Brad Jones s'est retrouvé à un carrefour dans sa vie, il y a 35 ans. « À la fin de mes études, je me suis marié et je suis devenu conseiller en investissements financiers, m'a expliqué M. Jones, lors de notre récent entretien. Et puis j'ai eu la possibilité de travailler aux côtés du président d'une grande compagnie de développement immobilier. J'ai par la suite créé ma propre société immobilière. »
Mais un jour, M. Jones tout quitté pour répondre à un appel différent et s'engager dans une nouvelle voie.
Brad Jones: Je peux citer trois moments décisifs dans ma vie. Le premier est lié à mon mariage. J'ai dit à ma fiancée que je souhaitais fréquenter une église de la Science Chrétienne, et qu'elle pouvait, bien sûr, fréquenter elle-même l'église de son choix. Mais j'ai ajouté que, si nous avions des enfants, j'aimerais qu'ils puissent aller à l'école du dimanche de la Science Chrétienne. Elle s'est dit tout à fait d'accord. Une fois mariée, elle a commencé à s'intéresser à la Science Chrétienne. C'est en observant ses progrès spirituels que j'ai pu réfléchir à mon propre comportement. L'essence et l'esprit de la Science Chrétienne, l'affection, la discipline et la morale qu'elle exige, étaient pour moi chose naturelle, mais à vrai dire, mon étude n'était pas très suivie. C'est la ferveur de ma femme qui m'a encouragé à m'engager plus à fond.
Le deuxième moment décisif est survenu lors d'un petit-déjeuner avec Geith Plimmer, qui était conférencier de la Science Chrétienne. Il répondait à une question que je lui avais posée, en s'appuyant sur une histoire de la Bible. S'apercevant que je ne saisissais pas la morale de l'histoire, il s'est arrêté de manger, m'a regardé et dit d'une voix ferme en pointant l'index vers moi: « Apprenez à connaître la Bible ! Tout ce que vous aurez besoin de savoir est dans la Bible. Il faut connaître la Bible ! » Alors, durant les six mois qui ont suivi, j'ai étudié la Bible jusqu'à deux ou trois heures du matin. Cette étude disciplinée a transformé mon existence. J'en ai retiré un profond intérêt et un grand respect pour les Écritures. J'ai également commencé à acquérir une compréhension nouvelle de Science et Santé et de la lumière que ce livre projette sur la Bible. Cette rencontre a donc été une étape décisive dans mon étude et mon expérience spirituelles.
Le troisième moment décisif coïncide avec la période pendant laquelle j'étais Premier Lecteur dans mon église filiale. Je préparais une lecture pour la réunion de témoignage du mercredi soir, en m'aidant de la concordance de Science et Santé avec la Clef des Écritures de Mary Baker Eddy. J'avais trouvé ce que je cherchais, mais j'ai poursuivi ma lecture jusqu'au bas de la page. Je suis tombé sur cette phrase: « Il est impossible d'avancer rapidement dans la démonstration de cette Science si l'on se livre à d'autres occupations. » (p. 457) Cela m'a interpellé. Dès le lendemain matin, je suis allé au travail, j'ai réuni tout le monde et j'ai dit: « Dès que nous aurons rempli toutes les obligations que nous avons, je mettrai fin à l'activité de notre société. » Et j'ai expliqué pourquoi. Tous m'ont soutenu. À partir de ce moment, je me suis consacré à la Science Chrétienne.
Ma femme m'a beaucoup soutenu. Mais l'entendement charnel, qui s'oppose à la croissance spirituelle et au bien, s'est présenté avec des questions: « Ne t'emballe pas ! Comment vas-tu t'y prendre ? Comment vas-tu t'en sortir financièrement ? » Je me suis alors souvenu de ces paroles de Saint Paul: « Je ne consultai ni la chair ni le sang. » (Galates 1:16) J'ai réfléchi à ma décision et j'ai eu le sentiment qu'elle n'était pas le fruit d'un raisonnement humain; je n'allais donc pas me tourner vers « la chair et le sang » pour y chercher une explication ou une justification, ou pour me demander comment j'allais m'en sortir. Je me suis juste dit en substance: « C'est là l'activité de mon Père, de mon Père-Mère Dieu, et mon travail consiste à avoir sans cesse confiance en la sagesse et en la perfection de chacune de Ses directives. »
Quelle belle prise de position ! Cette première décision demandait beaucoup de courage. Vous n'avez vraiment eu aucune crainte?
