Ils prient
Au printemps dernier, le mensuel Psychologies, affirmant que « la pratique spirituelle fait aujourd'hui partie de l'intimité d'un Français sur deux », a publié une série de témoignages de gens de tous horizons qui disent prier régulièrement.
Ainsi, cette directrice de production déclare: « Chaque soir, dans mon lit, avant de m'endormir, je prie, avec mes mots à moi. Ce n'est pas pour trouver l'homme de ma vie ni un meilleur job, mais pour chercher à y voir plus clair en moi. » Ou encore cette enseignante bouddhiste pour qui « la prière est la source de mon énergie dans ma vie quotidienne. Elle permet la transformation de l'esprit d'un état malheureux en un état heureux, d'un état de faiblesse en un état de force. En fait, ajoute-t-elle, la prière du matin me nourrit bien plus que le petit-déjeuner ! »
“La prière du matin me nourrit bien plus que le petit-déjeuner !”
Il y a aussi un rappeur musulman qui explique que ses prières quotidiennes lui apportent « une plénitude, un apaisement de l'esprit ». Ou cette jeune femme catholique qui prie pour se pacifier intérieurement: « Quand les filles autour de moi au travail ne cessent de critiquer tout et n'importe quoi, dit-elle, je demande à Dieu de rester en paix afin qu'elles voient dans mon silence et mon travail autre chose que de l'agressivité ou de la rancœur. »
La prière se transmet aussi d'une génération à l'autre. Par exemple, une mère, membre de la foi baha'ie, déclare prier « matin et soir, mais aussi dans la journée quand j'ai besoin de calme et de recueillement. » Après avoir noté que ses prières se terminent souvent par: « Tu es l'Omnipotent, le Généreux, le Miséricordieux, Celui qui secourt dans le péril, l'lrrésistible », elle dit qu'elle sent la force de cette prière dirigée vers Celui qui peut faire « du moucheron un aigle », et qu'elle trouve la paix. De même sa fille de douze ans déclare prier « le matin au réveil et le soir avant de me coucher », et précise: « Cela me donne un peu de courage et, grâce à ça, je me sens protégée contre les mauvaises choses. »
Brice Perrier, l'auteur de l'article note que la prière revêt actuellement toutes sortes de formes, nouvelles ou traditionnelles: « prière de demande, louange, méditation », et de conclure: « C'est la multiplicité des routes vers ce désir de divin que nous avons découvert en rencontrant nos témoins. Qu'ils récitent le Notre Père ou contemplent la Création du haut d'une montagne. »
“Comment nous prions” Psychologies, avril 2003, p. 82
63 pages sur la Bible
Dans un numéro double en décembre dernier, le magazine Le Point a consacré un épais dossier à la Bible, qui demeure l'ouvrage le plus diffusé et le plus traduit. Depuis le XIXe siècle en effet, 6 milliards de bibles ont été diffusées dans le monde.
Plus que « la saga d'un petit peuple du désert », la Bible, déclare d'entrée Pierre Beylau, est « l'histoire du Salut pour des milliards d'hommes et de femmes... c'est un message éthique universel... un véritable cours sur l'humanité où les passions séculaires et charnelles le disputent au divin, à l'élévation de l'âme ». Et de noter à l'appui que, grâce à ce livre, l'homme a reçu les Dix Commandements, « fondement de notre morale et ancrage idéologique des droits de l'homme ».
L'écrivain et historien Alain Decaux, qui signe aussi un article dans ce dossier, cite Chateaubriand, pour lequel il n'existait pas de probléme dans la vie d'un homme auquel ne corresponde dans la Bible « un verset qui semble dicté tout exprès ». L'auteur insiste sur l'insignifiance relative du peuple d'Israël par rapport aux « éblouissantes civilisations » qui l'entouraient, bien plus puissantes, et qui adoraient de nombreux dieux. « Voilà bien, demande l'académicien, le grand mystère de la Bible: comment le Dieu unique a-t-il pu l'emporter sur les dieux formidables qui régnaient sur le reste du monde ? Pourtant cela fut. Le Dieu unique a triomphé, de même que le frêle David a vaincu le colosse Goliath. »
Plus loin, dans un interview du cardinal Paul Poupard, président du Conseil pontifical pour la culture, celui-ci déclare que « la parole de Dieu n'est pas une leçon savante à l'attention des experts, mais le message d'un père à ses enfants ». Et quand il lui est demandé s'il vaut mieux, quand on lit la Bible, se laisser guider par la foi ou par la raison, il répond: « Je suis de ceux qui disent: l'un et l'autre. Je pense que la foi et la raison ne donnent pas des vues antagonistes, mais complémentaires. »
Vers la fin du dossier, un point de vue intéressant sur Ève, la première femme de la Genèse, est cité par Brigitte Hernandez dans un article intitulé « Ève et les autres... ». S'appuyant sur les explications de Pauline Bebe, rabbin de la communauté juive libérale française, Brigitte Hernandez dit de celle qui fut chassée du jardin d'Éden avec Adam: « Ève... la première qui n'est pas vraiment la première, car avant... il y eut 'Isha' ou 'Ishah' ». Et d'expliquer que les deux récits de la Création ont des sources différentes. Dans le premier « la femme (isha) est créée en même temps que l'homme (ish)... tous deux créés à l'image de Dieu ». L'humanité apparaît ainsi sous forme féminine et masculine. « Dans le second texte, poursuit l'auteur, la femme est créée de la côte de l'homme, et sert de remède à sa solitude. »
Dans l'article d'Émilie Trevert, « Pourquoi ils lisent les Saintes Écritures », des ministres, comédiens, écrivains, scientifiques, croyants ou athées confient leur attachement à la Bible.
Exemples. Pour Eliette Abécassis, romancière, juive pratiquante, agrégée de philosophie, la Bible a toujours fait partie de sa vie. Résumer la Bible en une phrase serait pour elle: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Et de conclure: « C'est ça la Bible, en fait. Une histoire d'amour. »
Le prix Nobel de physique, Pierre-Gilles de Gennes, ne peut plus affirmer aujourd'hui qu'il est croyant, mais il reste fasciné par la Bible. « Science et religion ont toujours été intimement liées, note-t-il. Dans ce livre saint, il y a des aspects certes anecdotiques, mais pas moins scientifiques. »
“La parole de Dieu, c'est le message d'un père à ses enfants.”
Une autre voix: « La religion m'a beaucoup aidé à me sortir de la drogue... A cette époque-là, dans les années 70, j'ai relu des textes de l'Évangile et des prières. » (Thierry Ardisson, animateur de télévision)
Roselyne Bachelot, ministre, déclare qu'elle n'a jamais perdu la foi. « Ça donne un sens à ma vie. Je sais d'où je viens et je sais où je vais. » Sa grande passion: l'Apocalypse de saint Jean, « un texte magnifique et magique ». Lorsqu'elle était parlementaire, elle animait un groupe de spiritualité à l'Assemblée nationale et pour elle, « la Bible est le livre du pouvoir par excellence ».
Enfin, dernier témoignage, celui de la comédienne Brigitte Fossey, qui dit de la Bible: « C'est une source de réflexion incroyable... Le soir, quand je ne suis pas bien, je lis des passages et ça m'apaise. Ça me rappelle aussi que la vie n'est pas seulement le quotidien, que le monde a une origine spirituelle. On ne doit pas avoir honte de son identité ».
Le Point,
19–26 décembre 2003, p. 131
