Il y a quelques années, je me suis expatriée des États-Unis pour enseigner l'anglais à Taipei pendant un an. Le jeune couple taïwanais pour lequel j'allais travailler est venu me chercher à l'aéroport et, après un dîner en ville, m'accompagna là où je devais habiter. Mon logement se trouvait dans une zone d'habitations à faible loyer, l'appartement était au septième et dernier étage d'un immeuble sans ascenseur. Il était sale et mal aéré, et aussi extrêmement bruyant, la nuit comme le jour. De plus, il faisait très chaud, la température dépassant souvent les 30 degrés.
Tandis que j'essayais de m'acclimater à mon nouvel environnement, la façon dont passait le temps me paraissait très étrange. En effet, alors que mes journées étaient très chargées, le temps me semblait s'écouler très doucement. J'avais l'impression d'être comme une enfant: je n'arrivais pas à lire les panneaux, j'avais du mal à comprendre la monnaie, les sons et les images m'assaillaient et il m'était impossible de comprendre la langue qui se parlait tout autour de moi.
Je dépendais beaucoup du couple qui m'employait à l'école. Avant d'arriver à Taïwan, j'avais cru comprendre que j'aurais un emploi à plein temps, mais une fois sur place, j'ai découvert qu'il n'était qu'à temps partiel, et j'ai dû emprunter de l'argent à mes employeurs, ne serait-ce que pour payer mes dépenses courantes. En plus de ce manque d'intégration et d'un certain sentiment de chaos, j'avais une impression bizarre au sujet de la gestion de l'école.
Je me souviens cependant d'un petit incident qui m'a apporté un soulagement par rapport aux difficultés que je vivais: un soir, me sentant plus courageuse qu'à l'ordinaire, je me suis aventurée toute seule et j'ai trouvé un petit restaurant où tout le monde parlait uniquement le chinois; comme je n'arrivais pas à lire le menu, le sympathique serveur fit le tour de la salle pour demander si quelqu'un parlait l'anglais, mais ce n'était pas le cas. Finalement, j'ai fait un dessin d'ananas et de riz sur ma serviette et, tout en riant, le serveur est allé me préparer du riz frit. Les autres clients du restaurant se sont montrés tout heureux de me voir recevoir ma commande. Ce petit épisode joyeux, qui est loin d'avoir été unique pendant ce séjour, a mis de la douceur dans ma vie et m'a bien encouragée.
Cependant, je me suis rendu compte au bout d'un mois que je souffrais de ce qu'on pourrait appeler un « choc culturel ». Cela m'est apparu évident un jour à l'école: tout le monde autour de moi parlait le mandarin; je n'avais pas assez d'argent, je n'arrivais pas à payer mes factures, et j'avais l'impression que tout s'accumulait sur ma tête à la fois. J'étais complètement accablée, et pour la première fois de ma vie je me suis sentie mentalement désorientée, ce qui m'a fait très peur.
Plus tard dans la matinée, lors d'un interclasse, j'ai appelé aux États-Unis une amie qui m'avait déjà souvent aidée auparavant lorsque je traversais des difficultés, et qui est praticienne de la Christian Science. Je lui expliquai que j'étais en pleine confusion, incapable de prendre des décisions, que je n'avais pas d'amis, et je lui décrivis tout ce qui me préoccupait dans ma situation.
Avec mon amie, nous avons parlé de quelques concepts tirés de Science et Santé, dont un passage qu'elle cita en particulier: « [Le] royaume de Dieu «est au-dedans de vous» – il est à la portée de la conscience de l'homme ici-bas, et l'idée spirituelle le révèle. En Science divine, l'homme possède consciemment cette récognition de l'harmonie dans la mesure où il comprend Dieu. » (p. 576)
Après avoir parlé avec cette praticienne, je me suis sentie beaucoup plus confiante et convaincue que tout allait s'arranger. Tout en me réconfortant, non sans humour et fermeté, elle m'avait aussi aidée à voir que je n'avais pas besoin de me précipiter pour rentrer aux États-Unis. C'était déjà elle qui m'avait soutenue pendant toute la période de préparation de ce voyage et elle me rappela, lors de notre conversation téléphonique, que j'avais été très sûre de vouloir faire ce déplacement en Asie: en effet, lorsque cette idée s'était présentée à moi, je n'avais pas douté un instant que je devais y aller.
