Au temps bibliques, en Israël, le berger était marginalisé et situé en bas de l'échelle sociale. Pourtant, tout humble qu'il fût, les qualités qu'il manifestait étaient à l'aune du reste de la société: il était en effet aimant, attentif, sensible et responsable. Comme la population, aux temps bibliques, menait une vie pastorale, et savait au départ que les brebis dépendaient de leur berger, il était tout naturel pour les gens d'établir un parallèle entre le soin que portait le berger à ses brebis, et le soin que Dieu prenait d'euxmêmes. Ainsi Jacob, en bénissant son fils Joseph, faisait référence au « Dieu qui a été mon berger depuis que j'existe jusqu'à ce jour » (Genése 48:15, d'après la version King James).
Même dans les tout premiers récits de la Bible, il existe une représentation naturelle de Dieu en tant que Berger. L'image du berger était si forte dans l'esprit des gens que les prophètes l'ont utilisée pour les avertir de l'exil, pour les soutenir tout au long de cette période, et pour leur apporter du réconfort après les tristes événements qui ont suivi. Lorsqu'Israël est tombée aux mains des Assyriens, Michée a fait cette prière: « Pais ton peuple avec ta houlette, le troupeau de ton héritage, qui habite solitaire dans la forêt au milieu du Carmel ! Qu'ils paissent sur le Basan et en Galaad, comme au jour d'autrefois. » (Michée 7:14)
Lorsque les exilés se sont préparés à parcourir la longue route du retour dans leur patrie, Ésaïe les a assurés que Dieu « comme un berger, [...] paîtra son troupeau, il prendra les agneaux dans ses bras, et les portera dans son sein; il conduira les brebis qui allaitent » (Ésaïe 40:11). Comme un bon berger, Dieu leur donnerait de quoi manger et boire, Il porterait ceux qui ne pourraient pas marcher, et les mères avec de jeunes enfants ne seraient pas durement menées.
Toute cette symbolique se poursuit à travers le Nouveau Testament et s'applique à Jésus et à ses disciples. Jésus va vers le peuple qui était « comme des brebis qui n'ont point de berger » (Marc 6:34) et fait référence à lui-même comme au « bon berger ». Et c'est en s'appuyant sur une parabole dans laquelle il utilise l'idée d'un berger qui conduit ses brebis et en prend soin, qu'il présente sa mission. (Jean 10:11, 14-16) La métaphore du berger, qui représentait si bien la relation de la communauté avec Dieu, est individualisée dans le précieux Psaume vingt-trois. Pour éviter de prendre ce psaume dans un sens romantique, nous pourrions nous poser cette question: « Quel était le sens de son message à l'époque, et que signifiet-il pour nous aujourd'hui ?» Dans une société où la nourriture était rare, la sécurité incertaine et l'espérance de vie courte, la conviction que « l'Éternel est mon berger: je ne manquerai de rien » est une position radicale. Le Psaume vingt-trois n'est pas un poème sentimental, mais il exprime la certitude du Psalmiste que Dieu est une réalité. Que Dieu lui donnerait de quoi manger et de quoi boire. Que le Psalmiste serait en sécurité et qu'il aurait un abri sûr, parce que Dieu le conduirait « dans les sentiers de la justice ». Dieu maintient la vie du Psalmiste: il « restaure mon âme ». Dieu fait cela « à cause de son nom », parce que cette protection et cette restauration participent de la nature même de Dieu.
Si la vie du Psalmiste est menacée, il n'a pas besoin d'avoir peur, parce que la présence de Dieu l'environne. Le Psalmiste trouve du réconfort dans l'autorité du « bâton » et de la « houlette » de Dieu, qui le guident. S'il a été pourchassé par des ennemis, il se sent en sécurité parce que « le bonheur et la grâce » de Dieu l'accompagnent maintenant, et ce bonheur et cette grâce sont exprimés par la table qui est dressée devant lui, en face de ses adversaires. En se confiant à Dieu plutôt qu'en ses propres ressources, le Psalmiste gagne non seulement ce qui lui est nécessaire pour vivre, mais aussi un sens surabondant de ce qu'est la vie, alors sa « coupe déborde ».
L'auteur ne doute pas. Il est reconnaissant envers Dieu, qui répond à ses besoins quotidiens. Il connaît la paix. Il ne se trouve pas dans une situation provisoire. Il se sent plein de confiance: « J'habiterai dans la maison de l'Éternel à jamais. » (d'après la version King James) Pour le Psalmiste, la référence métaphorique à Dieu en tant que berger est devenue très réelle. Tout comme la société dans laquelle il vivait dépendait du berger pour sa survie, l'auteur réalise que chacun de nous dépend individuellement de Dieu pour l'économie de son être.
Cette dépendance peut-elle influencer la réponse de chacun à la question d'une économie plus juste pour tous ? Que signifie aujourd'hui le Psaume vingt-trois pour ceux qui vivent dans une certaine aisance ? Dans une société focalisée sur la création de nouveaux besoins, il est difficile de s'imaginer rempli d'une joie débordante parce qu'on possède déjà toutes les choses de base nécessaires à la vie. Il pourrait sembler presque naïf de dire: «Je ne manquerai de rien. » De plus, on nous encourage à l'autosuffisance, et à nous appuyer sur nous-mêmes plutôt que sur Dieu.
Cependant, le Psaume vingt-trois nous lance le défi de vivre modestement, d'être reconnaissants, de ne pas nous glorifier de notre réussite, de ne pas désirer toujours plus, mais de penser davantage à ce qui nous est vraiment nécessaire, et non à ce que nous pourrions souhaiter posséder. Le Psaume vingt-trois nous lance le défi de nous confier en Dieu, d'être des fidèles gardiens de Son abondance, afin que tous nous puissions dire avec humilité – et sincérité: « L'Éternel est mon berger: je ne manquerai de rien. »