Quoiqu'il soit quasi impossible de relever une stricte séquence chronologique dans les Écritures prophétiques, il est pourtant aisé de retrouver le chemin ascendant de la pensée depuis certaines attitudes originellement matérialistes et souvent nationalistes jusqu'à des idéaux plus élevés et plus spirituels. Bien que nombre d'événements rapportés dans les Écritures soient difficiles à vérifier en détail, on estime souvent que même les légendes contiennent un noyau de réalité historique. Les récits de la Bible contiennent, en règle générale, assez de références à des événements historiques et à des lieux particuliers, pour établir leur rapport fondamental avec l'histoire. Lorsqu'on en poursuit l'étude, on est à même de découvrir et de profiter du message central que chaque cas communique.
Quand on voit que les livres de Jonas et de Daniel, auxquels on attribue des dates de publication incertaines, ont trait à des périodes de l'histoire bien plus anciennes, il semble alors justifié de les présenter à ce stade de la prophétie hébraïque. L'un comme l'autre fut écrit dans l'intention de rendre les humains conscients de l'omnipotence et de l'omniprésence de Dieu et de fortifier la foi qu'ils avaient en Lui.
Il est clair que le livre de Jonas a pour but de servir de leçon illustrant l'amour universel et la tendresse de Dieu vis-à-vis du monde païen (non juif) et il a souvent été décrit comme le livre le plus chrétien de l'Ancien Testament. Un de ses commentateurs en dit notamment: « ... l'histoire de Jonas... est l'une des plus belles, des plus sublimes que les auteurs de l'Ancien Testament aient produites... et elle révèle l'esprit prophétique au sens le plus pur et le plus véridique » (The Literature of the Old Testament, de Julius A. Bewer, p. 403).
Quant au livre de Daniel, il avait pour mission d'encourager les Juifs en leur racontant les événements qui eurent lieu à Babylone pendant l'Exil et, par le récit des visions de Daniel, ce qui s'était passé en Palestine après l'Exil.
La Bible mentionne Jonas aussi bien que Daniel comme étant réellement des personnages dans le récit historique de la Bible, non seulement dans l'Ancien, mais encore dans le Nouveau Testament.
Daniel, quoique assurément livre prophétique, constitue partiellement une œuvre apocalyptique, recouvrant intentionnellement la majeure partie de sa seconde moitié d'un voile d'obscurité verbale de manière à protéger le message qu'il contient. Par contre, on peut considérer le livre de Jonas comme une allégorie ou une parabole.
Le livre de Jonas a souffert entre les mains de ceux qui l'ont traité soit comme une simple narration de faits historiques, soit en le ridiculisant comme une fanfaronnade incroyable. Pour certains l'histoire de Jonas est une allégorie concernant l'Exil et le retour de Babylone, alors que pour d'autres, son message se rapporte exclusivement à la période post-exilienne. Même Jérémie, s'identifiant à la nation, considère Nébucadnetsar comme un monstre qui l'engloutit (voir Jér. 51:34). Dans la littérature ou la légende, le fait de voir quelque créature sauver un homme est cependant loin d'être unique; les gens de l'intérieur parlaient d'un loup, d'un dragon ou d'un ours, tandis que pour ceux des régions côtières c'était quelque monstre marin.
Jonas (qui signifie « tourterelle », dont se sert le psaume 74:19 en tant que synonyme d'Israël) était censé être le fils d'Amitthaï, lequel vivait en Galilée au temps de Jéroboam II, roi d'Israël (voir II Rois 14:23–25). On pourrait le situer quelques années avant Amos, lequel est généralement accepté comme le premier des « prophètes écrivains ». Pourquoi donc prendre Jonas en considération relativement si tard dans l'histoire de la prophétie hébraïque ? Il est évident que le livre intitulé « Jonas » traite de Jonas mais n'a pas été écrit par lui.
Au début du chapitre initial, Jonas est appelé par l'Éternel pour se rendre à Ninive, capitale de l'empire païen d'Assyrie et d'en dénoncer la méchanceté (voir Jonas 1:1, 2). Apparemment tout à fait au courant des caractéristiques notoires de cette cité et des mauvaises pratiques qu'elle approuvait, Jonas prend des mesures extrêmes en vue d'échapper à sa responsabilité prophétique.
