Mon chef de service m'avait invitée à déjeuner chez lui. C'était un samedi. Un soleil hivernal inondait la cuisine où régnaient de délicieuses odeurs. Nous bavardions autour de la table. Sa femme s'était jointe à la conversation.
Bientôt les propos aimables que nous échangions se sont transformés en suggestions subtiles. Il s'est plaint de la politique appliquée dans l'entreprise. Il lançait des piques contre son supérieur hiérarchique. Il tentait de me faire douter des mobiles des autres. J'ai même senti une menace voilée: la possibilité de perdre mon emploi si je continuais de travailler sur certains projets. Tout cela était dit avec le sourire, sur le ton de la confidence amicale. C'était pour mon bien, parce que j'avais sa confiance, m'a-t-il fait comprendre. Je suis partie rassasiée et... consternée!
Sur le chemin du retour, je me suis mise à prier. « Père, que penses-tu de tout cela ? » Quel camp devais-je choisir? Si je n'entrais pas dans son jeu, ma carrière serait-elle compromise? En réalité, ces questions n'avaient pas grandchose à voir avec la prière. Je ressassais le contenu de la conversation en tournant en rond comme une cuiller dans une tasse à café. Cela ne me menait nulle part.
J'ai donc décidé de prier différemment. Au lieu de me concentrer sur le problème, je me suis intéressée aux mobiles. Qu'est-ce qui poussait cet homme à critiquer son chef et à tenter de me rallier à sa cause? Tout à coup la lumière a jailli. J'étais confrontée là au magnétisme animal. Forte de cette révélation, je savais comment agir.
Peut-être vous demandez-vous ce qu'est le magnétisme animal. Ce terme, qui s'est répandu au XIXe siècle, désigne toute tentative qui est faite pour hypnotiser ou influencer mentalement une personne. Mary Baker Eddy, théologienne du XIXe siècle qui a découvert la Christian Science, a utilisé le terme « magnétisme animal » pour décrire le mal sous toutes ses formes, y compris les influences mentales perturbatrices ou destructrices. Ce phénomène présente deux aspects: soit il repose sur l'ignorance, soit sur la malveillance. Mary Baker Eddy décrit ces deux aspects dans Science et Santé, le livre qui explique ce qu'est la Christian Science.
Le magnétisme animal ignorant est la croyance que la vie et l'intelligence sont matérielles et non pas spirituelles. Ceux qui subissent cette influence ont tendance à ignorer les choses spirituelles ou à être décontenancés par elles. Ce sont souvent des personnes qui voudraient penser et vivre de façon plus spirituelle, sans savoir comment s'y prendre.
Quant au magnétisme animal malveillant, il est égoïste, obstiné et enclin au subterfuge. Il sait ce qui est juste, mais trouve des excuses pour recourir à des moyens injustes afin de parvenir à son but. Une personne qui est sous l'influence du magnétisme animal malveillant fera passer ses intérêts personnels avant toute autre chose. Sous sa forme extrême, cette malveillance n'hésite pas à faire du mal aux autres quand cela sert ses propres intérêts. Elle voudrait amener autrui à penser que le mal est efficace et même utile.
Ce deux aspects du magnétisme animal ne doivent jamais être attribués à une personne, comme s'il s'agissait d'un diable personnel. Cependant, des personnes qui ne connaissent pas ces modes mentaux, ou qui choisissent de les ignorer, semblent en subir l'influence. Pour faire la distinction entre la personne influencée par le magnétisme animal et le magnétisme animal même, prenons comme exemple une certaine série télévisée américaine, « Hogan's Heroes ».
Placé dans un camp de prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale, le colonel Hogan, un Américain, recourt à des sortilèges et à la duperie pour berner un colonel allemand du nom de Klink. Hogan n'est pas le magnétisme animal. Mais il recourt à la ruse, à l'illusion, voire à la violence pour retourner la situation à son avantage, dans chaque épisode. Le colonel Klink ne semble jamais se rendre compte du fait que les flatteries sont destinées à le manipuler. Réduit à un comportement grotesque face à ses supérieurs, il ne sait que gémir d'un air pitoyable: « Hogan ! Hogan ! », lorsqu'il se rend compte qu'une fois encore il a été victime des suggestions de l'Américain. Un troisième personnage, le sympathique sergent Schultz feint, quant à lui, d'ignorer tout signe de subterfuge. Il s'écrie en fermant les yeux: « Je ne sais rien ! Rien du tout! »
Dans la réalité, personne ne voudrait ressembler à Schultz, à Klink ni même à Hogan. Qui aimerait ignorer le magnétisme animal, comme le sergent Schultz, ou en être victime, comme le colonel Klink? Et personne n'a vraiment envie de recourir à la mauvaise foi ou à la manipulation pour atteindre ses objectifs au lieu de s'appuyer sur l'intelligence et l'honnêteté.
