Quand les enfants sont très jeunes, leurs parents sont capables, en général, de réparer les injustices qu'ils rencontrent. Le chat a cassé un jouet. L'astronaute a perdu sa tête. Ce n'est pas juste. Cependant, on lui recolle la tête et tout va bien. Le petit frère dribble et lance le ballon, dribble et lance le ballon, sans jamais atteindre le panier. Cela aussi, c'est injuste. Alors, il grimpe sur les épaules de son père et réussit à faire entrer le ballon dans le panier.
Or, quand les enfants deviennent un peu plus grands, ils doivent faire face à des injustices que leurs parents ne peuvent pas toujours réparer. A l'école, certains élèves sont méchants. Quel-qu'un triche lors d'un contrôle, ne se fait pas prendre et gagne même le prix du meilleur élève de la semaine. Puis, très vite, ces petites injustices pâlissent pour laisser place à un monde où il arrive des choses vraiment terribles à des enfants et à des adultes qui n'avaient rien fait de mal.
Pour peu que tout continue de s'enchaîner ainsi, il s'ensuit une lutte intérieure entre l'idéalisme de la jeunesse et la désillusion, et on donne au résultat final le nom de réalisme. La justice et l'injustice, la bonté et l'indifférence se côtoient. Mais cette vision «réaliste» de l'existence est-elle vraiment une vision réelle ? Accepter cette vision équivaut-il à comprendre ce qu'est la vie ?
Pour trouver ce qui est finalement vrai, il nous faut entreprendre un voyage dans ce qu'on pourrait appeler le territoire de l'Esprit. Dans ce royaume de la conscience, une nouvelle scène s'éclaire qui n'est pas constituée de clans opposés et d'injustices, mais où règnent constamment la grâce et l'harmonie divines.
La Vie est juste. C'est sa nature. La Vie, la Vie divine, est Dieu, l'Esprit. Elle ne peut être qu'éternellement bonne. Elle n'inclut rien d'autre que sa propre perfection, ne sanctionne rien qui soit étranger à sa connaissance de l'harmonie, ne permet à rien de s'opposer à sa justice, ne crée rien qui soit en dehors de ses limites infinies. Cette Vie qui embrasse tout crée tout ce qui existe. Par conséquent, c'est dans la Vie, dans le territoire illimité de l'Esprit divin, que nous «avons la vie, le mouvement, et l'être» Actes 17:28.. Rien ne favorise l'injustice dans ce saint royaume.
L'homme est le bénéficiaire de tous les bienfaits que Dieu, la Vie divine, lui prodigue. Chaque prise de conscience individuelle de la Vie divine amène à prouver que la justice est possible et l'injustice réparable.
La plupart des récits bibliques mettent en lumière la justice divine sur la scène humaine. Par exemple, que des fils soient vendus comme esclaves à cause des dettes que leur père a laissées après son décès, ce serait profondément injuste. Dans le Second livre des rois, c'est pourtant bien ce qui faillit se produire. II Rois 4:1–7. C'est alors qu'Élisée apparaît dans l'histoire. Il fait évoluer la pensée. Une solution inattendue est trouvée. Une situation injuste est évitée. Les bienfaits d'une vie abondante sont révélés.
C'est un récit dans lequel l'injustice fut contrecarrée. Or, que se passe-t-il quand un châtiment injuste est infligé depuis longtemps ? Prenez Joseph, par exemple. Même le long emprisonnement qu'il dut subir, après avoir été faussement accusé de s'être comporté de façon immorale, ne semble pas avoir ébranlé sa compréhension de la justice de la vie. Cette compréhension joua-t-elle un rôle clé dans sa libération ? Que se serait-il passé si Joseph s'était plongé dans un abîme de questions comme celles-ci: «Comment puis-je me retrouver dans une situation pareille alors que je n'ai rien fait de mal ? » ou « Pourquoi moi?» Une telle attitude l'aurait entraîné dans la mauvaise direction. Pour guérir, il est nécessaire de voir, comme Joseph le vit sans doute, que nous ne sommes jamais hors d'atteinte du gouvernement divin, que nous n'avons jamais été arrachés du pays où Dieu gouverne harmonieusement sur tout. Alors, le pouvoir transformateur de la loi divine se fait sentir sur la scène humaine. Une injustice profondément gravée dans la mémoire devient une force permettant de rendre gloire à Dieu. Dans le cas de Joseph, il fut comblé de bienfaits, ainsi que sa famille et le peuple de sa nouvelle patrie.
