Héraut: Vous êtes avec votre mari à la tête de votre propre entreprise dans le domaine de la métallurgie. Pourriez–vous me dire comment vous êtes arrivée à faire ce travail ?
M-C. M: C'était une affaire pour laquelle je n'avais aucune expérience professionnelle. J'ai une formation de juriste. J'ai été clerc de notaire. J'ai travaillé dans ce domaine pendant six ans. Et je m'apprêtais à devenir notaire parce que c'est ça qui était pour moi le métier le plus attrayant. Mais quand mon mari s'est retrouvé sans travail, il m'a demandé de travailler avec lui pour faire démarrer cette affaire. Au début je ne voulais pas, parce que pour moi c'était un domaine inconnu, si loin de mon expérience professionnelle. J'avais beaucoup de réserves. De plus, il n'y avait que des hommes dans ce métier.
Héraut: Vous pensiez peut-être que vous n'auriez pas les capacités nécessaires ?
M-C. M: Non seulement que je n'aurais pas les capacités nécessaires, mais que ce serait trop dur pour moi. Je me suis tournée vers Dieu. Je lisais souvent la Bible, Science et Santé ainsi que des périodiques de la Christian Science. J'ai compris que la prière et une confiance radicale en Dieu, fondée sur une compréhension spirituelle des lois divines qui nous gouvernent, apportent aussi une solution pratique aux graves problèmes du monde du travail, qu'il s'agisse d'un emploi aléatoire, d'une carrière compromise ou de la survie d'une entreprise. Et là vraiment il s'agissait de la survie de notre entreprise et de nous-mêmes.
Héraut: Qu'est–ce qui s'est passé alors ?
M-C. M.: Au cours de mes prières, je me suis inspirée de ces idées. Après avoir lu, j'étais pleine d'assurance. J'attendais vraiment des directives de Dieu. J'ai passé la nuit à prier, parce que c'était angoissant sur le plan financier, on n'avait plus d'argent. Il fallait que cette affaire puisse subvenir à tous nos besoins. Il nous fallait trouver des clients qui nous confient du travail.
Héraut: Quelles étaient vos responsabilités au sein de votre entreprise ?
M-C. M.: Mon mari concevait le travail, s'occupait de l'atelier et de faire réaliser les travaux. Tandis que moi je m'occupais de la recherche du marché, je faisais de la prospection. Pour cela il fallait connaître les termes exacts du métier, pour que je puisse représenter convenablement ma société. Je m'occupais aussi du service administratif, des relations avec les banques et de la gestion du personnel, le personnel étant entièrement masculin.
J'avoue que la prière était ma seule issue. En tant que Scientistes Chrétiens, nous nous étions entendus avec mon mari que pour obtenir du travail, nous n'allions pas souscrire à la pratique des pots-de-vin. Il fallait que nous nous appuyons sur la prière. C'est ce que nous nous sommes mis à faire. Il y a un passage dans Science et Santé qui m'a beaucoup aidée et qui dit ceci (p. 288): « La Science révèle les glorieuses possibilités de l'homme immortel, jamais limité par les sens mortels. »
A force de prière, je me suis retrouvée dans une situation où je ne me considérais plus comme homme ou comme femme, simplement comme une personne qui devait exprimer les qualités de Dieu vis-à-vis de mes clients. Et là ma vie a changé. Je me suis retrouvée à faire des choses que je n'aurais jamais pu faire en temps normal, c'est–à–dire en train de gérer une masse de choses même assez difficiles. Les gens à qui j'avais à faire travaillaient dur et avaient parfois des réactions assez brutales.
Un jour je me suis trouvée en conflit avec un ouvrier, un de mes employés très récalcitrant. Et il s'est mis à m'insulter devant tous les autres. Il m'a dit que lui aussi avait une femme, mais qu'elle était à sa place, à la maison. Alors je me suis tournée vers Dieu. A la fin j'ai compris qu'il n'y avait pas entre nous de différences, que nous sommes tous des enfants de Dieu, Son reflet. Je suis rentrée à la maison et j'ai continué à prier toute la nuit parce que je ne retrouvais pas la paix. J'ai demandé à Dieu de m'aider. Et tout à coup je me suis retrouvée aimant tout ce monde–là. Le lendemain, ce monsieur est venu me voir. Il m'a demandé de l'excuser, et non seulement cela, mais quand il me rencontrait en ville il était prêt à me rendre service.
Héraut: Comment pourriez–vous encourager une femme à réaliser qu'on peut aller au-delà des préjugés ?
