« Pourquoi n'as-tu pas un peu plus de miséricorde ? » me demanda mon amie. Elle ne me posait pas cette question pour elle, mais elle m'encourageait à avoir de la compassion pour moi-même. Je venais de lui raconter en pleurant que le solo que j'avais chanté à l'église ce matin-là avait été un vrai désastre. Je m'étais sentie humiliée et stupide, et j'aurais aimé que le sol s'ouvre sous mes pieds. Mais pourquoi la miséricorde ? Ce mot avait l'air si suranné, si « Ancien Testament », si éloigné des besoins d'aujourd'hui. Il n'était pas pour moi, pas maintenant.
Je faisais partie d'une chorale et j'avais chanté des centaines de fois l'appel plaintif « Kyrie eleison » (Seigneur, aie miséricorde), qui ouvre d'innombrables chœurs liturgiques. La musique s'accorde en général avec cette supplique et cela évoquait souvent pour moi l'écho d'un autre temps.
« Elle pense que j'ai besoin de miséricorde » ai-je confié à une autre amie, m'attendant à ce qu'elle trouve aussi que c'était un vestige du passé. Mais, tout au contraire, cette amie a renchéri en me récitant la cinquième béatitude: « Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde ! » (Matthieu 5:7) Sans grand enthousiasme, je me suis dit que je devrais y regarder de plus près. Qu'est-ce qui m'échappait ?
Je me suis souvenue d'une recherche que j'avais faite il y a très longtemps sur le mot hébreu de l'ancien testament « checed », qui est traduit par « miséricorde », « grâce » ou « bonté ». « Checed » représente un concept si vaste qu'aucune traduction par un mot unique ne peut rendre pleinement sa signification. Il dépeint la relation de Dieu avec Ses enfants. Il comprend l'amour inconditionnel et également l'amour partagé entre deux personnes. Le Psaume 23 montre cela clairement: « Oui, le bonheur et la grâce [checed] m'accompagneront tous les jours de ma vie, et j'habiterai dans la maison de l'Éternel jusqu'à la fin de mes jours. » Ce même mot se trouve aussi employé dans Michée: « Ce que l'Éternel demande de toi, c'est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu. » (Michée 6:8)
Ce concept m'a rappelé que, puisque Dieu et moi sommes intimement liés l'un à l'autre en tant que Créateur et création, Père et fille, la « checed » fait partie de notre relation. Son amour pour moi, qui inclut assurément la miséricorde, est ce qui me permet d'être miséricordieuse envers moi-même. J'ai constaté que cette miséricorde chasse naturellement toute tendance que j'avais à me condamner, je me mets alors à apprécier l'être que Dieu a créé et je suis désireuse et prête à me laisser guider par Lui.
La grâce, c'est l'amour que nous sentons que Dieu nous donne quand les choses deviennent difficiles. La grâce réconforte et calme, et nous montre que nous ne sommes pas les pauvres misérables que nous pensions être. Un poème de Doris Peel, intitulé « Miséricorde », se termine par ces vers: «Ah, cher enfant, viens ! Lèvetoi ! Vois ma main, tu peux la prendre, elle est là pour toi. Miséricorde, tu es la nouvelle Mère que nous partageons sur cette terre, que nous partageons même avec tous ceux qui paraissent orphelins à jamais. » Doris Peel, “Mercy”, The Christian Science Monitor, 12 décembre 1985.Alors, j'ai décidé de cesser de m'agiter et de me battre avec moimême. J'ai laissé l'amour de Dieu pour moi, Sa fille, emplir mon cœur de l'amour qui est déjà mien, de plein droit. Quand j'ai finalement consenti à prendre la main de la miséricorde, elle m'a gentiment conduite loin de toute fixation sur mes erreurs.
Bien sûr, la cinquième béatitude ne concerne pas exclusivement le fait d'être miséricordieux envers soi-même. Il peut même être encore plus difficile d'avoir de la miséricorde envers d'autres, surtout quand on pense que la justice, voire la condamnation, seraient plus nécessaires que la compassion. Mais Dieu est juste et miséricordieux. Et Il connaît Ses enfants; Dieu nous voit comme il nous a faits: purs, parfaits et libres. Est-ce que je peux, moi aussi, parvenir à voir que ceux que je suis prête à condamner sont en réalité les enfants de Dieu ? C'est sans aucun doute ce que j'attends des autres. Cette idée s'apparente à un passage de la Bible voisin des béatitudes: la Règle d'or. (voir Matthieu 7:12) Savoir comment je désire être perçue par les autres m'aide à les voir de la même manière. Et être l'objet de miséricorde m'aide à comprendre combien il est important d'être soi-même miséricordieux envers son prochain.
En fin de compte, toute miséricorde et toute justice ont leur source en Dieu. Quand vous êtes appelé à être miséricordieux, la source de toute miséricorde est donc déjà à votre portée. Quand il semble trop difficile de manifester de la miséricorde, ce passage de la Bible peut indiquer le chemin: « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation dont nous sommes l'objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction ! » (II Corinthiens 1:3, 4) La miséricorde fonctionne commela consolation dont il est question ici: nous devons pouvoir montrer à ceux qui ont des ennuis la miséricorde même dont nous avons été l'objet de la part de Dieu. Parce que Dieu a de la compassion, nous en avons.
En fait, dans Science et Santé, la miséricorde fait partie d'une liste de qualités qui caractérisent « le royaume des cieux » au-dedans de nous: « Que le désintéressement, la bonté, la miséricorde, la justice, la santé, la sainteté, l'amour — le royaume des cieux — règnent audedans de nous, et le péché, la maladie et la mort diminueront jusqu'à ce qu'ils disparaissent finalement. » (Science et Santé, p. 248) Je me rends compte maintenant que j'avais toujours omis la miséricorde dans cette liste importante.
Dans le Nouveau Testament, le mot employé pour miséricorde dans le texte grec des béatitudes, est « eleeo ». Il définit la compassion qui provient de la grâce divine. J'aime beaucoup l'idée qu'être miséricordieux — s'aimer et aimer les autres avec cette compassion — apporte la miséricorde. La traduction de cette béatitude dans The New English Bible explique bien ce message: « Comme sont bénis ceux qui font preuve de miséricorde ! En retour, on leur témoignera de la miséricorde. »
Dieu, l'Amour divin, Se fait connaître dans notre vie, à cet instant même, par l'amour, la sollicitude et la miséricorde. Alors, que vous ayez besoin qu'on vous serre dans les bras, qu'on vous hisse hors d'une fosse, ou que vous cherchiez ce qu'il faut faire pour que s'ouvre une porte de secours sous vos pieds, la miséricorde divine est toujours prête à vous aider; comme l'écrit Doris Peel dans son poème, la miséricorde « agit aussi humblement qu'une aile qui se courbe pour envelopper à nouveau l'oisillon tombé du nid... » Ibid.
