On a souvent décrit le livre de Job, dans la Bible, avec ses thèmes sur la souffrance, la justice divine et l'influence du mal comme une étude sur la condition humaine.
Quand on considère le mal dont notre planète a été le théâtre ces derniers temps: le 11 septembre 2001, les attentats-suicide, ainsi que toutes les autres causes d'une peur lancinante, l'histoire de Job peut sans doute apporter des idées nouvelles à un monde à la recherche de réponses spirituelles.
Au centre de l'histoire de Job, il y a un homme à la foi immense. Or, un grand nombre de gens, aujourd'hui, trouvent du réconfort à se tourner vers leur Dieu pour avoir des réponses aux questions profondes de la vie, comme l'a fait ce personnage biblique. Je me suis entretenu avec J. Kenneth Kuntz, à propos de cette histoire intemporelle. M. Kuntz, professeur à l'Université de l'lowa, aux États-Unis, donne des cours sur l'Ancien Testament. Il est aussi pasteur de l'Église méthodiste unie, et cela fait plus de trente ans qu'il parle de Job à ses élèves.
Nous avons commencé par examiner l'origine probable du livre. « Job fait partie de la littérature de sagesse, dans la Bible hébraïque », a-t-il expliqué. La littérature de sagesse, très répandue dans le Proche-Orient ancien, était composée d'écrits qui exploraient des vérités fondamentales concernant l'univers. « Par conséquent, le livre a un ton international, en quelque sorte. Il traite l'humanité là où on la trouve. » Étant donné que la trame se situe dans le pays d'Uts, « les problèmes posés ne sont pas seulement ceux d'un Israélite dans le pays d'Israël. Uts sert de "terrain neutre" », fait remarquer M. Kuntz.
Job est marié, il a des enfants, et il est, dans tous les sens du terme, un homme riche. Au début du livre, on dit qu'il est « intègre ». M. Kuntz a commenté ce terme: « Le mot hébreu tam veut dire "parfait" ou "irréprochable". C'est le premier adjectif utilisé pour décrire Job, je ne le prendrais donc pas à la légère. On pourrait presque considérer qu'il s'agit d'une vertu universelle. »
Suit une conversation entre Dieu et Satan, et Dieu informe Satan que Job est intègre et résolu à haïr le mal. Satan Lui répond que c'est uniquement parce que Job a réussi dans la vie et que Dieu l'a tout particulièrement comblé de bienfaits.
Dieu permet donc à Satan de mettre Job à l'épreuve en le privant de ses enfants et de ses biens. Job se lamente sur ce qu'il a perdu, mais il ne faillit pas. Satan décide alors d'affliger Job physiquement, en le frappant d'une maladie de peau, et espère que cette maladie altérera sa foi. Sa femme lui conseille de maudire Dieu et de mourir, mais Job refuse de pécher ou de blâmer Dieu.
A ce moment du récit, le lecteur se dit peut-être que Job aimerait au moins que Dieu lui explique pourquoi il lui arrive toutes ces calamités. M. Kuntz pense en effet que Job doit sans doute commencer à se poser des questions: « Je soupçonne que Job se dit: "Dieu a deux grands attributs, Il est puissant et Il est juste. Je n'ai aucun doute sur Sa puissance, mais j'en ai sur Sa justice." »
Trois amis de Job viennent le réconforter. Ils supposent que si Job souffre tant, c'est parce qu'il a dû faire quelque chose pour s'attirer ces malheurs. « Ses amis pensent que sa souffrance dénote un état de péché, dit M. Kuntz. Ils représentent la voix de l'orthodoxie, et donc ils restent dans la "ligne du parti". Éliphaz, le premier qui s'adresse à Job, essaie de l'aider. Le deuxième, Bildad, essaie de lui faire peur. En d'autres termes, "une tactique de la peur te forcera à voir ton erreur". Or, dans la réponse de Job à Bildad, nous trouvons cette phrase: "Je sais que mon rédempteur est vivant." (19:25) Job semble déterminé à dire que les choses vont nécessairement s'arranger d'une façon ou d'une autre. »
Toutefois, l'adversaire semble trop fort pour Job qui en vient, à un moment, à perdre courage. M. Kuntz explique que le mot Satan peut être défini comme un « adversaire ». Quand je lui ai demandé s'il pensait que le mal était considéré, à l'époque, comme une réalité ultime, M. Kuntz a répondu qu'il tend à le croire. « C'est une réalité envahissante dont on n'imagine pas qu'elle puisse s'évaporer en une semaine, dit-il. C'est donc une force continuelle, régulière, dans la vie de l'homme. D'un autre côté, si on pense que Dieu et Son royaume finiront par triompher, alors je ne suis pas sûr qu'on puisse parler de "réalité ultime". Je dirais que le mal était vu comme une force impersonnelle, mais manifestée par les êtres humains. Les forces du mal ne sont pas tant vues sous la forme de tornades ou de tremblements de terre que sous les traits de gens méchants qui suivent un leader arrogant, hostile au plan de Dieu. Le mal prend donc visage humain. »
M. Kuntz prend soin de signaler que certaines parties du livre ont été écrites à des époques différentes. « A l'époque où la section en prose – les deux premiers chapitres et la majeure partie du dernier chapitre – a été écrite, je pense que Dieu était vu comme susceptible d'être à l'origine du bien et du mal. Puis plus tard, la question s'est posée: "Dieu peut-Il être l'auteur du mal ?" Il y a donc un dualisme qui apparaît davantage dans la section poétique – du chapitre 3 jusqu'aux premiers versets du chapitre 42 – qui a été écrite bien plus tard. C'est là que le personnage de Satan devient utile, parce que c'est lui qui est la cause de tout ce qui arrive à Job. Vous pourriez dire que le concept de Satan surgit par nécessité. Vous avez donc une sorte de pensée développée. »
Dans la suite de l'histoire, les amis de Job – entre-temps, un quatrième est apparu, Élihu – continuent de lui offrir leurs conseils. Finalement Dieu s'adresse à Job.
« Il est intéressant de noter, dit M. Kuntz au sujet du premier discours de Dieu, que Job répond, "Je suis trop peu de chose; que te répliquerai-je ?" (39:37) Cela pouvait vouloir dire: "Tu as raison" ou "Tu me domines". C'est ambigu. Après le deuxième discours de Dieu, celui que les spécialistes aiment appeler "La poursuite de désambiguïsation menée par Dieu", Job répond: "Mon oreille avait entendu parler de toi; mais maintenant mon œil t'a vu. C'est pourquoi je me condamne..." (42:5, 6) Cela pourrait vouloir dire "Je Te connaissais par ce que la religion traditionnelle m'avait enseigné. Mais à présent j'ai vécu une expérience personnelle et je T'ai donc vu." »
Le récit nous dit que Job reçut plus de bienfaits de Dieu pendant ses dernières années que lors de ses premières années. Même si, à la fin, on ne mentionne plus le caractère « irréprochable » de Job, ce n'est peut-être pas cela l'important. Comme le dit M. Kuntz simplement: « La vision que Job avait de Dieu s'est élargie. »
