Il y a cinq siècles, un grand nombre d'Espagnols sillonnaient l'océan en direction des Amériques. Ils cherchaient El Dorado, ville légendaire censée recéler d'immenses richesses. Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, qui préfigura la naissance de l'Union européenne actuelle, l'Espagne même est devenue une nouvelle terre promise. Du fait de l'immigration, la population est passée de 40 à 44 millions depuis 2000.
L'Espagne est l'un des pays européens qui absorbent le plus grand flux d'immigrés. Beaucoup pensent avec inquiétude que ce n'est là qu'un commencement. Partout le pays se transforme sous l'influence de ce phénomène migratoire. Les mosquées, les églises évangéliques et autres lieux de culte poussent comme des champignons et changent le paysage religieux, culturel et physique. Il est difficile et pourtant indispensable d'intégrer dans le respect de leur identité ces centaines de milliers de personnes qui arrivent chaque année. Les politiques mises en place par les autorités pour canaliser un tel flot humain sont plus qu'insuffisantes. L'agitation sociale et les émeutes qu'a connues récemment la France font également partie de ces signaux d'alarme qui révèlent au grand jour les tensions qui s'accumulent en Europe.
Face aux incertitudes de notre époque, un grand besoin de clarté se fait sentir. Pour moi, comme pour de nombreuses personnes, le fait de comprendre qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui embrasse avec Son Christ toute l'humanité, permet de conserver une perspective claire et pleine d'espoir.
Sur quelles certitudes peut-on s'appuyer? Des choses merveilleuses sont en train de se produire parce que Dieu gouverne et qu'Il est sans cesse à l'œuvre dans notre existence quotidienne.
Ses bienfaits infinis sont destinés à chacun d'entre nous, que nous vivions dans notre pays natal avec l'intention d'y rester ou que nous ayons émigré depuis peu et soyons encore en quête de repères.
Pour un observateur de la scène économique, les ressources indispensables semblent limitées: pas assez de travail, pas assez de logements, pas assez de nourriture pour les populations affamées. Mais c'est ce qu'il semblait également aux disciples de Jésus, lorsqu'ils n'avaient que cinq pains et deux poissons à partager avec plusieurs milliers de gens. Pourtant, il leur fut prouvé qu'il y avait assez pour tous, car Jésus comprenait que le bien est illimité puisqu'il vient de Dieu, l'Esprit infinit (voir Matthieu 14:15-21). Comme Jésus, soyons certains que plus les invités à la table seront nombreux, plus les ressources se multiplieront. Selon un proverbe castillan, chaque enfant naît avec une miche de pain sous le bras, et cela est d'autant plus vrai que chacun est l'héritier de Dieu.
D'un point de vue spirituel, El Dorado se trouve là où est Dieu, là où nous Le rencontrons, où nous sommes conscients de Sa présence aimante et infinie. Lui-même en exil, Moïse en fit l'expérience lorsqu'il vit un buisson ardent dans le désert. Toute personne exilée loin de son pays natal peut savoir qu'elle vit dans la présence de Dieu. Quel que soit le pays, le sol sous nos pas est une terre sainte.
Comme dans les autres pays occidentaux, la population en Espagne vieillit. Le taux de natalité a baissé à un niveau très bas. Certains pensent que la survie de ce pays est menacée dans l'avenir. C'est pourquoi l'arrivée d'un si grand nombre de gens aux langues et aux accents différents, mais frères et sœurs dans la famille de Dieu, peut être considérée comme un don du ciel. Aujourd'hui, je constate que nos garderies et nos maternelles résonnent des rires innocents de jeunes enfants appartenant à toutes sortes d'ethnies. Comme l'écrit l'apôtre Paul: « Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu. » (Romains 8:28)
L'immigration aide à combler le vide laissé par les générations qui prennent aujourd'hui leur retraite. La nécessité de s'occuper des personnes âgées crée non seulement de nouveaux emplois, mais apporte de la chaleur dans les relations humaines. J'ai vu la crainte d'une vieillesse solitaire disparaître devant de nouvelles formes de communication pleine de tendresse. En outre l'économie des pays d'origine des immigrés peut bénéficier de l'argent que ceux-ci envoient à leur famille, par solidarité.
Nous avons malgré tout besoin d'une vision spirituelle plus profonde. Dans le royaume de Dieu, il n'y a aucune limite, et aucune frontière ne peut constituer un obstacle. La terre appartient à Dieu, et il n'existe aucun lieu où un seul de Ses enfants puisse être considéré comme un étranger. Dans la lumière du Christ, nous ne pouvons voir personne comme un intrus.
Au pays de Dieu, il n'y a pas de place pour le chaos. L'ordre règne. Le sachant, soyons certains que cette vérité doit forcément se refléter dans notre vie actuelle. Notre compréhension approfondie de l'amour de Dieu et de Ses dispensations constantes aidera les hommes politiques à proposer des lois justes et à mettre en place des politiques judicieuses qui permettront la circulation ordonnée et sans danger des enfants de Dieu. Il n'est pas écrit que la quête d'une place au soleil doit forcément être un nouveau chemin de croix.
En un sens, l'immigration a réveillé nos sociétés. Nous sommes nombreux à nous attrister des récits quasi quotidiens de ces tentatives ratées pour arriver en Europe par le détroit de Gibraltar, et nous nous réjouissons des trésors de solidarité et de bienveillance que révèle l'aide sincère apportée à de nouveaux réfugiés ayant traversé une mer dangereus dans de petites embarcations. Le fléau que sont la misère et la détresse ne se présente pas à nous pour susciter nos lamentations, mais pour être éliminé.
Avant d'obéir au commandement « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Luc 9:13), il faut lever les yeux et reconnaître tout ce que Dieu a déjà donné et qui reste seulement à découvrir. À partir de cette réalité spirituelle brillera la lumière nécessaire à chacun pour voir ce qui lui revient. Nous avons déjà tous notre place dans l'Amour infini, une place accessible sans compétition ni lutte.
