Imaginez un évangile qui porte le nom d'une femme, une femme qui n'est autre que Marie-Madeleine. L'Évangile de Marie est en fait le seul Évangile connu qui porte le nom d'une femme. La découverte de ce texte est susceptible d'influer sur notre façon de la percevoir. Dans la culture populaire, on a assigné deux rôles distincts à Marie-Madeleine: la prostituée repentante qui lava les pieds de Jésus et la femme de Jésus, récemment mise en vedette dans un livre qui a eu un succès mondial, Le Da Vinci Code. Le Da Vinci Code, Dan Brown, éditions Jean-Claude Lattès Cependant, rien dans l'Évangile de Marie ou dans le Nouveau Testament n'indique que Marie-Madeleine corresponde à l'une ou l'autre de ces étiquettes. Dans la tradition occidentale, Marie-Madeleine a été associée à la femme décrite dans le livre de Luc (voir Luc 7:36-50). Cette femme, toutefois, n'a pas de nom. Nous ne savons pas qui elle était. L'Église Occidentale l'a simplement associée à Marie-Madeleine et elle devint un exemple de pécheur repentant. Dans l'Évangile de Marie, cette Marie apparaît comme étant un disciple proche de Jésus et comme le leader d'un groupe primitif de chrétiens.
On n'a trouvé que des copies partielles de l'Évangile de Marie. Le début et le milieu manquent. Le premier fragment fut découvert à la fin du XIXe siècle en Égypte. Ce papyrus était écrit en copte et datait du ve siècle. Il est à présent conservé en Allemagne, au Musée égyptien de Berlin. Un autre fragment de l'Évangile de Marie, écrit en grec et datant du IIIe siècle, fut découvert en 1917. Ce fragment fut aussi exhumé en Égypte, près d'Oxyrhynchus, et se trouve maintenant en Angleterre, à la Rylands Library de Manchester. Bien qu'il n'ajoute aucun nouveau passage, il offre cependant des variantes. Un autre fragment grec du IIIe siècle fut trouvé près d'Oxyrhynchus et se trouve à l'Ashmoleon Library, à l'Université d'Oxford. Ces trois fragments semblent être des copies indépendantes de manuscrits plus anciens, eux-mêmes copies de l'original.
L'Évangile de Marie original fut probablement écrit durant le IIe siècle, à peu près un siècle après que les premiers disciples eurent commencé à propager l'Évangile. L'Évangile de Marie n'était probablement pas destiné à être pris au sens littéral, mais plutôt à représenter la tradition d'un groupe de chrétiens qui voyaient en Marie-Madeleine leur leader. Il se peut en effet que Marie-Madeleine soit à l'origine d'une communauté chrétienne.
Ces premières églises se réunissaient dans des maisons privées appelées avec à-propos « églises de maison », qui étaient souvent les demeures de femmes fortunées (voir Actes 16:14, 15). Nous pouvons présumer que Marie-Madeleine était une femme fortunée parce qu'elle aida au travail missionnaire de Jésus et de ses disciples (voir Luc 8:2, 3). De plus, d'après les Évangiles selon Marc et selon Jean, Marie-Madeleine fut le premier disciple à voir le Christ ressuscité (voir Marc 16:9; Jean 20:11-18. Dans Matthieu [28:1, 8-10] et Luc [24:1-10], elle figure parmi les femmes qui l'ont vu en premier). Elle a un rôle prééminent parmi les disciples femmes dans les évangiles canoniques. Si Marie a vraiment fondé une communauté chrétienne (comme le pensent certains érudits), il y eut vraisemblablement un groupe qui l'a reconnue pour chef. Les premiers chrétiens s'identifiaient traditionnellement à un leader. Par exemple, l'Évangile selon Judas voir par exemple L'Évangile de Judas, R. Kasser, M. Meyer, G. Wurst, éd. Flammarion, juin 2006, traduit récemment, nous montre qu'un groupe de chrétiens se tournait vers Judas et son exemple en tant que disciple. L'Évangile de Marie est un Évangile « post-résurrectionnel », c'est-à-dire que l'histoire commence avec l'apparition de Jésus à ses disciples après sa résurrection. La préoccupation principale exprimée par cet Évangile est le salut. Pour son auteur, le salut de chacun réside dans la connaissance de son propre moi spiritual et aussi dans l'obligation d'aller vers les autres et de partager avec eux la bonne nouvelle (l'évangile). Donc, d'après cet évangile, pour pouvoir acquérir la vraie connaissance, et les qualités d'un chef, il fallait être comme Marie-Madeleine.
