L’homme que les chrétiens connaissent sous le nom de saint Paul fut probablement l’un des plus grands « vendeurs » du monde. On ne dira jamais assez ce qu’il accomplit pour diffuser et nourrir le christianisme.
Juif rigoureux et pratiquant du premier siècle de notre ère, Paul permit à des hommes et des femmes de diverses cultures de changer radicalement leur façon de penser et d’adorer Dieu.
Il ne disposait d’aucune technologie sophistiquée. Il fit appel à sa profonde spiritualité, à sa connaissance des Écritures, à ses facultés intellectuelles, à son éloquence et à sa capacité de démontrer le pouvoir derrière les idées. Riche de toutes ces qualités, Paul parcourut le monde méditerranéen à pied et en bateau, rassembla des convertis, se fit des ennemis, fonda des assemblées de fidèles et modifia le cours de l’histoire.
Né dans ce qui est à présent le sudouest de la Turquie, Paul s’appelait à l’origine Saul, peut-être en souvenir de Saül, le grand roi des débuts de l'histoire d’Israël. (Saül et Saul appartenaient tous deux à la tribu de Benjamin.) D’après la Bible, il reçut son éducation religieuse à Jérusalem du célèbre rabbin Gamaliel qui était à la tête de la secte juive qu’on appelait les pharisiens et qui était connu pour son attitude modérée envers les chrétiens.The Interpreter’s Dictionary of the Bible, Vol. II (Nashville, Tennessee: Abingdon Press, 1962), p. 351. Encore aujourd’hui, Gamaliel est révéré par les Juifs qui voient en lui le plus grand professeur de tous les temps.
Toutefois, la modération ne fut pas toujours l’une des vertus de Saul. Il était résolu à persécuter et à exterminer les disciples de Jésus. Il fut impliqué dans la mort de l’un des premiers martyrs du christianisme, saint Étienne. Et peu de temps après, ainsi que nous le lisons dans la Bible, « Saul... ravageait l’Église; pénétrant dans les maisons, il en arrachait hommes et femmes, et les faisait jeter en prison » (Actes 8:3).
Or cela eut pour effet d’attiser le feu: le mouvement se propagea encore davantage, et le désir de proclamer la bonne nouvelle concernant Jésus et le royaume de Dieu n’en devint que plus ardent. Finalement, dans sa fureur, Saul obtint des autorités juives le droit de se rendre à Damas, en Syrie, afin de continuer à persécuter les chrétiens. Et c’est lors de ce voyage que sa vie fut transformée.
Saul eut une vision qui le mit littéralement à genoux. Il entendit la voix de Jésus lui reprocher sa haine puis le choisir pour accomplir une mission spéciale. Au cours de cette rencontre, il devint aveugle. Cette cécité dura trois jours, jusqu’à ce qu’un chrétien nommé Ananias vienne trouver Saul et le guérisse. Lorsqu’Ananias le toucha, les yeux de Saul s’ouvrirent à la fois physiquement et métaphoriquement. A cet instant, Saul prit conscience de son erreur (un manque de vision spirituelle fut peut-être à l’origine de cet aveuglement physique et spirituel), et immédiatement il entama un nouveau parcours. Ce cheminement allait finir par transformer son caractère et allait donner au christianisme des racines permanentes – dans les cœurs et les foyers, des palais à la plus humble chaumière – tout le long de la ceinture formée par l’Empire romain qui allait de la Palestine à l’Italie. Et c’est ce cheminement de Paul qui allait faire connaître cette religion qui se distinguera par ses guérisons et son pouvoir régénérateur comme aucune autre auparavant.
Saul se mit immédiatement à proclamer ce dont il venait d’être convaincu: le Christ était le Fils de Dieu. On avait beaucoup parlé de ses diatribes contre la communauté des disciples de Jésus, et ceux-ci, méfiants, ne parvenaient pas à croire qu’un homme connu pour avoir été leur persécuteur puisse avoir fait une telle volte-face en si peu de temps. En outre, ses discours implacables lui avaient attiré la haine de nombreux juifs. Saul se rendit compte qu’il lui fallait prendre le temps de procéder à une réflexion intérieure profonde, et il se retira en Arabie pendant trois ans environ.
Nous n’avons aucune indication sur ce que fit Saul pendant ces trois années en Arabie ni où il résida exactement. D’ailleurs, de nombreux détails de sa vie demeurent inconnus. On peut simplement imaginer que le temps passé en Arabie fut essentiellement un voyage spirituel au cours duquel il pria, étudia les Écritures juives (il n’existait pas d’Écritures chrétiennes à cette époque), et retravailla toute sa théologie afin de confirmer que Jésus de Nazareth était bien le Messie attendu qu’avait prédit la prophétie juive. Ce fut certainement un voyage spirituel d’une dimension extraordinaire. D’ailleurs, il en revint transformé.
