Je n'arrivais pas à y croire: j'étais attaquée en justice ! Étaient également mis en cause un collègue, et la banque pour laquelle je travaillais: selon toute apparence, l'un de nos clients nous rendait responsables des pertes qu'il avait subies sur le marché financier. On nous annonça que les auditions pour l'arbitrage pourraient durer jusqu'à une semaine entière.
Je reconnais que j'étais effrayée à l'idée de ce que pouvait contenir la plainte du client. Peut-être avions-nous involontairement commis une erreur pouvant causer un préjudice financier important à notre société, comme à nous personnellement, sans doute. Mais lorsque je me suis enfin décidée à lire les allégations du client, mes craintes s'estompèrent: il soutenait que mon collègue et moi-même avions intentionnellement commis une escroquerie à son égard et que nous devions être personnellement condamnés à une amende. Alors que je ne pouvais être certaine de n'avoir commis aucune erreur involontaire au cours des trois années pendant lesquelles il avait été notre client, je pouvais au moins être sûre que je n'avais jamais agi avec l'intention de nuire.
À ce moment-là, j'ai vu que j'avais deux options: j'avais le choix entre me mettre en colère ou, au contraire, être reconnaissante. Même si ce choix peut sembler étrange, il ne surgissait pas de nulle part. En effet, peu de temps auparavant, je m'étais trouvée impliquée dans une relation dont j'étais sortie blessée et pleine de colère, et avec toutes les raisons de l'être selon les personnes qui étaient au courant de cette situation. J'avais cependant pris conscience que de telles pensées ne pouvaient aboutir qu'à me faire du mal, à m'enliser dans les reproches et la colère, au lieu d'apporter une solution au problème. J'avais appris alors, non sans peine, qu'il valait mieux laisser la gratitude m'inspirer, même aux plus mauvais moments de ma vie. En refusant de me trouver des justifications et en faisant taire de façon persistante mes sentiments blessés grâce à ma gratitude envers Dieu, je m'étais sortie de cette situation.
J'ai donc, cette fois encore, décidé de me ranger du côté de la gratitude. J'ai vu que je pouvais trouver un intérêt sincère à l'arbitrage. J'étais reconnaissante de l'existence de dispositions réglementaires permettant de se faire entendre si l'on avait des inquiétudes au sujet d'une éventuelle malversation. J'étais reconnaissante, car je savais que, si jamais j'avais besoin d'une action en justice pour mon compte personnel, je bénéficierais également de ces dispositions.
Pendant près d'un an, tandis que le cabinet d'avocats de la banque constituait un dossier pour préparer notre défense, j'ai gardé ma pensée centrée sur Dieu et sur Sa bonté, au lieu de me laisser envahir par les soucis, la colère et la lassitude. Le fait de savoir que rien ne pouvait se mettre en travers du chemin de la loi divine, explique en partie le sentiment de gratitude dont j'étais remplie. Toutefois, je ne priais pas pour obtenir un résultat précis, je priais pour me sentir sûre et certaine que justice serait rendue, quelle que soit l'issue.
Environ une semaine avant l'audience, je reçus un appel d'un de nos avocats m'informant que mon nom avait été retiré des poursuites. Je devais encore être présente à l'audience en qualité de témoin, mais je n'étais plus considérée comme accusée dans l'affaire. L'avocat a ajouté que cela arrivait rarement.
La pensée de l'action et du pouvoir de la Vérité me remplit une fois encore de gratitude. Le sujet de la Leçon biblique Leçon biblique indiquée dans le Livret trimestriel de la Science Chrétienne de cette semaine-là était d'ailleurs la « Vérité » et, tandis que je l'étudiais, j'ai compris que le seul travail que j'avais à faire, c'était de témoigner en faveur de la vérité. Cette idée était très rassurante, d'autant plus que j'avais entendu dire par l'un de nos avocats que l'intention des plaignants n'était pas de révéler la vérité, car celle-ci ne pourrait que gâcher toutes leurs chances d'obtenir de l'argent. Leur rôle était de nous faire perdre nos moyens et de soulever un « doute raisonnable » quant à la version des faits fournie par la banque. La Leçon me montrait que ma peur de l'avocat de la partie adverse était sans fondement, car la substance de mon témoignage était solide et honnête. Je pouvais tranquillement proclamer la vérité, qui resterait claire et égale à elle-même pendant toute la durée du procès.
Le matin de l'audience, j'étais le premier témoin à être entendu. J'ai passé deux heures à répondre à des questions posées par notre avocat et par celui de la partie adverse. Après mon témoignage, notre avocat déclara que l'autre partie aurait du mal à s'en tirer, car j'étais vraiment très crédible. J'ai évité de me gargariser du succès de mon témoignage, mais il m'est venu à la pensée qu'être crédible, intéressante et sympathique aux yeux des juges était inhérent à la vérité. Cette idée m'a montré à quel point la vérité est puissante. Du fait qu'elle leur semble naturellement juste, les gens aiment à l'entendre. Et les juges qui finalement prononceraient la sentence y seraient sensibles.
J'ai passé le reste du procès à me concentrer sur le fait que le client en question était digne d'être aimé puisqu'il était la manifestation même de Dieu qui est l'Amour. C'est ainsi que je suis revenue à la leçon que j'avais apprise auparavant à propos de la gratitude, en éprouvant de l'amour, plutôt que le sentiment d'avoir raison et de la colère. J'avais découvert que la reconnaissance est vraiment l'expression de l'Amour. Il m'est d'ailleurs impossible de l'exprimer sans voir l'image de Dieu reflétée en chaque personne et dans toute situation. La gratitude nous permet de toucher à la plénitude de l'être de Dieu qui, à son tour, ne laisse aucune place à la colère et à la propre justification. J'ai prié pour bien reconnaître que notre client était capable de percevoir sa propre valeur, qui n'était cependant pas liée à la quantité d'argent qu'il possédait, ni à son statut social, mais plutôt à sa nature spirituelle. Maintenir cette vérité à la pensée rendait facile pour moi de ne pas lui en vouloir du tout.
Le procès a duré trois jours complets et à la fin, l'avocat du client en question a réclamé aux juges un million de dollars de dommages et intérêts. Notre avocat demandait qu'il n'y ait aucun dommage et intérêt et que toute mention de plainte soit effacée à la fois de mon casier et de celui de mon collègue. Avant la fin de la semaine, il a été établi que la banque ne devait rien payer et, verdict qui n'est pas souvent prononcé, les juges ont recommandé que la plainte soit totalement retirée de notre casier.
Cette expérience m'a appris que l'antidote de tout mensonge est l'exact opposé de ce mensonge: il s'agit d'exprimer la gratitude en face de l'ingratitude, l'amour face à la haine, la vérité face au mensonge. Je pense que cette pratique a eu pour effet de révéler que les allégations du client étaient des mensonges, sans nuire à qui que ce soit dans l'affaire. Nos avocats ont déclaré qu'il s'agissait d'une victoire totale. Je l'appellerais pour ma part, une complète guérison.