C’est Une Pratique Courante. Un homme politique en accuse un autre. Un mari se plaint de sa femme. Des membres d’église se critiquent mutuellement. Des parents réprimandent leurs enfants. Parfois, certaines critiques s’avèrent profitables. Mais, dans bien des cas, elles ne font qu’envenimer les choses. L’opportunité d’un jugement qu’on porte sur autrui dépend souvent de la façon dont on s’y prend pour juger.
Deux exemples me viennent à l’esprit. Dans les deux cas, j’ai voulu aider quelqu’un à prendre conscience d’un comportement incorrect. La première fois, la réaction de la personne m’a, pour ainsi dire, cloué sur place! La seconde fois, la réponse a été humble et positive.
Dans le premier cas, il était quatre heures du matin. Ma voisine donnait une fête qui m’empêchait de dormir. Je frappai à sa porte et tâchai de lui faire comprendre, avec, me semblait-il, force patience et amabilité, qu’il était temps de se calmer. Mais ma requête n’était guère soutenue par un véritable amour pour mon prochain. Ma voisine eut une réaction violente.
Dans le second cas, obéissant à une exigence de l’église, c’est dans un esprit chrétien que je parlai à la personne concernée. Rien n’aurait pu me toucher autant que le changement qui s’opéra au cours de notre entretien.
On croit souvent que pour se comporter en «chrétien», il suffit de se montrer gentil. Mais cette attitude n’a rien à voir avec le vrai christianisme, dont l’essence est, bien sûr, celle du Christ — le Christ qui guérit. Peut-être devrions-nous tous réfléchir davantage à ce que signifie le Christ et sa mission de guérison, lorsque nous signalons aux autres leurs imperfections.
Il est facile de mettre à nu les défauts des autres. Mais de véritables qualités chrétiennes sont nécessaires pour le faire à bon escient. Mary Baker Eddy nous donne ce conseil: « Il faut avoir l’esprit de notre Maître bien-aimé pour faire voir à un homme ses défauts, au risque de provoquer le mécontentement humain, pour l’amour du bien et l’intérêt de l’humanité. » Science et Santé avec la Clef des Écritures, p.571. Pour être honnête, on a vite fait de confondre le pharisaïsme avec cet « esprit » dont parle notre Leader. Parvenir à faire la distinction exige une véritable humilité.
Le moyen de déterminer dans quelle mesure nous exprimons l’esprit du Christ, c’est d’évaluer honnêtement l’efficacité avec laquelle nous guérissons nos propres maux et ceux des autres. Cet esprit illumine notre existence dans la mesure où nous éliminons nos propres défauts et où nous nous efforçons de parvenir à une régénération et à un renouveau spirituels. Nous constatons alors que nous sommes mieux à même de parler à notre prochain de ses imperfections. Il nous est aussi plus facile de reconnaître les cas où ces défauts sont autant en nous que chez autrui!
Si le sens personnel, au lieu de l’esprit du Christ, dicte nos critiques, le ton est accusateur et n’aide personne. C’est comme si nous voulions infliger une défaite à un ennemi au lieu de sauver un ami.
Examinons, dans l’Èvangile de Jean, la façon dont Jésus se comporte avec la femme de mœurs légères. La foule n’a qu’une motivation: la vengeance. Tous veulent la punir, la lapider. Jésus, lui, est motivé par le désir d’apporter la rédemption. Il exprime un amour pur pour son prochain, dont il fait grand cas.
Il ne se désintéresse pas du péché et ne l’esquive pas non plus. Mais, réceptif à l’exigence du Christ qu’il exprime de façon si naturelle, il a à cœur de rectifier l’erreur avec compassion, au lieu de s’en tenir à accuser le coupable. Il désire la guérison, non la vengeance, l’humiliation publique et le poids du blâme. Il appartient à cette femme de se réformer. Quant à Jésus, il s’attache à l’innocence spirituelle, là où les autres sont obnubilés par la culpabilité humaine. Il écarte toute condamnation, tandis qu’eux se sentent offensés.
Chacun de nous peut porter, un jour, un regard accusateur sur les autres. Cela arrive dans les petits incidents de la vie. On se met à voir les défauts de quelqu’un, qu’on soit écologiste, enseignant ou parent de la personne en cause; bien qu’on puisse lui demander de répondre de certains actes, on a déjà, en pensée, instruit son procès et prononcé sa culpabilité ! La tendance à accuser peut avoir des causes aussi différentes que la peur du péché et le sentiment d’être moralement au-dessus des autres.