L'Évangile de Marie est largement influencé par les idées de Platon. Il fut écrit à une époque où la philosophie de Platon connaissait une renaissance. Par exemple, l'un des concepts de Platon était la doctrine des Idées. Cette doctrine, largement empruntée aux concepts des mathématiques de Pythagore, expose que les Idées ellesmêmes sont substance. Les platoniciens comprenaient que l'Idée de la personne venait en premier et que le corps matériel fournissait seulement un logement temporaire pour l'essence immortelle de l'individu. Ils croyaient aussi que chacun a en lui un élément divin, qu'on appelait habituellement l'esprit ou entendement. Finalement, à leurs yeux, le but de la vie était de découvrir cette vraie partie immortelle de soi et de s'efforcer ainsi d'approcher de la ressemblance à la divinité.
Alors, comment découvrir son vrai moi ? Le Sauveur répond aussi à cette question: « Veillez à ce que personne ne vous égare en disant: “Le voici, le voilà”. Car c'est à l'intérieur de vous qu'est le Fils de l'Homme; allez à Lui: ceux qui Le cherchent Le trouvent. » www.livres-mystiques.com/partietextes/Apocryphes/marie.html, Évangile de Marie 8:15-22 Nous trouvons un passage similaire dans la Bible, dans Luc, sauf qu'il y est écrit: « Le royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Luc 17:21) La différence entre les deux passages réside dans le fait que d'après l'Évangile de Marie, le terme Fils de l'Homme se rapporte au vrai moi de chacun: la partie immortelle de son être. Nous pouvons voir que Jésus enseigne là à ses disciples à ne pas regarder à l'extérieur d'eux-mêmes car ce dont ils ont besoin, c'est de se connaître eux-mêmes: de connaître l'élément divin en eux. L'Évangile de Marie apporte des idées stimulantes sur la nature de l'être, idées que l'on retrouve couramment dans la pensée philosophique platonicienne du IIe siècle. L'Évangile de Marie montre que, même dans les premiers siècles qui suivirent l'ascension de Jésus, il y avait différentes sortes de groupes de chrétiens. Dans l'Évangile selon Matthieu, par exemple, nous entendons parler d'un groupe qui prenait Pierre comme fondateur principal de l'Église, et dont les adhérents instituèrent Pierre comme le premier Pape de l'Église Catholique Romaine. Dans l'Évangile de Marie, Marie est celle qui exprime les qualités nécessaires de leadership. Dans cet évangile, elle est présentée comme celle qui est inébranlable dans sa foi et qui est sans peur pour partager ses révélations avec les autres.
Dans le livre Actes et au travers des lettres de Paul, nous apprenons que le leadership féminin était normal dans les premiers mouvements chrétiens. Toutefois, pendant le deuxième siècle, quand l'Évangile de Marie fut écrit, l'Église commença à ressembler à l'Empire Romain et à devenir résolument patriarcale.
Deux choses manquent dans l'Évangile de Marie et dans d'autres évangiles non canoniques du deuxième siècle. Ce sont les récits de guérison et l'accent mis sur la foi. Bien que l'Évangile de Marie ne comporte pas ces deux éléments, il présente cependant un aperçu intéressant d'une communauté chrétienne philosophique et égalitaire.
Il est ironique que l'Évangile de Marie fournisse une image si éloignée de la Marie-Madeleine représentée dans le livre et le film populaires, Le Da Vinci Code. La fiction perpétue l'idée que Marie-Madeleine se serait enfuie en France après la crucifixon pour échapper à la persécution. L'Évangile de Marie, pour sa part, présente un disciple qui ne vacille pas dans sa fidélité. Alors que d'autres disciples s'affligeaient du départ de Jésus, elle se dressa pour les réconforter et les instruire.Évangile de Marie 9:5-22 Ce que nous percevons le plus dans cet évangile émouvant, c'est l'attestation primitive chrétienne que Marie-Madeleine figure parmi les plus fidèles des principaux disciples de Jésus.