Ma vie a changé un jour ensoleillé de l'été 98. J'avais quatorze ans, je faisais ma première randonnée à travers les Appalaches. Je ne m'étais jamais retrouvée si loin de la civilisation, ni immergée à ce point dans la beauté de la nature. Comme les seuls signes de présence humaine alentour provenaient de mes compagnons de randonnée et de ce sentier très fréquenté, il m'était facile de m'émerveiller devant la pure splendeur de Dame Nature.
Au cours de notre progression vers l'un des sommets de cette région montagneuse, j'ai eu l'impression que quelque chose clochait. La lumière était plus éclatante qu'elle n'aurait dû l'être dans cette zone forestière. J'ai regardé autour de moi, et mon émerveillement s'est transformé en cauchemar: tous les arbres étaient morts.
J'étais abasourdie. (J'ai appris par la suite que cela était dû aux pluies acides.) La forêt préservée que j'avais cru découvrir n'était que pure illusion. L'activité industrielle, à des centaines de kilomètres de là, lui avait été fatale. Dépouillés de écorce protectrice, les arbres décharnés et vulnérables me dominaient de leur sinistre silhouette sur le ciel d'un bleu éclatant. Submergée par une vague de désespoir, je me suis demandé si la forêt entière n'allait pas être happée par cette spirale dévastatrice. M'imaginant un monde sans nature, j'ai soudain été prise de panique. Je ne savais pas quoi faire, mais jamais je n'avais été aussi sûre qu'il me fallait agir.
Quand je suis rentrée à la maison, je me suis engagée dans un mouvement écologique. J'ai recyclé des déchets, ramassé des détritus, donné de l'argent pour la protection d'espèces en voie de disparition. Mais tous mes efforts n'étaient qu'une goutte d'eau qui ne changeait guère les choses. J'étais sûre de pouvoir faire bien plus, mais je ne savais pas comment m'y prendre. Plus tard, mes études environnementales m'ont sensibilisée à une myriade de problèmes. Un sentiment de frustration et de désarroi s'emparait de mes mes camarades et ne m'épargnait pas toujours.
Comment ne pas m'alarmer ? En effet, nos moyens même de subsistance semblaient détruire la terre et mettre en péril toutes les créatures présentes et à venir. Pourtant, une petite part de moi-même savait que je n'avais pas à avoir peur. Je n'ignorais pas qu'il existait un pouvoir autrement puissant que le développement et l'industrialisation, un pouvoir suprême qu'on appelle Dieu. Comme l'écrit Mary Baker Eddy dans Science et Santé: « Le Dieu-principe est omniprésent et omnipotent. Dieu est partout, et rien en dehors de Lui n'est présent ni puissant. » (p. 473)
Dans ma sphère d'activité, et ailleurs, on ne peut manquer de noter de nombreux signes contredisant cette promesse. On vit une époque effrayante. Le monde est de plus en plus pollué, des espèces vont disparaître, les terres arables diminuent, les toxines s'accumulent, l'instabilité climatique augmente, la déforestation s'accentue... la liste est sans fin. D'une façon générale, les systèmes industrialisés, caractérisés par le passage rapide de l'extraction des ressources naturelles à la production de déchets, ne sont pas viables. Les ressources exploitables et la quantité de polluants qui peut être absorbée sont limitées. Des signes indiquent que l'on approche à grands pas du seuil limite. Mais Dieu gouverne à la fois l'humanité et l'univers. Cet univers est Son reflet et, d'un point de vue métaphysique absolu, il ne peut être qu'entièrement bon. Son univers dépend de Ses lois, des lois qui favorisent l'amour, la compassion, le désintéressement, l'harmonie, la beauté et la perfection. Ce n'est pas un univers de turbulence, de dégradation, de disparition ni de destruction — phénomènes qui sont à l'opposé de la nature de Dieu. Étant donné que Dieu remplit tout l'espace, rien ne peut être contraire à Sa nature en quelque lieu que ce soit.