La Bible nous met en garde contre cette tendance. Il n’est guère chrétien de raisonner essentiellement du point de vue de la culpabilité et non de l’innocence. Cela ne veut pas dire que les mortels soient toujours innocents. Loin de là ! Mais, comme Christ Jésus nous l’a prouvé, c’est en discernant l’innocence dont Dieu a doué l’homme que l’on permet à quelqu’un de voir ses défauts. L’efficacité avec laquelle on aide une personne à reconnaître ses erreurs est bien différente selon qu’on aborde la situation avec un état d’esprit accusateur ou un état d’esprit chrétien.
L’approche de « l’accusateur » est inspirée par ce que saint Paul appelle l’entendement charnel. L’approche chrétienne a son origine en Dieu, que le disciple Jean appelle l’Amour. Les Écritures nous invitent à abandonner la première approche pour la seconde. Nous lisons dans l’Apocalypse: « Maintenant le salut est arrivé, et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l’autorité de son Christ; car il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. » Apoc. 12:10.
Lorsque des pensées chrétiennes remplacent une attitude vindicative, nous sommes mieux à même de communiquer avec notre prochain et de l’aider à progresser. Mais les pensées accusatrices dressent des barrières mentales : la foule est déjà prête à ramasser des pierres, au moment où Jésus propose à chacun un petit examen de conscience. L’attitude de notre Maître, face à cette femme et à sa faiblesse morale, ne reflète pas le moindre désir de vengeance.
Mary Baker Eddy nous rappelle ceci : « Se venger d’un tort imaginaire ou réel équivaut au suicide. La loi de notre Dieu et la règle de notre église, c’est d’informer notre frère de sa faute, et ainsi de l’aider. » Écrits divers, p.129. Jésus désire aider la femme. Les autres veulent user de représailles envers elle. Et pourquoi pas, après tout ? La loi, si dure soit-elle, est de leur côté. Mais le crucifiement et la résurrection de Jésus permettent de comprendre pourquoi on ne devrait jamais laisser le désir de vengeance inspirer ses actes. Ceux qui cèdent à cette tentation sèment les graines de leur propre défaite. Ceux dont la patience et la mansuétude s’appuient sur la compréhension du fait que Dieu préserve l’innocence de l’homme sèment les graines de leur propre triomphe.
L’une des tâches les plus difficiles consiste souvent à déterminer si un tort est imaginaire ou réel; cela est difficile parce que l’entendement humain ne voit pas toujours les choses clairement. Ceux qui crucifièrent Jésus croyaient dur comme fer qu’il était coupable de nombreux forfaits. Mais même si nous avons des preuves accablantes qu’une faute a bien été commise, notre Leader nous met en garde : « Si un homme est jaloux, envieux ou vindicatif, il cherchera l’occasion de grossir le moindre écart commis par un autre, le gonflera et le projettera dans l’atmosphère de l’entendement mortel pour que d’autres yeux jaloux le contemplent ; il trouvera toujours quelqu’un en travers de son chemin et il essaiera de l’écarter ; il verra les défauts d’autrui pour les amplifier sous la loupe qu’il n’utilise jamais pour lui-même. » Ibid., p. 129.
Il est facile de divulguer les fautes de quelqu’un. Il est plus dur d’exprimer le Christ de telle sorte que notre prochain voie sincèrement sa faute. Bien sûr, nous constatons parfois que nous avons manqué de discernement dans notre jugement. Il nous faut alors renoncer à nos suppositions gratuites.
L’humilité est cette qualité chrétienne qui nous permet de distinguer entre les vraies fautes et les fautes imaginaires. Avant de juger trop vite, soyons sûrs que nous sommes qualifiés pour le faire. Sommes-nous réellement parvenus à exprimer « l’esprit de notre Maître bien-aimé » ? A supposer que nous soyons tout à fait certains d’être aptes à cette tâche, sommes-nous sûrs de ne pas être obnubilés par les imperfections au point d’avoir perdu de vue la perfection ? En d’autres termes, voyons-nous vraiment les choses dans leur contexte ? C’est l’esprit du Christ qui nous permet de juger notre prochain en faisant preuve de discernement.
Cet esprit n’est jamais hors de portée. C’est le don merveilleux que Dieu fait à tous Ses enfants et qui définit l’essence du véritable rapport unissant l’homme à Dieu. Selon la Science Chrétienne, le Christ représente notre propre filialité divine. Il met au jour, dans la vie quotidienne, la spiritualité qui caractérise notre être véritable.
Les points de vue matérialistes tendent à diviser les hommes. Les points de vue inspirés par le Christ ont pour effet de les unir, car ils révèlent notre origine spirituelle commune. Ils nous permettent de voir où se trouvent en réalité les imperfections — en nous-mêmes ou chez les autres — et de les éliminer tout naturellement. Une approche accusatrice cède alors au désir de s’aider mutuellement à progresser.