M-C. M.: Je ne suis pas une militante, une féministe. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis Scientiste Chrétienne, et que je résous mes problèmes par la prière. Je peux citer le cas d'une jeune dame. Son mari l'avait quittée et elle s'était retrouvée seule, sans ressources, avec trois enfants à nourrir. Elle m'a raconté son histoire. Je lui ai alors remis un exemplaire de Science et Santé. Et puis je lui ai dit que nous sommes tous à l'image et à la ressemblance de Dieu, et que nous pouvons exprimer toutes les qualités de Dieu. Peu de temps après, elle a compris qu'elle pouvait exprimer elle aussi les qualités masculines et les qualités féminines. Elle a pu monter plus tard un petit commerce et subvenir aux besoins de ses enfants. Il faut dire que cette dame n'avait jamais travaillé auparavant. Elle avait vécu du salaire de son mari.
Héraut: Donc vous vous élevez au–dessus des préjugés en comprenant grâce à la prière la vraie nature de chaque individu.
M-C. M.: Oui, c'est ça. Le troisième chapitre de la Genèse, dans la Bible, parle du faux concept de la femme. Il y est dit (verset 16): « ...Tu enfanteras avec douleur, et tes désirs te porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. » Il semble donc qu'il y ait une dépendance totale de la femme vis-à-vis de l'homme. Cependant au premier chapitre de la Genèse, versets 26 et 27, on lit: « Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance... Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme. » Si nous voulons revendiquer notre propre identité, nous devons nous appuyer sur le premier chapitre de la Genèse. Ce qui nous arrive c'est que beaucoup de gens ont pris comme référence le chapitre 3. Tous ces préjugés, pèsent sur la femme. Selon ces préjugés, la femme n'arrive pas à exprimer vraiment toutes les qualités dont Dieu l'a douée. Et pour sortir de là il faut absolument que la femme, et moi ça m'a beaucoup aidée, relise et comprenne le premier chapitre de la Genèse, versets 26 et 27. Ce chapitre montre qu'elle est l'image et la ressemblance de Dieu au même titre que l'homme et a la possibilité d'exprimer toutes les qualités de Dieu. A la fin du XXe siècle, on voit des femmes premiers ministres, des femmes astronautes, des femmes occuper des postes très élevés dans l'armée. Et dans nos traditions africaines il y a des femmes chefs de famille.
Héraut: Vous avez deux filles. Quel âge avaient–elles lorsque vous avez commencé à faire ce travail ?
M-C. M.: Elles étaient petites. Dans les huit ans. Je ne les ai pas élevées comme des filles. Je les ai élevées comme des enfants.
Héraut: Est–ce que vous avez trouvé que c'était difficile de concilier votre rôle de mère et celui de chef d'entreprise ?
M-C. M.: Au début je pensais que c'était difficile. Il fallait que je me dise: mon travail c'est d'être chef d'entreprise. Mais en même temps j'étais une bonne ménagère et je m'occupais de mes enfants. Je me suis réalisée en faisant cela. J'étais ravie de voir comment je pouvais en même temps faire mon travail de patron et mon travail de mère. Et j'ai emmené mes filles partout où j'allais. Nous allions voir les clients ensemble. Je les emmenais à la banque. Je les emmenais partout. C'était un enrichissement pour moi en tant que mère de famille parce que cela ajoutait une autre dimension à ma vie, mais c'était aussi un enrichissement pour mes filles, et même pour mon entourage. Parce que j'ai vu beaucoup de femmes faire la même chose.
Héraut: Pourriez–vous nous donner un exemple d'une situation où vous vous êtes tournée vers la prière pour être guidée dans les affaires ?
M-C. M.: Et bien, un matin, nous étions sans travail. Et mon mari et moi nous ne savions plus comment faire car nous avions des ouvriers qu'il fallait payer. Je me suis tournée vers Dieu cette nuit–là. Et le matin, en me rendant au travail, à un moment donné, au lieu de prendre à droite pour aller à mon bureau, j'ai continué tout droit, et je suis arrivée aux ateliers d'une société de chemins de fer.
Héraut: Vous avez continué tout droit parce que vous n'aviez pas fait attention? Vous étiez absorbée dans vos pensées ?
M-C. M.: Non, non, j'étais guidée par Dieu. J'étais bien consciente de ce que je faisais. Mais une voix me disait d'aller tout droit et de ne pas aller à mon bureau. Et j'ai continué d'aller tout droit. Et puis à un moment donné, la voix m'a dit de prendre à droite. J'y suis allée et, j'avoue, je n'avais jamais mis le pied dans cette société de chemin de fer. Je ne la connaissais même pas.
