EN FÉVRIER 1990, l'Afrique du Sud a assisté à la libération de Nelson Mandela et d'autres prisonniers politiques. L'interdiction qui pesait sur de nombreuses organisations politiques a été levée, et les médias ont pu disposer d'une liberté d'expression nouvelle. Ces événements ont suivi de près la chute du mur de Berlin, la montée des mouvements démocratiques en Europe de l'Est et l'effondrement du rideau de fer.
Ici, en Afrique du Sud, dans le township où j'habite, les gens sont sortis dans la rue et ont fêté la libération de Mandela avec des danses, des chants et des larmes de joie. Ils ont fait sonner les cloches de l'église, ils ont klaxonné, ils ont tapé sur les poteaux électriques pour manifester leur joie !
Cependant, au milieu de cette allégresse, la crainte de l'avenir est bien présente. Une minorité blanche redoute qu'en accédant au pouvoir, les Noirs n'agissent sans retenue pour se venger des injustices et des brutalités accumulées pendant les années de l'apartheid. De nombreux Blancs craignent des représailles. D'autres ont une peur morbide de l'intégration raciale. Noirs comme Blancs sont inquiets, préoccupés, incertains quant à ce que l'avenir leur réserve, surtout à cause de la violence qui balaie le pays depuis plusieurs mois et des pertes de vies humaines qu'elle provoque. De plus, les gens ont peur qu'un effondrement de l'économie n'entraîne pauvreté, corruption et dictature.
Scientiste Chrétienne, j'ai prié pour cette situation, en demandant à Dieu de m'éclairer. J'ai puisé une grande force dans deux énoncés de Mary Baker Eddy, qui a découvert et fondé la Science ChrétienneChristian Science (’kristienn ’saïennce). Le premier se trouve dans Unité du Bien: « Le chaos de l’entendement mortel devient le marchepied par lequel on atteint au cosmos de l’Entendement immortel. » On peut lire le second dans Science et Santé avec la Clef des Écritures: « Il faut que le lit boueux d’un fleuve soit remué afin que les eaux en soient purifiées. »
Ces énoncés m’ont redonné l’assurance qu’au milieu même de l’instabilité se trouvent des occasions de croître et de se développer sur le plan spirituel. Il y a toujours une leçon à tirer lorsque les circonstances semblent instables, incertaines ou inquiétantes. Ici, en Afrique du Sud, peut-être devons-nous apprendre à exprimer plus de patience, de tolérance, d’abnégation, de mansuétude et d’amour pour notre prochain, quelles que soient sa race et sa classe sociale. Lorsque nous savons, de manière scientifique, que Dieu gouverne et qu’Il est le seul pouvoir, ni l’instabilité ni les personnes ne peuvent entraver nos progrès, menacer l’épanouissement de notre vie, nous priver injustement de nos droits ou faire de nous des victimes. Tout bien, tout bonheur, toute stabilité, toute santé, toute vie, toute substance nous viennent directement de Dieu, l’Amour divin, et non d’un gouvernement humain.
L’Amour divin est le remède à la crainte éprouvée par de nombreux Sud-Africains. La Bible nous dit: « L’amour parfait bannit la crainte. » Et dans Science et Santé, Mary Baker Eddy écrit ceci à propos de l’amour de Dieu: « Le pouvoir de la Science Chrétienne et de l’Amour divin est omnipotent. Il est en effet à même de faire lâcher prise à la maladie, au péché et à la mort, et de les détruire. » La Science Chrétienne nous permet de voir comment l’Amour divin détruit la croyance néfaste selon laquelle l’homme peut être inquiet, assoiffé de vengeance, violent, anarchique, soumis à un autre pouvoir que celui de Dieu.
Aucun commandement de Jésus n’est sans doute plus difficile à suivre que celui-ci: « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent. » Mais le caractère impératif de ce commandement représente un véritable défi. L’amour qui exprime l’Amour divin est le seul pouvoir capable de transformer un ennemi en ami. La haine écrase et détruit, alors que l’Amour crée et nous reconstitue.