Après avoir raccroché, je me sentais bien plus confiante, et j'ai téléphoné à une femme dont on m'avait donné le nom et qui aidait les professeurs étrangers à trouver du travail. Elle me parla d'une école dans une jolie petite ville au bord de la mer où l'on avait besoin d'un professeur à plein temps et elle prit pour moi un rendez-vous pour un entretien d'embauche.
Quelques jours plus tard, je me retrouvais debout dans un bus bondé et surchauffé, au milieu de voyageurs qui parlaient tous une langue inintelligible pour moi. À nouveau, j'étais la seule étrangère. Et ce bus filait très vite sur une autoroute au trafic très dense, et sur les bords de laquelle se déroulaient partout de bruyants travaux. En regardant par la fenêtre, je me suis sentie à nouveau désespérée. Alors, tranquillement, je me suis dit: « Mon Dieu, montre-moi je t'en prie, la raison pour laquelle je suis ici. » Je ne me doutais pas que j'allais avoir si vite une réponse à ma question.
À ce moment-là, je devais d'abord trouver la gare ferroviaire. Or une jeune femme près de moi à qui je montrai le bout de papier sur lequel figurait le nom de la ville où je devais me rendre put m'indiquer l'arrêt du bus où je devais descendre. Taipei est une très grande ville et il aurait été trop compliqué qu'elle m'explique le chemin en détail.
Lorsque je suis descendue du bus, j'ai arrêté un passant lui montrant les idéogrammes écrits sur mon bout de papier, et il a pu me montrer le chemin de la gare. Là, j'ai regardé les panneaux en essayant de comprendre ce que je devais faire. C'est alors qu'un monsieur très aimable s'arrêta pour m'aider et alla jusqu'à acheter mon billet, qu'il refusa de me laisser lui rembourser. Il me confia ensuite à un jeune étudiant taïwanais qui connaissait l'anglais et qui me conduisit jusqu'à mon train.
Alors que j'avais pris place, un passager m'expliqua avec le peu d'anglais qu'il connaissait où se trouvait l'école, et une passagère assise en face de nous se proposa de m'y conduire. Une fois là, mon entretien se déroula bien et on m'offrit un poste sur-le-champ. Comme il fallait que je donne une réponse immédiate, j'ai dû prendre la décision en ayant une totale confiance que c'était la chose à faire. J'ai donc signé mon contrat de travail pour enseigner dans cet établissement.
J'ai démissionné de mon premier emploi et, quelques jours plus tard, j'enseignais à plein temps dans ma nouvelle école, avec un bon salaire. Le propriétaire de l'école offrit de m'héberger dans la résidence secondaire de ses parents jusqu'à ce que je trouve à me loger: celle-ci se trouvait dans une copropriété toute neuve et la collection de tableaux de son père en couvrait les murs. Je me souviens de mon premier soir dans cette maison spacieuse, entourée de belles œuvres d'art, j'avais l'impression de ressembler à Cendrillon !
Dans ma chambre, je repensai à ce matin, quelques jours plus tôt, où, si désespérée, j'avais demandé à Dieu pourquoi j'étais là. Avant de venir à Taïwan, j'avais pensé que ce serait une belle expérience pour moi, et pourtant, jusqu'à ce moment, ce n'avait pas été le cas. Ce soir-là cependant, je pouvais compter dix étrangers en une seule journée qui étaient venus à mon aide sans que je leur demande quoi que ce soit, et qui m'avaient guidée. J'ai pris conscience que la réponse à ma question se trouvait dans l'amour exprimé par toutes ces personnes cette même journée. Dieu me montrait qu'Il était toujours présent, où que je sois, y compris dans les situations les plus difficiles. Et puisque Dieu est l'Amour même, Il m'assurait que Son Amour serait toujours avec moi et que je ressentirais cet amour d'une manière tangible.
