A bien considérer les échanges de la vie de tous les jours — les coups de téléphone, les conversations fortuites, la télévision, les journaux et les revues — on pourrait se demander si quelqu'un n'a pas, un certain soir, fait disparaître le mot péché, comme par enchantement, lorsque personne n'y prenait garde.
Il y a quelques années, un livre qui eut beaucoup de succès soulevait la question: Qu'est-il advenu du péché ? L'auteur y faisait ainsi part de ses réflexions: « Dans toutes les lamentations et les remontrances des voyants et des prophètes actuels, le mot “péché”, qui était le véritable mot d'ordre des prophètes d'autrefois, a complètement disparu. C'était alors un mot présent à l'esprit de chacun, mais maintenant on ne le mentionne que rarement pour ne pas dire jamais. » Et il posait la question suivante: « Cela veut-il dire que le péché... n'entre pour rien dans tous nos ennuis ? » Docteur Karl Menninger, Whatever Became of Sin ? [Qu'est-il advenu du péché ?] (New York: Hawthorn Books, Inc., 1973). p. 13.
Nous sommes peut-être tentés de répondre que, d'une certaine façon, c'est une bonne chose après tout. Il fallait bien que disparaissent un jour les opinions pessimistes du temps jadis. Mais force nous est de reconnaître que la population mondiale des pécheurs ne semble pas décliner très vite. Il reste peut-être encore quelque chose à voir !
Il est évident, par exemple, que les problèmes liés à l'environnement, problèmes dont on a récemment pris conscience, ont souvent leur origine dans la cupidité et le manque d'amour pour le prochain. La malhonnêteté, si répandue de nos jours, remonte certainement à la même source. Toutes sortes de problèmes d'ordre général ou personnel proviennent de ce qu'il était convenu d'appeler le péché.
En fait, la Science ChrétienneChristian Science (’kristienn ’saïennce) enseigne que la guérison des maux physiques est le coup de clairon qui nous rend conscients de la possibilité d'agir dans ce domaine encore plus essentiel. Insistant sur ce point, Mary Baker Eddy écrit: « Le dessein essentiel de la Science Chrétienne est la guérison du péché, et cette tâche peut être parfois plus difficile que la guérison de la maladie; car, alors que les mortels aiment pécher, ils n'aiment pas être malades. » Rudiments de la Science divine, p. 2.
Si tel est le cas, comment nous y prenons-nous pour réaliser ce « dessein essentiel » ? Et quel degré d'attention y portons-nous ?
Aux pharisiens, mais aussi à tous les autres, Christ Jésus a donné une règle fondamentale: « Nettoie premièrement l'intérieur de la coupe et du plat, afin que l'extérieur aussi devienne net. » Matth. 23:26. La pensée doit être transformée, et peut l'être, par une nouvelle compréhension scientifique qui permet de voir que Dieu est Tout Entendement aussi bien que Tout pouvoir. En nous efforçant d'obéir à Dieu et de nous guérir du péché, nous faisons bien plus que tenter de maîtriser le péché, un peu comme si nous voulions domestiquer toute une ménagerie de tigres et de léopards. La pensée mortelle est assez semblable à l'animal prédateur. Nous finissons donc par découvrir que la pensée doit provenir d'une base entièrement différente.
Peut-être avons-nous déjà éliminé une bonne part de ce qui, dans notre pensée, relève le plus manifestement du péché: envie, colère, sensualité, haine. En d'autres termes, nous avons fait quelques progrès sur la voie de la moralité. En toute naïveté, nous pouvons nous demander ce qu'il nous reste à faire. Mary Baker Eddy nous ouvre un horizon nouveau lorsqu'elle écrit: « La croyance à la vie dans la matière pèche à chaque pas. » Science et Santé avec la Clef des Écritures, p. 542.
Si nous croyons mener réellement une existence mortelle dans la matière — si nous pensons avoir une certaine intelligence séparée de Dieu, capable de penser ce qu'elle veut, en bien ou en mal — nous sommes inévitablement mêlés au péché. Ce ne sera pas forcément un péché bien spectaculaire. Il peut passer inaperçu. Il se peut même qu'il se fonde avec l'ensemble du magnétisme du rêve mortel: agir à contretemps; penser ce que beaucoup d'autres pensent, sans s'en rendre vraiment compte. Désirant être bons, nous ne le sommes peut-être pas — du moins, pas très souvent ni de façon très significative. Ressentant une attraction mystérieuse pour le mal, peut-être sommes-nous inconsciemment repoussés par le bien. Ou encore, tout simplement, nous n'aimons pas assez.