Non, aucune. Je pense que c'est parce que j'ai résisté à la tentation de réfléchir à ma décision d'un point de vue humain. J'ai refusé de m'engager sur ce terrain. Et puis mon désir de m'investir dans ce travail spirituel était si important et me prenait tellement de temps qu'il ne m'en restait plus pour avoir peur ! Quand j'y repense aujourd'hui, je me rends compte de toute l'aide dont j'ai bénéficié. Je me souviens des paroles du chef d'une des premières expéditions écossaises dans l'Himalaya. Il disait qu'une fois que l'on s'est engagé à faire quelque chose, il est surprenant de voir à quel point la Providence divine soutient le projet.
En l'occurrence je m'étais engagé dans la pratique à plein temps de la Science Chrétienne. Et c'est ce qui m'a fait aller de l'avant.
Vous avez eu confiance dans une loi spirituelle qui est à la base de l'expérience humaine, c'est-à-dire dans le fait que votre engagement, inspiré par l'Esprit, serait également soutenu par l'Esprit.
Exactement ! J'aime le conseil donné à Lot de ne pas regarder derrière lui (voir Genèse 19:17). Une fois cet engagement pris, je n'ai plus jamais regardé en arrière. Je pense que c'est parce que mes parents m'ont permis de faire mes propres expériences, m'obligeant à prendre ce genre de décisions quand j'étais enfant. J'ai grandi en apprenant à faire confiance à ce qui me semblait moralement juste, et à aller de l'avant sans crainte. J'ai ainsi été préparé à ce moment important dans ma vie d'adulte.
Pour approfondir ce point, comment votre parcours vous a-t-il formé et conduit à être praticien de la Science Chrétienne à plein temps ? Dans quelle mesure, par exemple, votre expérience en matière d'investissements financiers puis de placements immobiliers vous a-t-elle ouvert des horizons particuliers ?
À mon avis, l'important n'est pas que vous soyez directeur ou vendeur, ou que votre travail consiste à gérer une épicerie ou à vous occuper de votre foyer, à concevoir de nouvelles voitures ou à pratiquer un sport. Toute expérience est l'occasion de choisir entre ce qui est juste ou ce qui semble le plus facile et qui est d'inspiration humaine; de prendre la voie qui mène au pardon et à la compréhension ou à la rancune et à la colère. Le choix fondamental renvoie à ce que dit en substance Moïse: « Je mets devant toi le bien et le mal, choisis la vie. » (Voir Deutéronome 30:15-20) Toutes nos expériences offrent ce genre de choix moral, et c'est en choisissant ce qui est juste en toutes circonstances que nous nous préparons pour l'expérience suivante.
Je vous donne un exemple: un jour, un de mes agents immobiliers m'a apporté un contrat de vente concernant un ensemble d'appartements. « Voici le contrat, dit-il, mais la transaction va être difficile. L'acheteur est un homme absolument impossible. » Comme j'étais le patron de la société, l'acheteur m'a appelé un peu plus tard dans la matinée. En reposant le téléphone, j'ai pensé: « Effectivement, la transaction s'annonce difficile, car cet homme est désagréable. » Je n'ai plus pensé à ma réflexion jusqu'à ce que le Père me tire l'oreille, si je puis dire, avec cette réprimande: « Comment oses-tu penser à Ma création de cette manière ? » Cela m'a fait prendre conscience de mon attitude. On m'avait présenté une vue erronée de la création de Dieu et je l'avais acceptée, au lieu de la rejeter pour voir en cet homme l'expression parfaite de Dieu. On lit dans la Bible: « Veuton... me donner des ordres sur mes enfants et sur l'œuvre de mes mains ? » (Ésaïe 45:11) C'est à Dieu qu'il appartient de définir Sa création, et non à nous. Comme l'explique Moïse, j'avais été mis devant un choix, celui d'accepter ce que disent les mortels au sujet de la Création ou d'accepter ce qu'en dit Dieu, ce qu'en dit la Vérité, l'Amour divin. En l'occurrence, je n'avais pas fait le bon choix. Mais heureusement, nous pouvons toujours nous repentir, comme Jésus l'enseigne et nous demande de le faire. Je me suis donc repenti, en conformant mes pensées à la vérité au sujet de toute l'humanité et en rejetant mes critiques antérieures concernant l'un des enfants bien-aimés de Dieu. Un quart d'heure plus tard, l'homme m'a rappelé et s'est excusé d'avoir été si peu aimable lors de notre conversation. « Ce n'est vraiment pas dans mon habitude », dit-il. Je lui ai répondu que j'en étais certain. La transaction s'est déroulée dans une ambiance agréable, sans poser le moindre problème.