Afin que personne ne devienne mentalement engourdi ou ne soit manipulé à son insu, Mary Baker Eddy a écrit plusieurs articles sur le magnétisme animal. Avant d'être invitée à déjeuner par mon chef de service, j'avais étudié l'article intitulé « De vaines méthodes » (The First Church of Christ, Scientist, and Miscellany, p. 210-213, voir le Héraut de janvier 1997). Ce texte m'avait appris à prier de façon spécifique au sujet de ce genre de manipulation. Tout d'abord, il est important de reconnaître ce qui est bon, car il faut savoir à quoi ressemble le bien avant d'entreprendre de défier le mal. Une phrase de l'article de Mary Baker Eddy m'a aidée à discerner la présence du bien à l'œuvre: « Les fruits naturels de la guérison par l'Entendement dans la Christian Science sont l'harmonie, l'amour fraternel, la croissance et l'activité spirituelles. » Lorsque ces éléments sont présents, le bien afflue en abondance. L'absence de l'un ou de plusieurs d'entre eux est un signal d'alerte qui nous prévient que l'action naturelle du bien risque d'être entravée par l'une des formes du magnétisme animal.
Une fois que l'action du bien est identifiée, à quels signes reconnaît-on une influence malfaisante ? Mary Baker Eddy en indique quatre: le magnétisme animal paralyse le bien, il rend le mal actif, il amorce la dissension et engendre l'envie et la haine. Comme elle l'écrit dans son article: « L'objectif malveillant du pouvoir-entendement perverti, ou magnétisme animal, est de paralyser le bien et d'activer le mal. Il fait naître des factions et engendre envie et haine... » J'ai constaté que ces signes révèlent une influence mentale négative cachée, de même que les empreintes de pas sur un sentier apparemment désert témoignent du passage de quelqu'un. Il est plus facile de reconnaître les « empreintes » d'une manipulation mentale lorsqu'on cesse de chercher une personne, pour s'intéresser aux signes mentaux laissés en chemin.
Si le bien hésite à agir, si le mal se justifie et se défend au nom du bien, s'il divise et met à mal une organisation, un service, une amitié, ce sont là les signes d'une influence mentale négative à l'œuvre.
Une fois discernée, l'influence mentale négative perd tout effet de surprise. Si le colonel Klink avait refusé d'écouter les suggestions du colonel Hogan et s'était montré moins coopérant, la série aurait pris fin. C'est pourquoi le scénario que le mal essaye de mettre en scène sur un lieu de travail, dans un foyer, ou ailleurs, prend pour ainsi dire fin lorsqu'une suggestion est reconnue pour ce qu'elle est précisément: rien d'autre qu'une suggestion malfaisante.
Quand on a dévoilé la tentative du mal qui cherche à perturber la pensée, il est important d'entreprendre une action positive. Mary Baker Eddy énonce trois actions positives: « ... ceux qui sont les amis les plus loyaux de l'humanité, consciencieux dans leur désir d'agir avec droiture et de mener une vie pure et chrétienne, devraient montrer plus de zèle à faire ce qui est bon, être davantage sur leurs gardes et vigilants. »
Une fois discernée, l'influence mentale négative perd tout effet de surprise.
« Montrer plus de zèle à faire ce qui est bon. » Le zèle a deux sens. La définition la plus élevée, la plus spirituelle, donnée dans le « Glossaire » de Science et Santé est la suivante: « L'animation reflétée de la Vie, de la Vérité et de l'Amour. » (p. 599)
L'activité énergique de la Vie divine, exprimée individuellement, neutralise la tentative de paralyser le bien. L'humble prière du Christ, la Vérité, met un terme aux mensonges qui divisent, et unit les individus dans la confiance et la coopération. La tendresse et la grâce de l'Amour divin éliminent l'envie et la haine dans le cœur. Le fait de consacrer tous ses efforts à exprimer la Vie, la Vérite et l'Amour divins n'implique pas des efforts excessifs ni le recours à la volonté humaine. C'est l'humain qui reflète le divin, et cette réflexion apporte la guérison et transforme notre existence.
Être « davantage sur ses gardes et vigilant » peut sembler redondant, mais cette redondance n'est qu'apparente. Être sur ses gardes peut signifier guetter les occasions qui se présentent, alors que la vigilance met l'accent sur la sensibilisation au danger. Pour moi, il s'agit là de deux approches complémentaires de la vigilance. Être sur ses gardes, c'est comme se tenir devant la porte d'entrée principale d'une maison, à l'affût des occasions d'être bon et de faire le bien. Être vigilant, c'est monter la garde près de la porte de derrière afin qu'aucune influence subtile du mal ne puisse entrer incognito. De cette façon, notre foyer mental est en sécurité.
Pour en revenir à ce déjeuner avec mon ancien chef, je n'ai jamais suivi ses suggestions. Je me suis efforcée de trouver des solutions pour les projets qui étaient au point mort, en travaillant plus étroitement avec mes collègues. Les personnes dont il m'avait conseillé de me méfier se sont avérées très coopératives. Les projets ont été menés à bien sans retard, dans une bonne ambiance de travail. A la suite d'une réorganisation cette année-là, je me suis retrouvée dans un autre service.
Le respect scrupuleux de ces trois étapes – reconnaître le bien, discerner les signes du mal et neutraliser l'influence du magnétisme animal – est un moyen efficace de couper court au scénario du magnétisme animal et d'accéder à la sérénité dans le cadre d'une existence plus spirituelle.