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Article de couverture

“La violence ne fait jamais avancer les choses”

Tiré du Héraut de la Science Chrétienne d’août 2003


Comment l'ancienne terroriste néo-nazi, a découvert une nouvelle vie et des objectifs pacifiques.

Certains y voient comme un passage obligé de l'existence. Quand on est adolescent (et parfois même plus tard), on cherche à répondre à des questions fondamentales qui reviennent à se demander: « Qui suis-je ? » On a écrit des volumes entiers sur le sujet de l'identité, un nombre incalculable de films en ont parlé. En général, nous nous définissons surtout à partir de ce qui nous influence et des décisions que nous prenons. La recherche de son identité a d'abord entraîné Christine Hewicker dans les ténèbres du terrorisme néo-nazi et des activités criminelles. En prison, alors qu'elle était remplie d'amertume, quelque chose d'invisible mais de très tangible l'a touchée, peut-être même avant qu'elle soit prête à demander de l'aide. Annette KreutzigerHerr, musicologue et auteur berlinoise, a interviewé Christine. A l'issue de l'entretien, Annette a dit de Christine qu'elle est « ouverte et d'une merveilleuse honnêteté, voire même d'une honnêteté impitoyable envers elle-même ».

Christine, parlez-moi de votre enfance.

J'étais la seule fille et la cadette d'une joyeuse famille de six enfants. Mes frères et mes parents m'aimaient beaucoup. Quand j'étais petite, je ne pouvais rien admettre sans poser des questions. La justice, l'injustice, notre univers, la vie sont des sujets qui m'ont intéressée très tôt. Pourquoi certaines choses arrivent-elles ? Pourquoi les gens souffrent-ils ? Pourquoi y a-t-il des guerres ?

Comment êtes-vous entrée en contact avec le terrorisme malgré cette base solide ?

Le NDP (un parti néo-nazi actif en Allemagne) est entré dans ma vie quand j'avais quatorze ans environ. J'ai rencontré là des personnes qui faisaient quelque chose pour améliorer les conditions d'existence des gens, ou du moins c'est ce que je croyais. J'aimais me sentir unie à d'autres personnes, et cela me faisait très plaisir d'être admise dans un groupe dont les membres étaient surtout des hommes. Je ne m'étais pas rendu compte que j'avais perdu toute autonomie. Je me croyais totalement maîtresse de la situation, mais je plongeais dans des activités illicites. J'ai fermé les yeux sur la propagande nazie afin de faire partie du groupe et de participer à ce qui me semblait être de bonnes entreprises.

Comment êtes-vous devenue terroriste ?

Nous suivions une formation. Nous avions des cours généraux et des cours particuliers. Et ce qu'on nous disait surtout, c'est que la démocratie en Allemagne était factice, qu'elle ne deviendrait jamais une vraie démocratie à moins que nous ne commencions une lutte armée contre elle. J'ai été condamnée à plusieurs reprises pour incitation à la violence et dégâts matériels, et je me suis évadée du centre de détention pour mineurs où j’étais incarcérée. Je me suis impliquée de plus en plus dans des activités délictueuses, et un mandat d’arrêt international a été lancé contre moi pour m’être engagée dans diverses activités illicites, avoir appartenu à une organisation criminelle et avoir enfreint les lois allemandes sur le port d’armes.

Je me suis enfuie en France avec mon mari et des amis où, dans la clandestinité, nous avons préparé une lutte armée contre les institutions gouvernementales européennes et contre les institutions américaines en Allemagne. Nous avions besoin d’argent pour ces projets et nous nous sommes mis à dévaliser des banques. Lors de l’un de ces vols à main armée, une fusillade a éclaté entre nous et une énorme troupe de policiers. Deux terroristes ont été tués et un policier a été gravement blessé. Nous avons finalement été arrêtés en 1981 par une unité anti-terroriste de Belgique. Un complice nous avait trahis en informant les autorités de l’endroit où nous nous cachions. J’ai été incarcérée en Belgique et finalement extradée en Allemagne.

En lisant votre autobiographie, j’ai trouvé particulièrement bouleversant tout ce que vous avez vécu là.

