Tout au long de mon propre parcours spirituel, j'ai toujours été émue par l'histoire de ceux qui ont touché le fond. La maladie, la toxicomanie ou le péché les ont fait descendre au plus bas, et un jour ils envisagent — ou même simplement espèrent — un concept de la vie plus spirituel. A partir de là, que ce soit rapidement ou graduellement, la situation s'améliore.
Lorsque je participais à la production d'une émission de télévision sur le travail humanitaire, j'ai interviewé une femme originaire du Bangladesh qui avait été secourue par l'Armée du Salut. Abandonnée par son mari, elle s'était retrouvée dans le dénuement. Bien que sa famille ne fût pas obligée de lui donner à manger, son père l'avait autorisée à vivre sur le perron de leur maison en pisé. Elle travaillait toute la journée, partout où elle pouvait, elle gagnait très peu d'argent dans un pays déjà si pauvre, et elle ne mangeait pas à sa faim.
A ce moment-là, un représentant de l'Armée du Salut l'a invitée à rejoindre un groupement d'épargne dans lequel des femmes mettaient en commun de très petites sommes d'argent. Des prêts extrêmement modestes sont faits aux membres du groupe et si un prêt n'est pas remboursé — ce qui arrive rarement — tout le groupe est tenu responsable. Cette femme a d'abord emprunté de l'argent pour s'acheter une chèvre qu'elle a revendue avec profit. Puis elle a emprunté de l'argent pour s'acheter une vache. La vache a produit du lait et a donné naissance à un veau que la femme a vendu. Enfin, elle a emprunté de l'argent pour s'acheter des outils afin de réparer des bicyclettes. Finalement, elle a pu monter sa propre petite entreprise en réparant les vélos et les pousse-pousse qui, par milliers, encombrent les rues de son pays. J'ai eu les larmes aux yeux quand elle m'a dit qu'elle projetait à présent d'envoyer son fils aîné à l'université.
Quelle différence quand des gens pleins d'amour s'unissent pour aider leurs semblables ! Et ce qui est formidable, c'est lorsque la personne qui est aidée commence à se considérer — comme l'a fait cette femme — capable, forte et complète.
En préparant cette émission, j'ai été touchée par mes rencontres avec des missionnaires qui vont là où on les envoie, en s'en remettant à Dieu pour trouver les idées et les ressources dont ils ont besoin et qui leur permettent de résoudre les problèmes qu'ils rencontrent. Ils ne sont pas bien payés. Mais, de retour aux États-Unis, l'homme qui avait organisé notre voyage au Bangladesh m'a confié qu'il est toujours répondu aux besoins de sa famille. « On jette son pain sur la face des eaux, m'a-t-il dit, et il revient grillé et beurré. »
L'émission évitait en général d'aborder le sujet de la religion. Toutefois, en tant que chrétienne, j'ai puisé beaucoup d'inspiration dans le fait que ces services rendus au prochain faisaient partie intégrante de la recherche spirituelle. Par exemple, l'Armée du Salut avait installé un bureau avec un dispensaire, à l'extérieur de plusieurs grandes maisons closes où des filles de familles pauvres sont abandonnées ou vendues. C'est un médecin de la ville, un catholique, responsable du dispensaire, qui en a eu l'idée. Il a confié que ses anciens camarades de l'école de médecine sont riches maintenant, tandis que lui a peu d'argent. Mais il éprouve une grande joie à aider ces pauvres gens. Comme il le dit lui-même, « c'est quelque chose... de divin, voyez-vous ? »
Une femme hindoue qui travaillait dans les maisons closes et qui à présent les visite en qualité de conseillère, a expliqué que même si les femmes ne sont pas prisonnières en théorie, il leur est pratiquement impossible de trouver un autre moyen de gagner leur vie et elles n'ont pas le courage de partir. Elle en a eu la force en lisant la Bible.
Plus tard, dans un village, j'ai assisté à un service religieux au cours duquel on pouvait donner un témoignage. J'ai demandé à un interprète de me traduire ce qui se disait. Des gens se sont levés pour dire qu'ils avaient été malades et que la prière les avait guéris. Une femme a expliqué que son mari avait besoin d'être soigné à l'hôpital, alors ils sont partis à pied, sans un sou. Elle priait pour que Dieu les aide, et dans ce pays où quelques centimes permettent de devenir membre d'un groupement d'épargne, une connaissance leur a donné vingt dollars pour le voyage.
C'est ainsi qu'au Bangladesh, j'ai découvert une autre sorte de parcours spirituel. Celui fait par des personnes qui descendent dans la fosse volontairement afin d'en retirer un autre pèlerin. On pourrait dire que ces gens touchent le fond exprès puis attendent avec leur prochain jusqu'à ce qu'il soit clair que l'amour de Dieu est déjà là pour répondre même aux besoins les plus grands, pour indiquer comment remonter la pente et s'en sortir.