, avocate américaine qui s'intéresse à la spiritualité, travaille avec succès pour la protection des mineurs à Chicago. Eric Oyama, maquettiste pour le Héraut allemand, Der Christian Science Herold, s'est entretenu avec elle.
Le quatrième étage du 2245 W. Ogden Avenue à Chicago est un lieu fascinant. C'est l'adresse du Cook County Public Guardian – Juvenile Division [service de protection des mineurs]. Ce service compte environ deux cents employés. A peu près la moitié d'entre eux sont des avocats qui protègent les droits de plus de dix mille enfants de 0 à 21 ans.
Les journées n'y sont jamais monotones. Les avocats comme Heather Boehm sont au tribunal un jour sur deux et le reste du temps sur le terrain, rendant visite à leurs enfants-clients et évaluant les conditions dans lesquelles ils vivent.
Heather Boehm est entrée à la faculté de droit de Chicago en pensant se spécialiser dans le droit des entreprises et devenir très riche. Or au bout d'un an, elle a constaté qu'elle détestait cela et a envisagé d'abandonner. Puis elle est tombée sur un article du Chicago Tribune qui parlait du service de protection des mineurs, et elle a su que c'était là qu'elle voulait travailler.
Heather Boehm couvre une partie du quartier sud de Chicago. Lorsqu'elle n'est pas au tribunal, elle circule en voiture dans des zone peu sûres de Chicago ou « va sur le terrain » comme elle le dit elle-même. Elle aime mettre un visage sur le nom du dossier en cours. « Aller sur le terrain » consiste entre autres à aller voir où chaque enfant habite et se demander quelle est la meilleure décision à prendre pour lui.
« J'ai tout vu, de l'enfant torturé à l'enfant délaissé », dit-elle.
Elle désire avant tout protéger les enfants. « La sécurité est ma préoccupation première. Les enfants ont besoin d'être là où ils se sentiront aimés. »
Heather évoque un cas précis: Le tuteur avait renvoyé un enfant de sept ans chez son père. Plus tard, un appel téléphonique de l'hôpital avait signalé que le garçon s'était présenté devant le médecin avec d'étranges marques aux poignets. Le dossier a été réouvert et confié à Heather. Le père affirma que son fils avait joué avec des menottes en plastique et qu'il les avait serrées trop fort. Cela a paru bizarre à Heather. Lors d'un entretien avec le docteur, celui-ci lui a expliqué d'où venaient les marques sur les poignets.
« Cela m'a mise hors de moi. J'ai encore du mal à apaiser cette colère. »
Bien que le père s'en tienne à sa version des faits, Heather est bien décidée à se battre pour assurer la sécurité du petit garçon. Elle ne comprend pas que quelqu'un puisse vouloir faire du mal à un enfant.
« J'essaie constamment de voir le bien chez les gens, mais parfois j'en suis incapable, par exemple quand la sécurité d'un enfant de sept ans est en jeu. Ce qui est formidable dans mon travail, c'est que je représente des enfants. Ils sont innocents, ils n'ont rien fait de mal, et ce sont les êtres les plus merveilleux à représenter. »
Heather pense qu'il faudrait, entre autres, que les églises et les organisations à caractère religieux soutiennent davantage ce travail, et il faudrait que la ville lui apporte un plus grand soutien.
Quand les enfants deviennent adolescents, ils commencent à prendre des décisions eux-mêmes, et donc l'avocat, au lieu de choisir pour l'enfant, présente la requête de celui-ci. Heather explique ces deux rôles ainsi.
« Voici ce que je dis aux plus jeunes: je ne suis pas seulement ton avocate, je suis aussi ta tutrice ad litem [pour le procès], c'est-à-dire que je suis ta voix et que j'explique au juge ce dont tu as besoin. Et je dois faire ce qui est le mieux pour toi. Par exemple, tu pourrais me dire que tu veux aller habiter sur la lune, et moi j'irais devant le juge et je lui dirais que tu veux aller vivre sur la lune, mais qu'en tant que ta tutrice, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
« Cela devient plus difficile quand mon client est adolescent, mais ceux-ci font partie de mes clients favoris. Il arrive parfois que je sois la seule personne stable dans leur vie. Il y en a qui m'appellent tous les jours pour me demander des bons-cadeaux pour acheter des vêtements ou d'autres choses, en sachant très bien que je ne suis pas en mesure de les leur fournir. En réalité, ils appellent afin de s'assurer que quelqu'un est là pour eux et s'occupe d'eux.
