Lorsque nous sommes tout petits, notre monde se réduit à quelque chose de fort peu étendu: il se limite peut-être à notre maison, plus une ou deux autres qui la jouxtent de part et d'autre. Le jour où nous entrons à l'école, le cercle s'élargit considérablement. Et nous passons par toutes sortes d'aventures qui élargissent la conception que nous nous faisons du monde dans lequel nous vivons.
Berlin, Johannesburg, Bogotá, Bombay auraient pu demeurer pour moi de simples noms si je n'avais pas eu l'occasion de rencontrer des habitants de ces villes. La mort d'un ami, tombé sur un lointain théâtre d'opérations, a conféré à mes yeux une signification poignante à cette partie du monde. Une amie, habitant un autre pays, a aussi eu sur ma vie une influence durable que je n'attendais pas.
J'ai connu cette amie à l'occasion d'un échange scolaire et, depuis nos années de lycée, nous sommes toujours demeurés en relation par correspondance. Même si nous ne nous sommes pas revus depuis lors, il ne s'est guère passé de temps, pendant toutes ces années, où je n'aie pensé à sa famille et à son pays.
C'est grâce à des lettres, à des photos, et même à quelques conversations téléphoniques, que nous connaissons un peu, chacun, la famille de l'autre. Chaque fois que je lis des nouvelles de son pays, je m'interroge sur les conséquences que les derniers développements pourront avoir sur l'existence de mes amis. Et nos familles respectives ont passé à plusieurs reprises par des épreuves difficiles qui nous ont amenés à beaucoup prier les uns pour les autres.
Il est extrêmement important de réfléchir à tout ce qui peut développer notre sensibilité à la valeur des autres. Par notre compréhension, notre compassion, l'empressement que nous montrons à prier pour les autres, nous avons un moyen de savoir que nous sommes tous des enfants de Dieu. Dieu est l'Amour infini, et il est naturel pour nous d'exprimer un peu cet Amour.
Si nous voulions faire une synthèse des vérités d'ordre spirituel et moral que Christ Jésus a fait connaître à l'humanité, il faudrait bien, à un moment donné, centrer notre propos sur le fait spirituel que l'homme est effectivement enfant de Dieu. Et si l'homme est né de Dieu, alors nous pouvons commencer à comprendre le sens de la vie en percevant que tout le monde est intrinsèquement spirituel, immortel et infiniment précieux. Bien entendu, ces vérités idéales resteraient lettre morte, si nous n'avions la possibilité de prouver de manière tangible qu'elles s'appliquent à nous.
N'est-ce pas de cela que Christ Jésus essaya de rendre conscients ceux qui l'écoutaient, lorsqu'il répondit au docteur de la loi qui lui demandait: « Et qui est mon prochain ? » Voir Luc 10:29–37. Jésus évoqua alors un personnage auquel son interlocuteur ne se serait pas de prime abord identifié, ni avec lequel il aurait sympathisé. C'est comme si Jésus avait dit que « le prochain » devait être défini de la façon la plus large possible, et non conçu de façon très restrictive. L'ampleur de notre intérêt et de notre sollicitude pour autrui doit se calquer sur la vérité spirituelle absolue que l'homme est en réalité l'enfant de Dieu, l'expression de Son être.
Certes, jamais Jésus n'a laissé entendre que notre responsabilité à l'égard de complets étrangers ou de gens qui ne font pas partie de nos proches devait nous empêcher de prendre soin des membres de notre famille. Il n'en reste pas moins indubitable que le christianisme qui doit prendre racine en nous devrait se caractériser par une disponibilité devant tout besoin humain. Notre insensibilité au sort des autres, même lorsqu'il n'est pas de notre ressort d'intervenir personnellement dans une situation déterminée, donnerait un coup d'arrêt à notre progrès spirituel personnel et à notre compréhension de l'universalité, de l'excellence et de l'infinitude de Dieu.
Vouloir une vision plus claire de l'unité de l'homme avec Dieu est un signe de progrès. Mais nous mettre vraiment à cultiver la sensibilité spirituelle qui nous fait agir en harmonie avec le dessein de Dieu, cela représente une étape encore plus importante. Cette spiritualisation de notre attitude ne peut manquer de mettre à jour des moyens efficaces de promouvoir la réalisation de l'espoir que met l'humanité en un monde meilleur. De fait, il n'est rien de moins théorique que la compréhension spirituelle de la loi divine qui rassasie une famille affamée, élimine le mal moral qui débouche sur la maladie, efface la déception qui blesse les cœurs déjà brisés. La prière qui permet de développer cette compréhension spirituelle finira par révéler la totalité de la Vérité et de l'Amour divins. Et la masse du mal qui semble tant tourmenter l'existence des humains diminuera progressivement d'importance.
La nature spirituelle de l'homme, cette vérité intrinsèque à la Science ChrétienneChristian Science ('kristienn 'saïennce), est le moteur de la compassion envers autrui. Mary Baker Eddy, commentant dans Science et Santé avec la Clef des Écritures les tout premiers chapitres de la Genèse, dans la Bible, nous indique l'environnement spirituel et mental propice au développement de la conscience morale. Cette conscience est le fondement humain de notre connaissance des liens qui unissent l'homme à Dieu. « La croyance erronée que la vie, la substance et l'intelligence peuvent être matérielles rompt dès le début la vie et la fraternité des hommes » Science et Santé, p. 541., dit-elle à propos de l'allégorie de l'Éden, qui expose le mépris de Caïn pour son frère. Cette ignorance spirituelle, sombrant dans des abîmes profonds, « ... répudie même le devoir humain de l'homme envers son frère » Ibid., comme le dit plus loin Science et Santé.
Néanmoins, la Science Chrétienne révèle qu'en dépit des apparences, l'homme n'est ni mortel ni matériel; il est le reflet spirituel de Dieu. Et chacun possède la volonté et la capacité de ne pas être indifférent, d'aimer, d'être juste, de trouver des réponses aux besoins humains grâce à la compréhension spirituelle qui affirme notre unité avec Dieu.
Permettons à cette connaissance de changer le but de notre vie en sorte qu'il cesse d'être égoïste, permettons-lui d'enrichir nos désirs, de renforcer notre résolution morale. Ce faisant, nous nous apercevrons que notre monde personnel est devenu plus vaste, qu'il y fait meilleur vivre et travailler. Finalement, nous serons forcés de donner notre vie pour les autres; nous découvrirons que ce don spirituel amène un renouveau de vie et nous permet de penser à l'échelle du monde.
Car toute la loi est accomplie dans une seule parole,
dans celle-ci:
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Galates 5:14