La conscience humaine semble parfois emprisonnée. Or, le Christ vient à cette conscience avec le message de l'abondance de la vie et du bien.
La valeur de ces récits bibliques, cependant, ne tient pas uniquement aux exemples qu'ils nous donnent, mais aussi au voyage auquel ils font allusion – un voyage dans le royaume de la compréhension spirituelle. Sur ce territoire mental et spirituel, la nature de la Vie – sa justice intrinsèque – est mise en lumière. En vérité, l'homme, l'enfant de la Vie divine, habite dans cette région de la conscience de façon permanente. Les injustices, elles, n'y demeurent jamais.
L'homme est le bénéficiaire de tous les bienfaits que Dieu, la Vie divine, lui prodigue. Et c'est tout ce qu'il reçoit. L'homme est l'évidence même de la Vie, l'expression de la nature véritable de la Vie. Chaque prise de conscience individuelle de la Vie divine amène à prouver que la justice est possible et l'injustice réparable.
Au lieu d'aborder les injustices cas par cas, comme le ferait un défenseur des droits de l'homme, celui qui a conscience de la justice inhérente à la Vie divine remet en question toute la structure dans laquelle de terribles événements se produisent et où les injustices s'accumulent. Cette structure, c'est la matière. Plus précisément, c'est la croyance presque universellement admise que l'homme vit dans un monde matériel. La vie dans la matière n'est pas juste. Or, ce qui est merveilleux, c'est que la vie n'est pas dans la matière. Remettre en question la prédominance de la matière, c'est remettre en question la base sur laquelle s'appuie toutes les injustices auxquelles l'humanité doit faire face. C'est dans la structure de la croyance matérielle – et seulement là – que la matière semble omnipotente et l'injustice inévitable. Cependant, retirez la fausse croyance, et le gouvernement tyrannique de la matière, c'est-à-dire la base de l'injustice, s'effondre. Nous menons une existence où règne la justice en demeurant dans la Vie qui est l'Esprit. Nous le prouvons à chaque pensée que nous corrigeons.
La conscience humaine semble parfois emprisonnée. Or, le Christ vient à cette conscience avec le message de l'abondance de la vie et du bien. Il vient avec le message de l'omniprésence et de l'omnipotence de la Vie divine. Avec douceur, le Christ libère la pensée de l'esclavage auquel la réduit la croyance en la vie confinée dans la matière. Même le désir de suivre les directives du Christ nous vient du Christ. Et petit à petit, il nous guide vers une plus grande prise de conscience spirituelle. Les droits divins et les libertés assurées par Dieu constituent de plus en plus les caractéristiques de notre voyage et marquent nos journées.
En faisant allusion à un autre événement relaté dans la Bible, Mary Baker Eddy écrit dans Science et Santé avec la Clef des Écritures: «Je vis devant moi le terrible conflit, la mer Rouge et le désert; mais je poussai plus avant grâce à la foi en Dieu, confiante en la Vérité, la puissante libératrice, pour être guidée jusqu'à la terre de la Science Chrétienne, où tombent les chaînes et où les droits de l'homme sont pleinement compris et reconnus. » Science et Santé, p. 226.
Il est évident que «la terre de la Science Chrétienne», pas plus que la Terre promise mentionnée dans la Bible, ne fait référence à une propriété foncière ou à un domaine religieux. Les concevoir en termes matériels favorise l'injustice et nous prive de ce qui nous a été promis. Au contraire, laissons la pensée reconnaître que la création de la Vie est spirituelle, que le gouvernement de la Vie est bon. Ce gouvernement a une portée infinie. Sous son autorité, la justice est bien plus qu'une simple promesse. C'est une réalité divinement naturelle. En vérité, l'homme demeure sur cette terre de la promesse – cette terre de justice et de miséricorde indicibles – dès maintenant.