« Je ne suis pas un mentor, mais je les encourage à finir leur scolarité et je vais à leur cérémonie de remise de diplômes, parce que souvent ils n'ont personne d'autre.
« En octobre 2000, je me suis occupée du cas d'un jeune fugueur. On l'a retrouvé en Floride avec sa mère et son frère. Puis leur mère avait décidé de revenir à Chicago, mais elle n'avait pas assez d'argent et elle a donc laissé les deux enfants à la gare routière. Le garçon a dit alors à la compagnie de car qu'il appartenait au service des mineurs et des familles de l'Illinois, et il a été renvoyé à Chicago [ville de l'Illinois].
« Je n'oublierai jamais ma première conversation téléphonique avec ce garçon. Il était 16 h 30. Il utilisait un langage grossier, disait qu'il ne voulait pas aller dans un foyer d'accueil et se demandait pourquoi tout le monde se mêlait de ses affaires. »
Heather s'est rendu compte que le garçon la testait et elle lui a parlé pendant deux heures et demie. Elle a continué de garder espoir à son sujet. Au cours des années qui ont suivi, ils ont eu des conversations sur la religion, la politique et d'autres sujets sérieux. Puis en mars dernier, elle a appris qu'il avait été incarcéré. Ce fut un moment de grand découragement.
« Je me suis vraiment demandé si je servais à quelque chose. »
“Ce qui est formidable dans mon travail, c'est que je représente des enfants.”
Mais en prison, le garçon a arrêté de boire, de fumer et a décidé de passer son diplôme de fin d'études secondaires. Il a appelé Heather pour lui confier qu'il voulait aller à l'université. Il l'appelait tous les jours, craignant de ne pas être reçu à son examen. Au mois d'octobre, il a eu ses résultats. Il était reçu. Heather avait toujours su qu'il en était capable.
Une autre fois, on lui a amené un bébé qui souffrait d'une brûlure que sa mère lui avait faite avec un fer à friser. Heather a obtenu que la mère soit privée de son autorité parentale et a aussi trouvé une merveilleuse famille d'accueil pour la petite fille.
« La famille d'accueil est formidable. Je reçois une carte de Noël tous les ans et un coup de fil de temps en temps pour me tenir au courant des progrès de l'enfant. La petite fille paraît vraiment s'épanouir. »
Il y a quelque temps, Heather a renvoyé des enfants chez leur mère car celle-ci avait suivi des cours d'éducation parentale. Peu après, l'un des garçon est devenu violent à l'école. La mère a appelé Heather qui a accepté de l'aider. Elle aimait beaucoup cette maman et elle trouvait qu'elle faisait de grands progrès.
Plus tard, le juge a décidé que la mère était capable de communiquer elle-même avec la direction de l'école sans avoir besoin de l'avis de la cour, et donc l'affaire a été classée.
« Je savais que je ne reverrais sans doute jamais plus cette maman, et cela m'a attristée. Puis, au milieu de la salle d'audience, la mère m'a prise dans ses bras et m'a embrassée. » Elle s'est tournée vers le juge pour lui dire en parlant de moi: « Elle est géniale ! » Depuis, la mère a pu s'entendre avec l'école pour que son fils reçoive l'aide dont il a besoin.
« J'emporte des dossiers chez moi. J'ai souvent passé des nuits blanches en me demandant si j'avais pris la bonne décision. Mais j'ai vu histoires histoires qui se sont bien terminées, et j'ai des nouvelles de la famille d'accueil, même après que l'affaire est classée. Certains enfants sont allés à l'université. Je suis très fière du travail que je fais. »
