Les Rapports Incestueux que m'imposa mon père pendant presque toute mon enfance développèrent en moi un profond sentiment de culpabilité, parallèlement à la haine que j'éprouvais pour lui. A la fin de mes études secondaires, ma vie prit un cours apparemment normal: j'allai à l'université, j'épousai un homme merveilleux sur qui je pouvais compter et j'eus des enfants. C'est à cette époque que je devins membre d'une filiale de l'Église du Christ, Scientiste.
Mais je désirais ardemment me libérer de la haine et du ressentiment que j'éprouvais envers mon père, même si ces sentiments semblaient parfaitement justifiés d'un point de vue humain. En étudiant la Science du Christ, je découvris l'Amour divin qui m'apprit à pardonner.
Christ Jésus pria pour ceux qui le persécutaient: « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Son exemple éleva ma pensée et m'apporta un grand réconfort. Je fis miennes ses prières. La Science du christianisme révèle que l'homme — l'homme véritable créé par Dieu, non un pécheur mortel — est bon et qu'il est incapable de faire du mal à autrui. Je priais pour comprendre que mon père était une idée de l'Amour divin, pour voir en lui l'enfant de Dieu, le bien, et pour cesser de lui attribuer des mobiles et des actions condamnables. Et je parvins effectivement à lui pardonner.
Un jour, mon père vint me voir pour me demander de lui pardonner. Il éprouvait de profonds remords. Je lui assurai que mon pardon lui était déjà acquis et que ma haine et mon amertume avaient été détruites par l'amour spirituel qui avait permis à Jésus de pardonner.
Mon voyage spirituel avait bien commencé, mais le but était encore loin. La conviction d'être un être méprisable me faisait traverser des moments de sombre dépression où je m'abandonnais à l'auto-accusation et à la souffrance morale. Il me fallait reconnaître en Dieu mon seul Père véritable. Je ne le compris pas du jour au lendemain; pendant des années, j'affirmais patiemment que l'homme est l'image de Dieu, et je niais la réalité apparente de ce que m'avait fait subir mon père au cours de mon enfance et les conséquences « permanentes » qui en résultaient. Cela m'aidait beaucoup de considérer le passé comme un rêve dont le Christ me réveillait doucement.
Mon état s'améliora quelque peu avec les années. Je surmontai certains défauts, comme la colère. J'apprenais peu à peu que je n'étais pas une victime, malgré les apparences, mais que j'avais toujours bénéficié de la sollicitude et de la protection d'un Père-Mère aimant. Mes progrès étaient réels, mais j'allais passer par une période de crise avant de connaître la guérison complète. Lorsque mes enfants furent devenus grands, plusieurs chocs émotionnels, joints à un sérieux problème physique, aggravèrent mon état mental dépressif. J'étais en proie à des angoisses irrationnelles, je ne trouvais plus le sommeil et j'avais perdu l'appétit. Vint le jour où j'eus le sentiment d'avoir touché le fond du désespoir et de la peur. Je ne voulais plus vivre, mais j'avais terriblement peur de la mort.
Il me fallait faire un choix: m'abandonner à la peur ou lutter pour la surmonter. Je compris que seule la puissance de Dieu pouvait me donner la force et le désir de continuer la lutte et de poursuivre mon voyage spirituel.
A partir de ce moment-là, mes progrès furent constants et certains. J'eus encore à me battre chaque jour avec la crainte jusqu'à ce que j'apprenne, grâce à l'aide d'une praticienne de la Science Chrétienne, à ne pas avoir peur de la peur elle-même, mais à la vaincre peu à peu. Mes prières quotidiennes mirent au jour de nombreuses erreurs dans ma pensée; j'appris à m'en détacher, à les éliminer de ma conscience, pour les remplacer par des « vues nouvelles de bonté et d'amour divins », Pour reprendre les termes précis de Mary Baker Eddy dans Science et Santé. Grâce à ce travail régulier, je pris de mieux en mieux conscience de l'amour et de la présence de Dieu.
Je compris aussi la nécessité d'aimer tous ceux à qui il m'arrivait de penser. Cet amour ne devait pas être une simple affection humaine, mais le reflet de l'Amour divin.
Pendant toute cette période, j'eus toujours la force d'aller à l'église le dimanche et le mercredi, puisant un grand soutien dans les services et dans l'amour exprimé par les membres de cette église.
Un jour, alors que je priais pour pouvoir aimer du même amour que Jésus, selon son commandement, l'amour de Dieu envahit tout naturellement ma conscience, et je sus que j'aimais véritablement mon père. Cet amour était si fort et si pur qu'il me vint des larmes de joie. L'idée que je me faisais non seulement de mon père, mais aussi des autres et de moi-même avait entièrement changé. C'était comme si mon existence humaine avait été transformée par le Divin.
Il ne me restait plus qu'à vivre cet amour et à l'exprimer dans des rapports naturels et chaleureux avec mon père. Les occasions ne manquèrent pas, et je n'avais plus du tout peur de lui. Je ne tardai pas à être guérie mentalement et physiquement.
Je suis très reconnaissante à Dieu de la dissipation de ces ténèbres mentales et de la joie permanente à laquelle elles ont fait place.