Le héros de ce récit, refusant d'accepter la tâche qui lui est assignée, quitte promptement Japho située sur la côte palestinienne et s'embarque pour Tarsis, vraisemblablement en Espagne (aussi loin que possible de Ninive qui se trouve à plusieurs centaines de kilomètres à l'intérieur) pour se trouver dans une tempête d'une violence telle que tous les marins à bord s'attendent à être noyés. Terrorisés, ces derniers ont alors le sentiment que cette tempête est comme une visitation divine confrontant tout l'équipage, attribuable au péché commis par quelqu'un se trouvant à bord du navire. Selon une coutume ancienne, ils tirent au sort de manière à connaître l'identité du coupable et le sort désigne Jonas qui spontanément avoue qu'il craint « l'Éternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre » (Jonas 1:9). Il avait déjà alors raconté aux marins qu'il « fuyait loin de la face de l'Éternel » (verset 10).
Et les hommes, bien que païens, après tous les vains efforts qu'ils avaient faits pour sauver le bateau, acceptent fort à regret la suggestion que leur fait Jonas de le jeter pardessus bord. « Puis ils prirent Jonas, et le jetèrent dans la mer. Et la fureur de la mer s'apaisa » (verset 15).
Et non seulement l'équipage et le capitaine sont sauvés, mais Jonas lui-même est protégé, car comme le dit le récit: « L'Éternel fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. Jonas... pria l'Éternel, son Dieu » rendant grâces et proclamant à haute voix son assurance que « le salut vient de l'Éternel » (2:1, 2, 10). Après quoi, Jonas se trouve sain et sauf sur la terre ferme.
Et maintenant Jonas se voit à nouveau chargé, comme la première fois, de la même mission. Il obéit enfin, poursuivant sa route jusqu'à Ninive et annonçant que, selon le commandement de Dieu, d'ici quarante jours cette grande cité allait être détruite (voir 3:1–4). Mais lorsque, à la consternation du prophète, le roi se joint à tous ses sujets et qu'ils se mettent ensemble à croire en Dieu, à jeûner et à se couvrir de sacs en signe de repentance, alors l'Éternel Lui-même pardonne à tous promptement et totalement (voir 3:10).
De toute évidence, pareille conversion immédiate dépasse la compréhension et le jugement du prophète. En fait « cela déplut fort à Jonas, et il fut irrité ». Il déclare que si Jahveh en vient à désavouer les accusations que le prophète lui-même avait proférées sur Ninive « la mort m'est préférable à la vie » (4:1–3). Même la fraîcheur consolante de l'ombre qu'étend la croissance rapide d'un ricin sur la cabane que Jonas s'était bâtie et d'où il avait escompté assister au spectacle de la ville détruite, constitue une leçon que Jahveh donne au prophète et partant au lecteur (voir versets 5–11).
Si, comme bien des érudits l'estiment, ce livre a été écrit aussi tard que 300 ou même 200 ans av. J.-C. alors que les Juifs et leurs prêtres devenaient de plus en plus exclusifs et xénophobes, peut-être est-il destiné à illustrer l'impartialité de Dieu Lui-même qui y est dépeint comme épargnant avec compassion Ninive, la cité mal famée mais repentante, aussi bien que Jonas, colérique et désobéissant. En raison de son irritabilité et de son dogmatisme, le prophète avait refusé de partager le message de salut universel que lui avait si généreusement offert l'Éternel.
La chute de Ninive, en tant qu'événement historique, a eu lieu vers 612 av. J.-C., encore que le thème du livre de Jonas soit plus proche de l'état d'esprit que l'on rencontre dans la période qui s'étend quelque trois siècles plus tard.
La question que pose le livre en sa conclusion (voir 4:10, 11) fait clairement retentir le divin défi adressé à la pensée religieuse de tous les temps. En fait, tout son message de pardon et de générosité représente un chaînon incontestable qui le lie aux enseignements du Nouveau Testament.