En arrivant j'ai demandé à voir le directeur. On me répond: Qu'est–ce que vous lui voulez au directeur ? Je dis: Je veux le rencontrer parce que je cherche du travail. J'ai pu aller voir le responsable des travaux qui m'a dit: Mais Madame, on n'embauche plus. J'ai dit: Non, je ne veux pas être embauchée, je veux que vous me donniez du travail à faire. Il m'a répondu: Tout ce que nous avons comme travaux ici, vous ne pouvez pas le faire, parce que ce sont des travaux pour les hommes. Est–ce que vous savez souder ? J'ai dit: Oui, nous sommes une société de chaudronnerie et de soudure. Il a ouvert grands les yeux. Il m'a dit: Mais elle est installée où votre entreprise ? Je lui ai indiqué. Il m'a dit: Même si je le voulais je ne pourrais pas vous donner du travail parce qu'il faut que vous ayez une voie d'accès, des rails pour que les wagons à réparer puissent arriver chez vous. Et ça coûterait cher, très cher. Mais si vous êtes capable de payer le prix, allez à la direction générale et voyez le responsable. Je lui ai dit: Il n'y a pas de problème.
J'y suis allée le jour même, j'ai rencontré ce monsieur et je lui ai dit que je venue pour qu'il me fasse un devis afin que je puisse avoir des rails menant à mon atelier. Le monsieur me regarde et il me dit: Mais Madame ça coûte très cher. Je dis: Mais ça ne fait rien. J'aimerais réparer les wagons de la régie. Il me dit: Madame, ça va, je pense que je dois vous aider à avoir ces rails. On voyait qu'il y avait la main de Dieu dans cette affaire.
En l'espace d'un mois, les rails étaient installés. Ces rails ont été payés progressivement, par déduction sur les montants qui m'étaient dus pour le travail de réparation des wagons. J'étais vraiment très reconnaissante envers Dieu. Ce travail de réparation nous a aidés pendant au moins cinq à six ans; c'était alors notre seule activité.
Héraut: Dans la société où l'on vit, que penser du rôle des femmes ?
M-C. M.: Il faut savoir qu'elles sont régies par la loi spirituelle. Cette loi révèle l'homme parfait de la création spirituelle, « mâle et femelle ». Parce qu'en dehors de la loi spirituelle, le rôle de la femme, c'est un rôle d'esclavage. L'un des problèmes que nous avons, c'est que les femmes elles–mêmes doutent quelquefois de leurs capacités. Elles pensent parfois que Dieu a doté les hommes de qualités plus abondantes et plus formidables que les femmes. Non. Nous pouvons tous exprimer les qualités de Dieu. L'amour de Dieu est impartial dans sa dispensation. Notre besoin est de prendre conscience des qualités exprimées par les femmes. Dans Science et Sante, Mary Baker Eddy écrit: « Jésus voyait dans la Science l'homme parfait, qui lui apparaissait là où l'homme mortel pécheur apparaît aux mortels. [...] ... et cette vue correcte de l'homme guérissait les malades. » (p. 476) De cette façon on voit la femme comme elle doit être vue. Dans la mesure où les femmes se voient ainsi, beaucoup de choses peuvent changer dans leur vie.
Héraut: Vous parliez des qualités féminines. A votre avis, qu'est–ce qui pourrait aider les gens à prendre conscience de ces qualités féminines dont nous avons tous besoin, que nous soyons homme ou femme ?
M-C. M.: Il faut se tourner vers Dieu. En dehors de la prière, je ne vois pas comment quelqu'un peut se rendre compte de ce qu'il est. Tous les préjugés peuvent s'en aller et Dieu peut apparaître dans la vie de chacun. J'aime ce passage dans Science et Santé (p. 37), où Mary Baker Eddy déclare: « Il est possible — c'est même le devoir et le privilège de tous, enfants, hommes et femmes — de suivre en quelque mesure l'exemple du Maître en démontrant la Vérité et la Vie, la santé et la sainteté. » Elle dit que c'est notre devoir à tous. Le conseil que je donnerais aux femmes, c'est de ne pas oublier qu'elles ont le privilège au même titre que les hommes de manifester les qualités de Dieu. Nous pouvons tous suivre l'exemple du Maître, en démontrant la Vérité et la Vie, la santé et la sainteté.