Skip to main content Skip to search Skip to header Skip to footer
Article de couverture

“Faire du pardon un acte pragmatique”

Tiré du Héraut de la Science Chrétienne d’avril 2004


Le pardon s'apprend-il ? Le docteur F. Luskin pense que oui... « Ce qui me passionne dans la vie, c'est de faire en sorte que le pardon devienne un acte simple et pragmatique. »

Le docteur Fred Luskin a un doctorat en sociopsychologie et en psychologie de la santé. Il est le directeur et le fondateur du Programme Forgiveness [pardon] à l'Université de Stanford, en Californie. Il est également l'auteur d'un livre, Forgive for good [Pardonne pour de bon], qui explique la méthode dont il se sert dans ses sessions de formation. En général, on considère que pardonner est une question personnelle, parfois pénible. Or, dans le cadre de ce programme, des centaines de gens ont véritablement appris à pardonner.

Dans son livre, il explique qu'un problème survenu dans sa propre existence l'a conduit à s'intéresser à ce sujet: ayant été fortement déçu par le comportement d'un ami, il s'abîmait dans « l'amertume, la rancœur et la tristesse ». A un moment donné, il s'est rendu compte qu'il lui fallait pardonner pour pouvoir continuer à vivre. Et c'est ainsi qu'est né son livre. « En l'élaborant, j'ai appris que ma souffrance et celle des gens avec lesquels je travaillais était en grande partie inutile. Peu importe la gravité de la blessure, pardonner procure une paix quasi divine. » Fred Luskin, Forgive for good (Harper San Francisco/Harper Collins Publishers, 2002), p. 12.

Pour le docteur Luskin, pardonner ne signifie pas fermer les yeux sur le mal que les gens nous ont fait. Ce n'est pas non plus oublier un incident douloureux ni s'accorder avec la personne qui nous a blessés. Pardonner consiste à connaître la paix à l'instant même. C'est pour vous, non pour l'autre personne que vous pardonnez. C'est prendre la responsabilité de ce qu'on ressent et retrouver la maîtrise de soi. Pardonner est une technique qui s'acquiert, comme lancer une balle de baseball. C'est devenir un héros au lieu d'être une victime. C'est affirmer avec force que les choses déplaisantes ne vont pas vous gâcher la journée, même si elles l'ont fait par le passé; vous avez des possibilités à saisir maintenant.

Pardonner libère certaines ressources, certaines énergies et certaines capacités, en partie, si ce n'est totalement. Par exemple, les gens peuvent « se rendre maîtres de leurs émotions afin de juger la situation avec lucidité. Ils ne gaspillent plus leur précieuse énergie, pris au piège de la colère, des blessures d'amour-propre, pour des choses auxquelles ils ne peuvent rien. » ibid., p. 18.

Des études scientifiques poussées ont montré que cette formation réduit le nombre de dépressions, augmente l'optimisme, diminue la colère, accroît la spiritualité, développe la confiance en soi sur le plan émotionnel et permet de sauver des relations brisées.

« Cette méthodologie, nous dit Fred Luskin, s'est avérée extrêmement utile à un grand nombre de gens, en leur permettant de faire face à la plupart des événements qui surviennent dans la vie et d'affronter des choses aussi terribles que des parents violents et alcooliques, des conjoints infidèles ou qui ne paient pas les pensions alimentaires ou bien encore des viols. »

Comment pardonner ? Pour Fred Luskin, sous la partie de nous-mêmes qui souffre se trouve une voix douce et posée qui est le don de l'Esprit. Et c'est la voix du pardon. Il essaie d'enseigner ce concept sans l'appeler spirituel, parce qu'il pense qu'il aurait un champ d'application moins grand. Donc, il utilise un langage qui peut toucher n'importe qui, un langage qui affirme qu'il existe un lieu de paix en chacun. Un grand nombre de pasteurs et de prêtres suivent ce cours afin de savoir comment parler à leurs paroissiens sans être dogmatiques, et il a rencontré bon nombre de gens de toutes confessions qui lui ont déclaré que son cours leur a fait mettre le doigt sur « quelque chose que je savais déjà ».

Le programme Irlande du Nord

A un moment donné, Fred Luskin a eu la possibilité de travailler avec des gens ayant été profondément blessés. Il nous a parlé de Byron Bland, un pasteur presbytérien qui travaille sur les campus universitaires et a fait partie des forces de maintien de la paix en Irlande du Nord et d'une amie de celui-ci, Norma McConville, qui a des contacts dans les deux communautés, catholique et protestante. Ils sont tous les deux très impliqués dans le dialogue entre ces deux communautés, dans les efforts qui sont faits pour qu'elles communiquent entre elles. Et ils se sont trouvés face à l'énorme hostilité qui existe entre les deux camps. Byron Bland est entré en contact avec M. Luskin afin de voir si son travail pourrait être utile à des personnes qui ont perdu des êtres chers.