Oui, c’est une période de ma vie qui a été extrêmement difficile. J’étais absolument persuadée que le système avait tort et que j’avais raison. J’en étais venue à avoir de la haine pour tout et pour tout le monde. Mon procès a été très pénible. Il a duré cinq mois au bout desquels j’ai été condamnée à six ans de prison. Je me sentais extraordinairement fière, mais en même temps très peu sûre de moi. En prison, j’ai été condamnée à l’isolement.

Cet isolement vous a-t-il permis de vous apaiser, de réfléchir ?

Pas du tout. J’étais seule avec ma rage, ma haine qui n’ont fait que grandir chaque jour un peu plus. J’étais emprisonnée, mais j’éprouvais le besoin de continuer ma lutte contre la démocratie allemande. J'ai cru voir se confirmer mon opinion sur le manque de démocratie dans mon pays et je trouvais que j’avais même de bonnes raisons de me battre contre le système. Pour survivre quand vous êtes dans cet isolement forcé, il est essentiel que vous preniez du recul par rapport à ce que vous ressentez et par rapport à vos problèmes. Je me suis rendu compte de cela très vite. Par conséquent, mon pire ennemi, c’était ma faculté de penser. Alors j’ai arrêté de penser, littéralement. Je me suis mise à fixer du regard la porte de ma cellule. J’ai fini par supporter de ne pas pouvoir passer la main par les barreaux de la minuscule fenêtre qui avait été obturée par une moustiquaire noire. Aujourd’hui, j’entends toujours le cliquetis des clefs des gardiens et le silence si absolu qu’il en était anormal, rompu de temps à autre par les hurlements de prisonniers dans d’autres cellules. Silence lugubre, hurlements lugubres.

Quand je suis sortie de l’isolement, au bout de quatorze mois, j’ai été choquée par la peur que m’inspiraient les gens. Je n’étais pas capable de parler normalement, d’agir normalement ni de communiquer avec les autres. J’étais devenue solitaire et j’allais le rester pendant longtemps encore, pendant des années après avoir été libérée.

Vous avez montré que vous étiez capable d’une grande discipline, à votre façon, par exemple lorsque vous avez entrepris des grèves de la faim. Pourquoi avez-vous fait cela ?

J’ai commencé la première grève de la faim parce que je voulais revoir mon mari. La deuxième avait des raisons politiques: j'avais vu en rêve des gens se faire tuer au cours d’un horrible massacre. Je me suis réveillée en nage, ayant eu l’impression d’avoir assisté à une tuerie. Ce matin-là, on parlait à la radio du massacre de Sabra et Chatila, dans Beyrouth-Ouest. Cela se passait en septembre 1982. Des camps de réfugiés ont été rasés alors que les gens vivaient sous des tentes. J’ai écrit une lettre au parlement allemand où j’annonçais que j’allais entamer une grève de la faim pour une durée indéterminée, et où j’expliquais que je protestais ainsi contre ce massacre et le soutien que le gouvernement allemand apportait au gouvernement israélien qui avait laissé le massacre se perpétrer. J’ai signé ma lettre « un membre de l’armée de libération anti-impérialiste d’Allemagne ».

Comment s’est terminée cette grève de la faim ?

Je ne m’imaginais pas que ma grève de la faim allait bouleverser le monde, mais d’un autre côté, je ne pouvais pas me contenter de regarder et d’écouter passivement pendant que des gens sans défense se faisaient massacrer. Sur ce point, je n’ai pas changé. Au bout d’un mois, on m’a forcée à m’alimenter et j’ai terminé ma grève de la faim ce jour-là, totalement démoralisée.

Je me suis rendu compte que Dieu avait été avec moi tout le temps. Il ne m'avait jamais laissée seule.

Apparemment, votre façon de voir les choses a très peu changé pendant que vous étiez en prison. Or, dans votre livre, il y a un chapitre qui s’intitule « Début du changement ».

Après ma libération, je suis entrée en contact avec la Christian Science. Mais je me suis rendu compte depuis, avec le recul, qu’avant cela déjà je n’avais pas été seule. J’avais eu le sentiment de vivre dans un immense trou noir, mais un ange envoyé par Dieu m’a tendu la main. Quelque chose en moi m’a fait réfléchir et m’a poussée à commencer une nouvelle vie remplie d’amour. Un ange était là. En tout cas, c’est comme cela que je l’ai vu plus tard. Et cet ange avait un nom: Fritz Gleismann. C’était un juge de la cour suprême de Bavière. Il est décédé trois ans après ma sortie de prison.