Ce genre d'expérience, qui conduit à aligner sa pensée sur la Vérité et à voir les fruits de cet ajustement, peut arriver à chacun d'entre nous, quelle que soit notre activité. Fondamentalement, la pratique de la Science Chrétienne consiste à nous voir les uns les autres spirituellement, tels que Dieu nous a créés, ce qui implique de rejeter toute image de soi et des autres qui s'oppose à ce point de vue spirituel véritable. En ce sens, mon expérience professionnelle a été une préparation morale et spirituelle, comme le sont toutes les activités, quand on est disposé à apprendre les leçons qu'elles nous procurent. L'important est de ne pas vouloir passer à côté de ce que nous enseignent les expériences humaines.
Je me souviens d'un incident qui remonte à l'enfance, alors que j'avais cinq ou six ans. J'avais accompagné ma mère chez l'épicier. Comme nous remontions dans la voiture, elle s'est aperçue que je mâchais du chewing-gum. Elle ne me l'avait pas acheté, et elle savait que je n'avais pas d'argent. Elle m'a demandé où je l'avais pris et j'ai dû avouer mon vol. Elle m'a fait redescendre de la voiture et retourner tout seul dans le magasin pour avouer au gérant ce que j'avais fait. D'avance, elle approuvait toute décision qu'il prendrait à mon encontre. En y repensant, je me rends compte que ma mère m'a offert là l'occasion de réfléchir non seulement à mon comportement, mais également à la qualité de mes pensées, lesquelles influencent notre conduite.
Si je comprends bien, votre mère vous a aidé à savoir vous comporter et à penser en phase avec votre Principe divin, le Principe divin de tous, le Principe divin universel de la pensée et de l'action. Quand on est en harmonie avec le Principe, on se conduit naturellement de manière intègre.
Absolument. J'ai eu de nombreuses occasions de l'apprendre en grandissant. Par exemple, quand j'étais adolescent, j'étais très doué pour la natation, et certains entraîneurs pensaient que j'avais le potentiel pour participer aux Jeux Olympiques, si je m'y préparais. La natation est donc devenue une priorité dans ma vie, à ce moment-là. Mais je devais passer des examens médicaux poussés. Pour la plupart des gens, cela ne poserait aucun problème, ce que je comprends. Mais pour moi, cela en posait un parce que, dans mon éducation, on m'avait appris à me détacher du corps, à ne pas me focaliser sur le physique, mais à rechercher en l'Esprit ma substance, ma santé, ma force, mes capacités. Comme cela est permis aux États-Unis, mes parents tentèrent de me faire obtenir une dispense, mais leurs efforts furent vains. Puis ils me laissèrent prendre la décision moi-même. Je choisis de renoncer à la natation, considérant que le fait d'accepter ces examens médicaux était contraire à mes principes. Quand je repense à ce genre d'expériences, je me rends compte qu'elles m'ont préparé à relever de futurs défis. Ainsi, des années plus tard, au moment de choisir entre rester dans les affaires et répondre à cet appel soudain me demandant de devenir praticien de la Science Chrétienne à plein temps, j'étais prêt par la grâce de Dieu.
Je vous propose d'ouvrir une parenthèse, le temps de faire une recherche sur Internet concernant W. H. Murray, qui dirigea l'expédition écossaise dans l'Himalaya, dans les années 30. Vous y avez fait allusion tout à l'heure...
Vous l'avez trouvé ?
Oui et je comprends mieux pourquoi sa célèbre citation vous a interpellé. Elle contient un vrai message spirituel.
Oui, je me souviens combien elle m'avait marqué. C'est mon père qui l'avait portée à mon attention...