Après le premier jour dans mon nouvel emploi, deux des propriétaires de l'école m'accompagnèrent en voiture dans la ville, Keelung, pour m'aider à chercher un logement. Alors que j'étais assise à l'arrière de la voiture, je me suis dit: « Les anges de Dieu vont devant moi et il y a un endroit qui m'attend. »
Au bout de deux heures de visite, nous nous sommes arrêtés devant un bâtiment tout neuf où l'on terminait des appartements. L'un de mes employeurs, qui plus tard devint un ami cher, négocia le prix du loyer à la baisse et obtint pour moi un arrangement tout à fait inhabituel sur l'utilisation de parties communes. Une semaine plus tard, j'emménageais dans cet agréable appartement. Avec mon salaire d'enseignante à plein temps, j'ai pu rembourser rapidement mon premier employeur.
Environ un mois plus tard, j'ai appris que la première école où j'avais enseigné était impliquée dans un procès entre les anciens et les nouveaux propriétaires. Si j'y étais restée, j'aurais perdu mon emploi et il est fort probable que, sans travail et sans ressources, j'aurais dû retourner dans mon pays.
Avant la fin de l'année, je m'étais mise à aimer profondément Taïwan et ses habitants. J'avais de nombreux amis proches et deux d'entre eux m'avaient même offert de travailler avec eux. J'étais tout à fait à l'aise lorsque je circulais seule, que j'allais au restaurant, me rendais chez des amis ou voyageais avec des amis taïwanais, et ma vie là-bas se passait de façon tout à fait agréable. J'adorais enseigner aux enfants et j'étais entourée de personnes affectueuses et généreuses.
Pendant toute cette période, j'ai rarement vu d'autres Américains, car tous mes amis étaient des Taïwanais. L'une des choses précieuses que j'ai retirées de toutes ces amitiés, c'est d'avoir appris la valeur du silence, de l'écoute, de l'observation, et aussi qu'il existe des façons de communiquer qui ne sont pas verbales. Dans ma vie quotidienne, le fait de désigner les choses du doigt, de dessiner et d'utiliser le dictionnaire, provoquait souvent la gaîté, et la bonne volonté, et les efforts mutuels pour se comprendre étaient manifestes. J'en ai appris davantage au sujet de la vraie communication, qui est spirituelle. Et pendant tout ce temps, je me suis rapprochée de Dieu.
Quand je réfléchis à cette période, je pense que le moment où j'ai appelé la praticienne pour qu'elle prie pour moi a été décisif. Un passage tiré de Science et Santé a été d'une importance fondamentale pour nos prières à toutes les deux pendant cette période, passage qui se réfère à la Nouvelle Jérusalem décrite par Jean dans le livre de l'Apocalypse dans la Bible: « Remarquez bien que le message même, la pensée au vol rapide, qui déversait la haine et le tourment, entraîna aussi l'expérience qui éleva finalement le prophète jusqu'à ce qu'il pût contempler la grande cité dont les quatre côtés égaux venaient du ciel et apportaient le ciel. » (p. 574)
Je me sentais soutenue par le fait évident que Dieu m'aimait et pourvoyait à mes besoins à chaque étape du chemin. Le résultat de ces prières, c'est que je me sentais comme sur le dos d'un oiseau en vol, soulevée vers une existence totalement différente. Je peux bien dire maintenant que chaque jour Ses « anges » allaient devant moi. Je continue aujourd'hui à me confier en Son infinie bonté. Cette année à Taïwan m'a appris à vraiment faire confiance à Dieu, quelles que soient les circonstances.