Mais grâce à la Science Chrétienne, nous apprenons peu à peu qu'il n'y a qu'un seul Moi, ou Ego, qui est Dieu. L' « âme », ou personnalité dans la matière, qui prétend être le moi ou l'individualité, n'existe absolument pas. Nous comprenons alors que Dieu est tout et que notre individualité est entièrement Son reflet spirituel; avec l'élévation que nous apporte cette nouvelle compréhension, nous ne manquerons pas de voir le contraste frappant qui existe entre ces vérités et le rêve mortel auquel nous avons pris part.
Nous pouvons être profondément remués par ce contraste. Il peut même, sous certains rapports, nous embarrasser et nous humilier. Cette mentalité qui a semblé tellement normale, qui nous a tellement semblé être la nôtre, soudain ne l'est plus. Mary Baker Eddy décrit ce sentiment puissant lorsqu'elle parle du baptême spirituel à son premier stade. Elle écrit: « Les yeux se remplissent de larmes, l'angoisse lutte, l'orgueil se révolte, et le mortel semble être un monstre, un sombre et impénétrable nuage d'erreur; et tombant à genoux en prière, humble devant Dieu, il s'écrie: “Sauve-moi, ou je péris.” Ainsi la Vérité, sondant le cœur, neutralise et détruit l'erreur. » Écrits divers, p. 203.
C'est parce que notre individualité est vraiment sans péché que nous avons le courage d'affronter tout ce qui prétend, à tort, constituer notre identité. Ce processus purificateur nous amène à nous détacher de plus en plus des attitudes qui n'ont rien à voir avec l'homme créé par Dieu. Toutefois, il ne s'agit pas ici de déceler les causes psychologiques, mystérieuses et cachées, du péché et de la maladie. Notre obéissance au Christ, la Vérité, mettra certainement en évidence ce qui demande à être purifié et corrigé. Mais se consacrer à la tâche sinistre de rechercher un vrai péché au lieu de s'attacher à la joie d'apprendre la réalité de l'homme créé par Dieu sans péché, à Son image, serait le signe que nous n'avons pas abandonné l'ancien concept religieux pour le nouveau concept scientifique.
La Science Chrétienne enseigne qu'il aurait été impossible à l'Amour divin de créer un homme pécheur. Lorsque nous parlons de l'Amour, il ne s'agit pas de quelque chose de vague et d'abstrait. Nous parlons de l'Amour qui aime, qui aime l'homme et la création, qui nous aime activement. Un tel amour exclut l'hypothèse d'une expérience que ferait Dieu pour voir si l'homme choisira le bien ou le mal, pour voir s'il péchera ou non. Aucun père de famille ne voudrait faire une telle expérience sur ceux qu'il aime. Et le Père divin, notre Père-Mère Dieu, la source même de tout l'amour authentique que nous avons pu rencontrer dans notre vie, maintient Sa création dans l'amour infini.
Paul nous en donne une idée lorsqu'il écrit: « Dieu peut vous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours en toutes choses de quoi satisfaire à tous vos besoins, vous ayez encore en abondance pour toute bonne œuvre. » II Cor. 9:8. La totalité et la bonté de Dieu, Sa grâce, abondent en vérité. Elles emplissent tout l'espace depuis le commencement, maintenant et éternellement. Dieu n'octroie pas Sa grâce de temps en temps lorsque nous en avons le plus besoin. Le message du Christ et du Saint-Esprit, ou Consolateur divin, c'est que Dieu est l'Amour infini, débordant de grâce.
Les paroles de Jean-Baptiste le disent encore admirablement: « Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. » Jean 1:29. Nous commençons tout juste à comprendre le salut apporté par Christ Jésus, salut qui nous sauve complètement du péché. Les anciens stéréotypes selon lesquels il expia le prétendu péché originel dont l'homme s'était rendu coupable envers Dieu n'apportent pas grand-chose. Par contre, ce que Jésus a fait en vivant son union avec l'Amour divin — et aussi la grandeur de sa lutte et de son sacrifice humains — nous apprend tout. Cela réduit en poussière l'illusion du péché et nous dispose à devenir... ce que nous sommes exactement: l'image innocente de Dieu, tout simplement la création de l'Amour infini.