Voici le passage du livre où figure cette citation: « Jusqu'au moment où l'on s'engage, il n'y a qu'hésitation, occasion de revenir en arrière et inefficacité. Pour tous les actes exigeant initiative et création, il y a une vérité élémentaire dont la méconnaissance a fait avorter des idées innombrables et des projets fabuleux: c'est qu'à l'instant où l'on s'engage pour de bon, la Providence se met en marche à son tour. Toutes sortes de circonstances favorables se produisent qui, autrement, ne se seraient pas manifestées. La décision engendre un courant d'événements qui suscite sur son passage une variété d'incidents imprévus et bénéfiques, des rencontres et des soutiens matériels dont personne n'aurait osé rêver. J'ai appris à accorder à ces vers de Goethe le plus profond respect: "Quel que soit ce que tu peux faire ou que tu rêves de faire, commence-le. / L'audace porte en elle génie, pouvoir et magie." »W.H. Murray, The Scottish Himalayan Expedition (L'expédition écossaise dans l'Hymalaya), 1951.
Le lendemain de ma décision de renoncer à la natation (je me revois téléphonant à mon entraîneur, en larmes, et lui disant que je ne pourrai pas continuer), un homme m'a appelé pour me proposer un travail.N.d.r.: Aux États-Unis, les jeunes sont autorisés à travailler à partir de 14 ans, pour un nombre limité d'heures par semaine. J'ai travaillé pour lui pendant les six années qui ont suivi. J'ai bénéficié de ses conseils avisés durant les années formatrices de l'adolescence. Je ne m'en rendais pas compte à l'époque, mais c'est pour m'être engagé à faire ce qui me semblait juste que j'ai eu cette proposition de travail. Je ne l'aurais pas eue autrement. De même lorsque je me suis engagé à devenir praticien de la Science Chrétienne, je n'aurais jamais cru pouvoir bénéficier de l'aide que j'ai reçue quand j'ai décidé de dissoudre ma société pour entrer dans la pratique, et on ne me l'aurait pas proposée non plus. Tout ce qui est arrivé a confirmé la promesse contenue dans cette citation de Murray que vous venez de retrouver.
Les expériences que vous avez faites durant votre enfance montrent également l'importance de bénéficier d'un bon guide. Votre père vous a fait connaître l'intuition spirituelle de Murray. Votre mère vous a enseigné une leçon lors de l'incident à l'épicerie. Puis votre employeur vous a donné de bons conseils après que vous avez renoncé à la natation.
Mon employeur a vraiment joué ce rôle à un moment très important dans ma vie de jeune homme, parce qu'il était là pour confirmer ce que m'enseignaient mes parents. Je me rends compte que chaque expérience liée à cette époque a nourri mon esprit et en a protégé le développement contre toute mauvaise influence.
L'expérience humaine a ceci de très beau, qu'elle nous fait rencontrer toutes sortes de « mentors », comme par exemple Geith Plimmer, dont j'ai également eu la chance d'entendre l'une des conférences. Inoubliable ! Il vous a été de bon conseil à un moment décisif. Il vous a rappelé ce que nous savons bien, en tant que chrétiens, et que nous avons pu tant apprécier au cours de notre vie: la Bible est fiable et elle est notre guide par excellence.
Surtout lorsqu'on l'étudie avec le livre qui en révèle le sens spirituel, Science et Santé avec la Clef des Écritures.
Pourriez-vous évoquer d'autres moments décisifs ou particulièrement forts, survenus au cours des 35 dernières années que vous avez consacrées à la pratique professionnelle de la Science Chrétienne?
Ce qui me vient à l'esprit, ce sont ces concepts qui s'imposent à la pensée, même s'il s'agit parfois d'un lent processus. Par exemple, quand je servais l'Église en tant que représentant du Comité de publication pour l'Oklahoma — je crois que c'était en 1993 — j'ai parlé à un sénateur de la guérison spirituelle et de son importance pour le monde. Je lui ai alors raconté le cas d'une jeune femme qui, ne se sentant pas bien, m'avait appelé pour me demander de l'aide par la prière. Je lui avais juste proposé de réfléchir à ce que Dieu signifiait pour elle à ce moment précis. C'est ce qu'elle a fait, et elle a eu une guérison complète. J'ai ainsi montré au sénateur que nous considérons qu'il est parfaitement naturel de vouloir se sentir bien, et que nous devrions tous nous sentir bien, car c'est là le véritable état de l'être. Mais le plus important, c'est que cette jeune femme a appris à connaître la réalité de Dieu, Sa présence, et le fait que sa vie est inséparable de cette présence. Quel prix mettre à cela ? Cela n'a pas de prix !