Ceux qui s’étaient convertis au christianisme avaient prouvé que tous les individus possédaient une spiritualité innée.
Lorsque Saul revint de l’exil qu’il s’était imposé, il se mit à prêcher le Christ de nouveau à Damas puis à Jérusalem. Certains juifs, hostiles à son message, étaient si révoltés qu’ils cherchèrent à le tuer. Mais accompagné de ses nouveaux amis du Chemin (ainsi qu’on appelait parfois le mouvement chrétien à cette époque), il fut escorté jusqu’à la ville côtière de Césarée et s’embarqua pour retourner à Tarse, sa ville natale.
Là, il s’aguerrit, mais d’une autre façon. Il vécut à Tarse pendant une dizaine d’années et exerça son métier de faiseur de tentes tout en apprenant à communiquer avec les autres et à faire face à l’opposition. Il prêcha dans les provinces romaines de Cilicie, la région autour de Tarse, ainsi qu’en Syrie, et selon certains spécialistes, c’est pendant cette période que Paul subit un grand nombre des épreuves dont il parle dans la Deuxième épître aux Corinthiens (11:23-27).
Saul rencontre Barnabas
Durant les années que Saul passa à Tarse, un fidèle professeur chrétien, Barnabas, travaillait à Antioche, en Syrie, une ville à la vie trépidante, à 480 km au nord de Jérusalem. Barnabas avait besoin d’aide, et le succès de Saul en Cilicie montrait qu’il serait capable d’apporter le christianisme aux païens et de les « discipliner » dans leur nouveau style de vie. Barnabas se rendit donc à Tarse et ramena Saul avec lui à Antioche. Et c’est à Antioche, vers le milieu du premier siècle, qu’on commença à appeler « chrétiens » les disciples de Jésus.
Au bout d’un an, Saul et Barnabas rassemblèrent des dons et des offrandes qu’ils emportèrent à Jérusalem pour y soutenir le mouvement. C’est pendant cette période que les chefs de l’Église, Jacques, Pierre et Jean, établirent le principe qu’il n’était pas nécessaire pour des non-Juifs qui désiraient se convertir au christianisme, de se conformer d’abord à la plupart des coutumes juives. Ils décidèrent également que le travail avec les convertis non juifs convenait parfaitement à Saul et Barnabas, tandis qu’eux-mêmes se sentaient plus enclins à travailler au sein de la communauté juive.
Le destin de Saul se précisait davantage. A présent, il était totalement accepté par les autorités de l’Église, il avait fait ses preuves en qualité de prédicateur et de missionnaire et avait été appelé à convertir les païens au christianisme.
Saul et Barnabas n’étaient que deux leaders dévoués de l’église d’Antioche parmi d’autres. Tous les leaders se tournaient continuellement vers Dieu pour être guidés dans leur travail, et il leur devint évident que Barnabas et Saul avaient été « envoyés par le Saint-Esprit » (voir Actes 13:4) pour travailler ailleurs. Alors, ces derniers poursuivirent leur évangélisation en terre étrangère.
Ils entamèrent ce qui allait devenir pour Saul le premier de trois voyages missionnaires. C’est à ces voyages et aux petites églises qu’il fonda un peu partout en Asie mineure, en Grèce et en Italie, qu’il consacra le reste de sa vie.
Le premier voyage missionnaire
Dès le départ, ce voyage, qui eut lieu en 47 et 48 après J.-C., fut une entreprise de prière. Saul et Barnabas se rendirent dans les nations païennes, portant le message du Christ. Les païens qui s’étaient déjà convertis au christianisme avaient prouvé que tous les individus, juifs et non juifs, possédaient une spiritualité innée que pouvaient réveiller et nourrir ceux qui étaient envoyés par le Saint-Esprit.
Saul et Barnabas commencèrent leur mission ensemble à Chypre. Dans la ville occidentale de Paphos, siège du proconsul romain, Sergius Paulus, il fut démontré de manière frappante que les Évangiles avaient le pouvoir d’agiter le cœur des gens, dans un bon ou dans un mauvais sens. Ce qu’il en entendit plut au proconsul, un homme intelligent et curieux, qui invita les deux voyageurs à venir prêcher la parole de Dieu devant lui.