Alors que je réfléchissais à cette opposition, je suis tombée sur ce passage de Science et Santé: « Les prétendus gaz et forces matériels sont des contrefaçons des forces spirituelles de l'Entendement divin, dont la puissance est la Vérité, dont l'attraction est l'Amour, dont l'adhésion et la cohésion sont la Vie, perpétuant les faits éternels de l'être. » (p.293) Les gaz tels le dioxyde de carbone et l'anhydride sulfureux qui, en quantité excessive dans l'atmosphère, sont responsables du réchauffement de la planète et des pluies acides, ne proviennent pas de Dieu, l'Entendement, la Vérité, l'Amour, la Vie. Il en est de même des forces physiques qui provoquent la hausse du niveau des mers, ou encore des forces humaines comme la cupidité et l'égoïsme. Ces « forces » n'ont donc aucun pouvoir véritable et elles ne peuvent nuire. La seule force spirituelle véritable, le Créateur de toutes choses, est tout aimante et infinie. Toutes les créatures sont créées pour exprimer ce Créateur et, par conséquent, pour vivre dans une harmonie parfaite. Dans le royaume de Dieu, il n'y a ni destruction, ni extinction, ni maladie. Dieu préserve toutes les créatures spirituellement, chacune occupant une place unique. En tant que reflet de Dieu, chacun de nous est forcément conduit à percevoir Son amour.
Une idée m'inspire particulièrement quand je prie pour des problèmes écologiques: « Dieu façonne toutes choses selon Sa propre ressemblance. La Vie se réfléchit dans l'existence, la Vérité dans la véracité, Dieu dans la bonté, qui communiquent leur propre paix et leur propre permanence. L'Amour, exhalant l'altruisme, inonde tout de beauté et de lumière. » (ibid., p. 516)
Plus nous exprimerons les qualités de Dieu, comme la douceur, l'humilité, l'amour, plus nous constaterons que la vie ne peut être que bonne, paisible et permanente. Je suis persuadée que si nous reflétons ces qualités semblables à Dieu et que nous considérons en permanence l'environnement d'un point de vue spirituel, des solutions efficaces à toutes ces questions complexes surgiront naturellement.
Alors que je poursuivais mes études au Brésil, j'ai vu une remarquable application de ce principe. Vers la fin des années 80, un chef indien Kayapo a demandé à la fondatrice d'une multinationale spécialisée dans les produits cosmétiques de venir en aide à son peuple, dont les terres et la culture étaient détruites par l'exploitation du bois. Cette femme a ressenti tant d'amour et de compassion qu'elle a lancé un commerce avec le peuple Kayapo pour l'achat d'huile de noix du Brésil. Dix ans plus tard, j'ai eu l'occasion de me rendre sur le site et j'ai été stupéfaite. La société avait contribué à l'établissement d'une coopérative pour plusieurs tribus de la région. Forte de ce statut légal, cette entité mettait en place des projets qui amélioraient la qualité de vie des Indiens.
De plus, la société extrayait l'huile de façon très peu dommageable pour l'environnement, ce qui permettait aux Indiens de préserver leur style de vie traditionnel tout en déterminant euxmêmes l'ampleur de leur participation. Comme les noix du Brésil poussent uniquement dans la forêt et ne peuvent se cultiver dans des plantations, le commerce de cette société ajoute de la valeur à la forêt en fournissant une raison supplémentaire de la préserver. Le commerce est également profitable pour cette société, et ses clients bénéficient d'un produit unique lié à une expérience instructive. Ce projet est à mes yeux un bon exemple des solutions étonnantes que des personnes apportent individuellement aux problèmes environnementaux lorsqu'elles expriment des qualités de Dieu comme l'amour, la compassion et l'honnêteté.
Aujourd'hui, je n'ai plus peur et je ne suis plus inquiète quant aux conséquences de l'action humaine sur l'environnement. Je comprends de mieux en mieux que la vie est protégée par la loi de Dieu. Plus que jamais, sans doute, je désire agir de façon concrète et réfléchie pour protéger et entretenir notre environnement, mais je ne me sens plus désemparée face aux problèmes. Je sais qu'en gardant un point de vue spirituel et en m'attachant à comprendre comment Dieu gouverne Sa création, je serai guidée à prendre les bonnes décisions qui contribueront à changer les choses.