Je pense aussi à l'histoire des trois jeunes Hébreux, Schadrac, Méschac et Abed-Nego (voir Daniel, chapitre 3). Comme on le lit dans la Bible, ils furent jetés dans une fournaise ardente et en sortirent fort heureusement indemnes. Mais l'histoire soulève un autre point, car il est aussi question d'échapper à l'autorité du roi, de ne pas être sous sa domination. Pour moi, c'est un point essentiel dans cette histoire, un concept crucial pour la guérison. En d'autres termes, tout le monde peut prier ainsi: « Je suis spirituel. Je suis uniquement sous le gouvernement de Dieu, le gouvernement de l'Esprit divin, l'Amour. Je ne suis sous aucun autre gouvernement. » Le sens de ces mots s'est pleinement développé avec ma pratique. Aussi, lorsque les gens me demandent de les aider, je les incite à reconnaître la place de Dieu dans leur vie et à affirmer: « Je suis spirituel, l'image de Dieu, l'Esprit, et aucun faux pouvoir matériel ne peut me toucher. »
Cela paraît logique que la compréhension spirituelle se développe par l'étude et par l'expérience. En général, on se perfectionne dans son activité avec la pratique. Quels progrès avez-vous constaté dans votre travail de praticien ?
En matière de progrès et de développement, ce qui me vient à l'esprit, c'est cette partie de la définition de Moïse que l'on trouve dans Science et Santé: « l'union de la justice et de l'affection. » (p. 592) Mary Baker Eddy s'est exprimée plus d'une fois sur cette union et sur son importance. Par exemple, dans Écrits divers, elle déclare: « La Science Chrétienne exige à la fois la loi et l'évangile afin de démontrer la guérison... » (p. 65) J'en suis venu, il y a peu, à reconnaître la nécessité de cet équilibre. Bien souvent, on connaît la vérité au sujet de quelque chose ou on fait ce qui est juste, mais sans affection; on force les choses, au lieu de laisser le pouvoir naturel et bienveillant de Dieu élever la pensée, révéler Sa bonté et Sa justice. Par exemple, lorsque je m'occupais des questions de législation pour le compte de la Science Chrétienne, j'ai constaté que certaines personnes comprenaient le principe à la base des points concernés, mais sans faire vraiment preuve d'affection pour autrui; et puis d'autres débordaient d'affection, sans comprendre le principe en jeu ni comment l'appliquer. J'ai rarement trouvé chez la même personne l'union du principe et de l'affection. Ainsi, et je le regrette, il était souvent difficile pour ceux qui font les lois de parvenir à des solutions constructives, face aux exigences de l'État. Mes progrès spirituels ont en partie reposé sur une prise de conscience de l'importance de cette union entre la lettre et le tendre esprit de la loi.
Je suppose que vous parlez de l'unité du Principe et de l'Amour. En vivant en accord avec ces deux synonymes de Dieu, on voit mieux comment aider les autres.
C'est effectivement ce que je pense. J'ai dit un jour à mes élèves de l'école du dimanche: « Supposons que je place un plateau en argent au milieu de la table, devant vous, et que le plateau soit terni. Personne n'aime l'argent terni, aussi allons-nous le nettoyer. Emportons le plateau à l'atelier, et enlevons l'oxydation avec une meule. » Mes élèves se sont écriés: « Mais non ! » « Pourquoi pas ? » leur ai-je demandé. « Cela va abîmer l'argent. » Ils ont donc compris que nous étions davantage motivés par notre amour de ce métal précieux qu'est l'argent, que par notre aversion de la ternissure. On nettoie l'oxydation parce qu'elle masque les propriétés de l'argent pur, l'éclat de sa surface réfléchissante. En quelque sorte, on rend justice à sa beauté. Il faut donc faire attention à la façon dont on élimine ces taches qui recouvrent l'argent. Mais si l'on n'aime pas particulièrement ce métal précieux, il se peut qu'on nettoie le plateau en rayant l'argent. Cette analogie a plu à mes élèves, et elle est également très utile dans ma pratique.
Poussons un peu plus loin l'analogie: si l'on veut acheter un produit pour nettoyer un objet en argent auquel on tient, quelle est la première chose que l'on regarde sur l'étiquette ? Si le produit n'abîme pas l'argent ! On aime cet objet de famille et on ne veut pas l'endommager. Ainsi pour faire ce qui est juste, afin de préserver l'éclat et la qualité de l'argent, on s'assure d'abord que l'argent ne sera pas abîmé. En pareil cas, on privilégie « l'union de la justice et de l'affection », qui a le pouvoir de combler un désir juste.
