, car le bien est inhérent à l'Intelligence divine et celle-ci sait aménager et surveiller les voies qu'elle se trace. Pour trouver la satisfaction de leurs besoins, il faut que les hommes cessent de chercher à s'exprimer en tant que matière et qu'ils s'efforcent de s'en remettre directement au Principe. Châtié, l'égoïsme se changera en consécration, et la violence de la propre-volonté s'effacera devant la conviction issue de la Vérité. La recherche personnelle du bien et l'établissement de son règne impartial sont choses fort différentes. En songeant à soi, un homme peut oublier son prochain; en songeant au Principe c'est lui-même qu'il oublie.
La guerre mondiale a détruit bien des choses et bien des notions que l'esprit mortel regardait comme fondamentales, aussi crie-t-il au chaos parce qu'il ne sait plus sur quoi édifier son interprétation égoïste et matérielle de la vie. Mais Dieu est toujours dans Son ciel. Les prescriptions du Principe ne sont jamais contrecarrées par l'écume d'une pensée fallacieuse, bien qu'il soit tout aussi certain que le Principe n'est jamais visible dans la confusion d'une erreur. Toute impulsion noble et désintéressée qui a consacré les hommes à leur plus haute conception du bien, a révélé la Vérité au monde, et cette impulsion se prolonge sans cesse par une puissance donnée de Dieu car elle a touché la frange de la robe.
Rien ne saurait exister en dehors de l'Esprit et de son expression. L'ordre et la dignité de nos actes proviennent de notre dépendance de Dieu. Cette dépendance constitue le seul pouvoir authentique de gouvernement. Si le Principe n'est pas l'origine du pouvoir, les symboles de ce dernier deviennent un poids mort qui ne fait qu'accroître la violence de la volonté humaine laissée à elle-même. Un bon gouvernement est celui qui permet de mieux distinguer le Principe et la Vérité, qui accorde à tout homme la liberté d'exprimer sa plus haute conception du droit, et dans lequel enfin les intérêts en conflits sont le plus aisément aplanis par une justice et une équité que rien n'altère. Un tel gouvernement ne peut être que celui du Principe.
Le ciel, le droit de naissance infini de l'homme, jamais appauvri et jamais disproportionné, n'est atteint que par la démonstration systématique de la coexistence de l'homme et de la Vérité. Jésus déclara: “Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards, et l'on ne dira pas: Il est ici, ou: Il est là; car voici, le royaume de Dieu est au dedans de vous;” et Mrs. Eddy a défini le ciel comme le “gouvernement du Principe divin” (Science et Santé, p. 587). Si jamais le ciel doit être obtenu, il peut l'être aujourd'hui, car un fait qui se trouve dans le Principe doit y demeurer toujours, et, par conséquent, doit être actuel. Mrs. Eddy rend ceci parfaitement clair dans “Unity of Good” (p. 11) où elle écrit: “Jésus ne demandait ni cycles de temps ni cycles de pensées pour assurer la maturité nécessaire à la perfection et aux possibilités qu'elle offre. Il disait que le royaume des cieux est ici et qu'il réside dans l'Entendement. Tandis que vous dites: Il y a encore quatre mois et alors vient la moisson, je dis: Levez les yeux, ne les abaissez pas, car vos champs sont déjà blancs pour la moisson, et serrez-la par des moyens d'ordre mental, non d'ordre matériel.”