De nouvelles lois ont abattu de nombreuses barrières officielles du passé, mais on ne peut réglementer la morale par des lois. Quelque chose doit toucher le cœur des hommes et des femmes, et les unir par un lien spirituel. Ce quelque chose est l’Amour. La mise en application de la loi met fin à la ségrégation dans les services publics, dans les écoles et dans les zones résidentielles, mais l’Amour divin peut mettre un terme à la crainte, aux préjugés et à l’esprit de vengeance qui constituent les seules barrières qui fassent obstacle à une société sans aucune discrimination raciale.
Comment alors exprimer davantage d’amour envers ses compatriotes ? En entretenant des relations de bon voisinage, par exemple. Le monde entier a besoin de voisins ressemblant au bon Samaritain dont a parlé Christ Jésus. Qu’est-ce qui caractérise le bon Samaritain ? Il se préoccupe des besoins d’autrui avec dévouement, quelles que soient sa race, la teinte de sa peau, sa religion ou sa nationalité. Le bon Samaritain ne se demande pas: « Que va-t-il m’arriver si je m’arrête pour aider mon voisin ? Placera-t-on une bombe dans ma maison ? Ma vie sera-t-elle menacée ? » Mais il se demande: « Que va-t-il arriver à mon voisin si je ne m’arrête pas pour l’aider ? » Le Christ nous appelle à un mode de vie qui réforme, transforme et régénère attitudes et caractères, un mode de vie qui révèle les réserves de bonne volonté et d’amour dissimulées par les murs de l’apartheid et de la haine.
Nous pouvons faire pénétrer davantage l’amour de Dieu dans nos quartiers en déracinant la méfiance, la critique, la condamnation, la partialité, l’indifférence à la valeur de la vie humaine. Les chrétiens, hommes et femmes, banniront la rhétorique politicienne, les mobiles et les actes égoïstes, la folle ambition, et les remplaceront par des éléments pacifiques comme la sollicitude, la compassion, la douceur, la patience, la mansuétude. Voici un exemple concret de ce qui peut être fait.
Ma fille cadette fut un jour rejetée par ses amies noires parce qu’elle s’était liée d’amitié avec des élèves blanches de son lycée, établissement fréquenté par des jeunes filles de toutes races. Elle pouvait choisir: soit elle restait fidèle à ses nouvelles camarades, soit elle retrouvait la tranquillité de son cercle d’amies noires. Elle adopta une troisième solution: elle décida de prier.
L’amour était au cœur de sa prière. Elle perçut que, puisque Dieu est l’Amour, et que l’homme est créé à l’image de Dieu, il est donc forcément l’expression de l’Amour. En tant qu’expression de l’Amour, les jeunes filles ne pouvaient ni subir ni faire subir la division, la haine raciale, la partialité. Elles ne pouvaient rien réfléchir d’autre que l’amour, la sollicitude, l’amitié. Ma fille a continué de prier et de manifester concrètement son amour dans tous les domaines de la vie scolaire.
Au bout de quelques semaines, elle constata qu’elle avait des amies noires, blanches, indiennes et métisses qui s’entendaient bien. Elle invita plusieurs de ses amies blanches à venir passer le week-end dans notre township et il n’y eut aucune réaction négative de la part de ses camarades noires. Race et couleur de peau perdirent leur apparent pouvoir de diviser lorsque le pouvoir de l’Amour fut utilisé.
Le pardon est l’arme la plus efficace dans la lutte que nous menons pour aimer nos ennemis. C’est pourquoi, si nous avons quelque chose à pardonner à quelqu’un, faisons-le sans attendre. Si nous ressentons de la haine, de la colère, de la jalousie envers quelqu’un, ou si nous avons envie de nous venger, chassons ces sentiments. Pardonner, c’est placer sa confiance en l’Amour, Dieu, et en sa promesse de réconciliation. Cette confiance enlève tout pouvoir à la haine et donne la victoire à l’amour et à la paix.
Dieu est l’Amour même. L’Amour abat toutes les barrières; il triomphe de la haine et du désir de vengeance; il guérit la maladie et les cœurs brisés; il vainc la résistance au changement politique, aboutit à l’apparition d’un ordre nouveau dont les règles élevées sont acceptées et suivies par tous. La mansuétude est une valeur spirituelle qui n’est pas négociable. Elle est essentielle si nous voulons parvenir à la société nouvelle que méritent tous les Sud-Africains, société dans laquelle hommes et femmes de toutes races vivront en paix sur un pied d’égalité. Notre destin est gouverné par le pouvoir de l’Amour divin.