La Bible propose une analogie similaire avec l'ivraie et le blé (voir Matthieu 13:24-30). Cette parabole de Jésus évoque une situation dans laquelle le bon grain, le blé, ou l'« argent », a été semé dans le champ d'un homme, autrement dit la conscience. Mais de mauvaises graines, l'ivraie, l'« oxydation », ont contaminé le champ. Les serviteurs veulent arracher la mauvaise herbe, mais le maître les en empêche. Il devine qu'ils cherchent surtout à arracher l'ivraie (le tort causé). Ces gens veulent que justice soit faite, mais manquent d'affection. Le propriétaire du champ leur demande en substance d'attendre le temps de la moisson, c'est-à-dire d'attendre que la mentalité non seulement sache faire la différence entre ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, mais qu'elle comprenne aussi comment se défaire de ce qui est injuste, en sauvant tout ce qui est juste sans causer de dommage. Les moissonneurs, eux, sont motivés par une véritable affection chrétienne. À mes yeux, cet état d'esprit résume bien la pratique de la Science Chrétienne. Aussi ai-je appris à attendre « la pensée du moissonneur », cette union de la justice et de l'affection, avant de traiter une situation. Comme je l'ai constaté, cette approche produit pleinement ses fruits.
Supposons qu'une personne vous appelle parce qu'elle a un problème — d'ordre affectif, financier, professionnel, familial ou physique. Comment faites-vous le lien avec la métaphore de l'argent pur ?
Eh bien disons que le voile d'opacité est l'image que le monde nous donne de nous-mêmes, les suggestions inharmonieuses qui nous défient. L'argent pur correspond au véritable état des choses, à l'œuvre magnifique de Dieu. La Science Chrétienne enlève ce voile d'opacité grâce à la prière. Ainsi que nous l'avons souligné, la prière peut se résumer à l'union de la justice et de l'affection: on s'attache à ce qui est vrai pour se défaire de ce qui est faux au sujet de la création de Dieu.
Aussi, lorsque je prie pour répondre à une demande d'aide, je m'attache simplement à cet argent pur, à l'identité véritable de l'homme en tant qu'enfant de Dieu. Je ne me laisse pas tromper par ce voile d'opacité qui essaye de me tromper et de m'amener à penser d'une manière différente. Une image ternie de l'homme n'a ni légitimité, ni identité, ni place dans le royaume infini du Principe divin, l'Amour. J'affirme aussi que la personne qui m'appelle partage ce point de vue libérateur.
Je me souviens que, lorsque j'étais moniteur d'une classe d'école du dimanche, j'ai mis un jour un masque sur le visage d'un élève, en disant aux autres: « Vous savez qui est derrière ce masque. Vous n'allez pas vous laisser tromper sur l'identité de votre camarade. » Ils l'ont bien compris !
La ternissure n'est donc rien d'autre qu'un masque, celui de la matérialité qui se fait passer pour notre identité. Mais cette vaine tentative ne peut nous toucher, elle ne se confond jamais avec l'argent pur de notre identité spirituelle. Quand on comprend ce qu'est Dieu et ce que nous sommes en tant que Son expression, et pour peu que l'on cultive cette compréhension, alors aucun masque paradant sous un aspect physique, affectif ou financier, ne peut nous faire croire à son apparence trompeuse, dissemblable à Dieu, dissemblable au bien. À la place, nous voyons une santé resplendissante, des capacités intactes, que le voile des fausses croyances ne saurait nous cacher. Dans cette lumière, le patient se voit, se reconnaît comme étant l'argent pur; et la perception erronée qui lui fait voir une identité ternie, ou qui lui fait croire qu'il est lui-même cette opacité, disparaît tout simplement. La pratique de la Science Chrétienne met en évidence le fait que nous sommes l'argent pur. Le film Pur sang — la légende de Seabiscuit raconte l'histoire d'un cheval de course qui risque d'être abattu parce qu'il a une grave blessure à une jambe. Mais un entraîneur qui adore les chevaux souhaite s'occuper de l'étalon, et il le rétablit. Là encore, je dirais que ce cheval était de l'argent pur, et que l'entraîneur l'avait bien vu. L'union de la justice et de l'affection a changé radicalement la situation et produit la guérison. Si nous appliquons à chaque situation ce même esprit de justice et d'affection concernant l'argent pur de notre identité ou de celle d'autrui, nous pouvons alors enlever toute opacité et connaître la guérison.