Elymas, sorcier et astrologue qui faisait partie de l’entourage du gouverneur, leur résista vigoureusement. Il avait apparemment des mobiles intéressés, craignant de perdre l’influence qu’il exerçait à la cour. Saul reprit le faux prophète avec promptitude et véhémence, ce qui provoqua chez Elymas une cécité temporaire, semblable à celle qu’avait connue Saul/Paul sur le chemin de Damas. Cet incident régla la question pour le proconsul, qui se convertit au christianisme.
A partir de là, Saul fut appelé Paul. Son nom de baptême était Saul, nom d’origine hébraïque qui créait donc un lien avec les Juifs de Judée parlant hébreu. Mais à présent, étant donné qu’il allait établir son ministère sur les terres païennes, son nom « romain », Paul, convenait sans doute mieux. The Anchor Bible, Vol. 31, “The Acts of the Apostles” (Garden City, New York, Doubleday and Company, 1967), p. 119.
De Paphos, Paul et ses compagnons embarquèrent pour le continent et se dirigèrent vers le nord, vers Antioche, dans la province de Pisidie. Le livre des Actes des apôtres décrit en détail la façon dont ils travaillaient: Le jour du sabbat, ils se rendaient à la synagogue. En qualité de visiteurs étrangers, ils étaient invités à s’adresser à l’assemblée des fidèles par les officiers qui présidaient au culte. Paul saisissait cette occasion pour annoncer la bonne nouvelle du Messie si longtemps attendu qui était venu en la personne de Jésus le Christ. (D’après les Écritures juives, un Messie devait venir qui les délivrerait de la servitude et de la persécution.)
Un grand nombre de gens venaient dialoguer avec Paul à la fin du culte, et il enseignait ceux qui étaient sincèrement intéressés. Il les baptisait et formait ainsi un nouveau groupe de chrétiens au sein de cette communauté. Toutefois, ceux qui résistaient au message se mettaient souvent en colère et perturbaient les débats, entraînant Paul hors de la ville ou même cherchant à le blesser physiquement.
Il se trouva que, malgré le fait que le sermon de Paul comprenait une histoire détaillée du peuple juif, les païens étaient plus réceptifs. Il se rendit compte alors que ce seraient surtout les païens et non les Juifs qu’il parviendrait à amener au salut. Néanmoins, il ne perdit jamais espoir concernant son propre peuple, car il était sûr que le peuple élu de Dieu aurait toujours sa place dans le plan de salut divin.
Dans une certaine ville, Lystre, Paul guérit un homme qui était infirme de naissance. A la suite de cette guérison, les prêtres du dieu païen, Zeus, préparèrent un holocauste, croyant que les missionnaires étaient des dieux descendus du ciel. Ce n’est qu’après leur avoir parlé que Paul et Barnabas purent les empêcher de procéder à ce rite païen.
Les missionnaires chrétiens durent bientôt faire face à une autre difficulté. Des Juifs qui leur étaient opposés excitèrent la foule. Ils lapidèrent Paul puis traînèrent son corps hors de la ville, pensant qu’il était mort. Celui-ci revint à la vie en présence des croyants qui priaient pour sa guérison. Malgré tout cela, Paul ne se laissa pas décourager, et, en compagnie des autres missionnaires, il continua jusqu’à Derbe, sa destination finale.
Après avoir fait de nombreux convertis dans la ville de Derbe, les missionnaires revinrent sur leurs pas, ils encouragèrent les nouveaux convertis, les fortifiant dans leur foi et les préparant également à supporter les épreuves que leur succès entraînerait et que leur feraient subir les esprits matérialistes. Paul institua aussi à l’intérieur de chaque assemblée un système hiérarchique simple qui puisse soutenir en son absence l’église naissante.
Enfin de retour à Antioche, en Syrie, Paul et Barnabas rassemblèrent les fidèles et racontèrent à tous les croyants leurs aventures et la façon dont Dieu avait « ouvert aux nations la porte de la foi » (voir Actes 14:27). Ils étaient partis depuis un an et avaient parcouru plus de deux mille kilomètres. Le Saint-Esprit les avait protégés et leur avait permis de mener à bien leur mission. Avec la fondation de ces premières églises essentiellement formées d’anciens païens, Paul avait fait avancer le christianisme vers une nouvelle étape. Dorénavant, ce dernier ne serait plus considéré comme une simple secte à l’intérieur du judaïsme. Paul avait installé solidement le nouveau mouvement sur un chemin le conduisant vers sa destinée finale: l’Église universelle.