Ils ont collaboré eux ensemble à trois projets. Deux d'entre eux consistaient en des travaux de recherche sur la possibilité d'aider des individus: le premier groupe était formé de mères ayant perdu un fils pendant le conflit; le deuxième groupe était composé d'un éventail plus large de familles ayant perdu un être cher, et dans le troisième groupe, ils ont inclus des leaders des deux communautés.

Ce sont des cas difficiles, explique le docteur Luskin, parce que ce sont des proches qui ont été tués. A propos du meurtre d'un enfant en Irlande du Nord, Byron Bland fit ressortir, pendant la formation, que la famille de la victime et sa communauté considèrent l'une et l'autre que le meurtre leur « appartient ». Il appartient à la communauté, parce que celle-ci s'en sert pour justifier sa haine et sa défiance à l'égard de l'autre groupe. Le meurtre appartient aussi à la famille parce qu'elle est effondrée et a besoin d'être soulagée de son chagrin. Or, si les membres de cette famille guérissent de leur peine, ils sont considérés comme ayant trahi leur propre groupe. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces conflits perdurent et qu'il est difficile pour une famille de retrouver la sérénité au milieu d'une violence religieuse et culturelle continuelle.

Les gens voient leurs souffrances diminuer de façon notable et ils reconstruisent leur existence.

Fred Luskin et Byron Bland espéraient pouvoir semer le désir de pardonner en quantité suffisante chez des individus afin de changer un peu le langage employé dans les discussions entre les communautés.

En outre, ils essayaient d'aider les gens à reprendre une vie normale en leur disant: « Ne vous perdez pas dans cette rancune et cette colère au point de cesser d'aimer ceux qui sont encore vivants. » Pour le docteur Luskin et le Révérend Bland, c'était un but tout aussi important que les autres.

Pour certaines personnes, en particulier pour les femmes du premier groupe, l'éduction religieuse permettait de pardonner plus facilement. Ces femmes avaient en commun des bases chrétiennes, et au fond d'elles-mêmes, elles savaient que c'était comme si Jésus leur parlait. Elles savaient que Jésus voulait qu'elles pardonnent, mais là le pardon leur était enseigné sous un angle si pratique et si laïc qu'il leur paraissait plus digeste. « Parce que, explique Fred Luskin, je leur disais: “Faites au moins ceci: le matin, en vous réveillant, le cœur sincère, allez ouvrir la fenêtre, tendez les mains, regardez dehors et dites: Merci mon Dieu de me garder en vie, de minute en minute.” » C'est plus simple que de dire: « Je pardonne à celui qui a tué mon enfant. »

Grâce à ces formations, les gens voient leurs souffrances diminuer de façon notable et ils reconstruisent leur existence, ce qui est le but. M. Luskin fait remarquer que presque tous en ont retiré une chose: la force que donne le fait de savoir qu'on a au moins le choix. Jusque-là, en effet, ils étaient anéantis par leur souffrance et ne voyaient plus rien d'autre.

Fred Luskin explique que Byron Bland et Norma McConville sont toujours en contact avec ces gens. Aucun d'eux n'a encore trouvé le langage à employer pour aller parler du pardon à leur communauté, mais d'après ce qu'il sait, parmi les personnes qui ont appris la méthodologie, certaines ont pu en semer un peu dans leurs discussions. Et c'est formidable, dit-il. Certaines personnes ont fait d'énormes progrès dans leur vie, d'autres pas. Il est manifeste que des gens retrouvent l'espoir, mettent leur énergie et leur travail davantage au service des deux communautés. D'autres restent plus en retrait.

Le docteur Luskin se souvient d'un cas précis: L'une des mères du premier groupe est revenue pour se joindre au deuxième groupe. Deux de ses enfants l'accompagnaient. Cela faisait presque vingt ans que leur frère avait été tué et que leur mére s'était effondrée de désespoir. Et les enfants ont dit à Fred Luskin: « Merci de nous avoir rendu notre mère. » « Est-elle complètement remise ? Non, bien sûr, mais dans l'acte du pardon, l'accent est mis sur la nécessité de penser à l'avenir non au passé. Et cela a changé beaucoup de choses pour elle », déclare Fred Luskin.

Il pense qu'on devrait tous faire quelque chose pour aider la société et le monde. « Il y a d'autres lieux sur terre où il serait utile d'enseigner des choses simples, comme la façon de faire face à l'horreur, à la méchanceté ou à quoi que ce soit d'autre, sans avoir à perdre la raison. Nos petits accomplissements doivent donc être reproduits à une bien plus grande échelle. » Voilà un conseil qui pourrait être utile aux individus comme aux sociétés.

Site Internet:
www.learningtoforgive.com

Pour découvrir plus de contenu comme celui-ci, vous êtes invité à vous inscrire aux notifications hebdomadaires du Héraut. Vous recevrez des articles, des enregistrements audio et des annonces directement par WhatsApp ou par e-mail. 

S’inscrire

Plus DANS CE NUMÉRO / avril 2004

La mission du Héraut

« ... proclamer l’activité et l’accessibilité universelles de la Vérité toujours disponible... »

                                                                                                                                 Mary Baker Eddy

En savoir plus sur le Héraut et sa mission.