Je me souviens des scènes du film auxquelles vous faites allusion. C'est un bel exemple. Là où d'autres considéraient que la situation était désespérée, Tom Smith, l'entraîneur, s'est laissé guider par son amour et son intuition, et il a su comment s'y prendre pour guérir le cheval.
J'ai une autre question. Vous nous avez fait part de certains aspects de votre cheminement, en tant que scientiste chrétien, pour parvenir à maîtriser la science de la guérison, suivant l'exemple de Jésus, de ses disciples et de Mary Baker Eddy. Qu'avez-vous appris d'autre en chemin ?
J'ai appris pas mal de choses, mais je pourrais vous parler, par exemple, de Manuel de la Torre. Il était professeur de golf. Il a joué avec Ben Hogan, l'un des grands golfeurs américains du XXe siècle. Lorsque le prix du meilleur professeur de l'année a été créé, dans le cadre du championnat de la PGA (Professional Golf Association), il a été le premier à recevoir ce prix. Un jour où le jeune de la Torre revenait d'un tournoi de golf, son père lui demanda: « Comment était ton swing aujourd'hui ? » Il ne l'interrogea pas sur son score parce que cela ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il voulait savoir, c'était si Manuel appliquait la technique du swing [n.d.r: frappe de la balle] correctement. Celui-ci répondit: « Mon swing était très bon. » « Consacre toute ta vie à le perfectionner ! », lui dit alors son père.
Ce conseil, je me l'applique à moi-même, en tant que praticien: je dois perfectionner ma compréhension. C'est-à-dire parvenir au stade où rien ne peut affecter le cœur pur qui voit Dieu et l'homme tels qu'ils sont réellement. Au tout début de ma pratique, j'ai remarqué que lorsque j'étais fidèle à ce que j'avais appris en Science Chrétienne, fidèle à ma compréhension de la vérité, en général, la guérison suivait. Aussi ne faut-il pas sous-estimer cette fidélité. Et puis avec les années, j'ai appris que la fidélité implique notamment de parfaire notre compréhension, de la maintenir au plus haut niveau, de veiller à ce que rien ne puisse l'affecter. Bien sûr, comme au golf, je peux faire de très beaux swings à l'occasion, mais est-ce que je vais faire aussi bien à chaque fois ? Est-ce que quelque chose ne va pas mentalement m'empêcher de faire ce que je sais faire ?
John Madden, ancien entraîneur de football américain, a eu un jour l'une de ces remarques dont il a le secret et qui incitent à la réflexion: « Les joueurs amateurs s'entraînent jusqu'à ce qu'ils soient bons. Les joueurs professionnels s'entraînent jusqu'à ce qu'il leur soit impossible de ne pas être bons. »
Belle citation ! C'est certainement ce que voulait dire le père de Manuel de la Torre quand il conseillait à son fils de parfaire son swing. Manuel savait comment tenir le club de golf pour frapper la balle. Il ne pouvait pas faire mieux. Mais pouvait-il le faire tout le temps ? Quant à moi, je me pose cette question: Est-ce que j'apprends à me débarrasser de tout ce qui voudrait m'empêcher de refléter naturellement la justice et l'affection de Dieu ? Ou est-ce que je laisse obscurcir cette transparence, fermant la voie à la vraie lumière de la justice et de l'affection de Dieu qui enlève l'opacité et révèle l'argent pur ? Est-ce que je travaille à atteindre cette élévation où il ne me sera plus possible de commettre d'erreur ?
Voilà qui nous ramène à ce que j'ai appris au début de ma carrière de praticien. Pour résumer, ce n'est pas tant la mesure de nos progrès ou de nos connaissances que celle de notre fidélité — notre fidélité à la Vérité et à l'Amour, à Dieu — qui nous donne le pouvoir de faire le bien, le pouvoir de guérir. Quand j'étais tout jeune praticien et que j'étais fidèle, j'avais autant le pouvoir de guérir qu'aujourd'hui. À tout moment, cette fidélité à la Vérité et à l'Amour peut être totale et illimitée.
    