Comment vous êtes-vous confiée à cet homme ?

Vous savez, à cette époque, je haïssais tout le monde. J’injuriais, j’aggressais toutes les personnes que je rencontrais et je leur crachais dessus: les gardiens, les procureurs et les juges. Je mentais à tout le monde. Or, quand j’ai rencontré ce juge pour la révision d’une détention provisoire, j’ai été impressionnée. Je ne pouvais me permettre la moindre émotion ceci dit, alors je l’ai insulté encore davantage et je refusais d’écouter ce qu’il avait à me dire. Mais un combat intérieur indescriptible avait commencé en moi, et, un jour, après l’avoir menacé et injurié, je lui ai écrit pour m’excuser de ce que je lui avais dit. J’ai donné cette lettre à un gardien très vite, parce que je regrettais aussi profondément de l’avoir écrite. Comment pouvais-je avoir fait une chose pareille ? Comment pouvais-je avoir admis que j’avais tort et que j’étais faible ? Je ne me pardonnais pas d’avoir écrit cette lettre. D’autres regrets et d’autres lettres d’excuse ont suivi, et le temps qui s’écoulait entre chacune de nos rencontres s’est raccourci.

Qu’est-ce que ce juge avait de spécial ?

Il était très calme et semblait comprendre que j’étais profondément troublée. Là où d’autres voyaient une terroriste à laquelle on ne pouvait pas parler, il a manifestement vu quelque chose de différent. Il a vu en moi un bon côté qui était endormi mais qu’il fallait réveiller, et il m’a donné le sentiment de ne pas être seule. Il feignait d’ignorer les insultes et ne s’en offensait pas. Il me disait simplement qu’elles n’étaient « pas objectives ». Je ne me reconnaissais plus et je commençais à me demander si je n’avais pas tort après tout. Pour la première fois de ma vie, je me suis mise à penser. Et je me suis rendu compte à quel point mes actes avaient très peu à voir avec la vie réelle, avec l’amour réel. A un moment donné, le juge m’a dit: « Ce qui fait la différence entre les gens, ce n’est pas la nature de leurs échecs, mais la façon dont ils réagissent à l’échec. »

Savoir que les choses ne sont pas telles que nous les percevons, ce n’est pas rien. Quelle influence cela a-t-il eu sur votre vie ?

Cela a calmé la tempête intérieure et m’a incitée à méditer et à réfléchir profondément. Cela m’a aussi éloignée de mon mari et du groupe. Mon mari et moi avons fini par nous séparer alors que j’étais encore en prison. Je l’avais beaucoup déçu parce qu’il pensait qu’on m’avait fait « retourner ma veste ». Mais mon indépendance grandissante et ma nouvelle liberté avaient plus d’importance pour moi que les attaches du passé. Cependant, j’étais extrêmement troublée de me voir sous ce nouveau jour. Je me suis mise à me haïr et j’ai tenté de me suicider. Cette période a été la plus difficile que j’ai passée en prison. La dépression et la tristesse se sont abattues sur moi. Afin de donner une voix à ces sentiments, j’ai commencé à écrire des poèmes, parce que je ne pouvais pas parler de ce que je ressentais.

Cette nouvelle compréhension a aussi eu un impact sur mon existence d'une autre façon. J’ai senti que le juge et d’autres gens (notamment l’aumônier) me soutenaient, et à mon tour j’ai soutenu les gens faibles et sans défense, autant que je pensais l’avoir fait avant, mais cette fois-ci de façon chrétienne. Chaque fois que des gens étaient maltraités, qu’il y avait des menaces ou des tabassages, j’allais aider les victimes avec amour et compréhension. J’ai appris que c’est l’amour qui permet d’aider le genre humain, non la violence.

Que s’est-il passé après votre libération ? Comment avez-vous repris une vie normale ? Depuis l’âge de quatorze ans, vous aviez presque constamment vécu dans la clandestinité ou en prison.

Trois ans après ma libération, je me suis remariée et j’ai eu depuis deux enfants. Je me suis intégrée dans la société et je me suis efforcée de voir ce qu’il y avait de bon chez les autres, de les aider de façon désintéressée et de réagir avec amour. J’ai compris que j’avais une place à occuper dans l’existence, que j’avais des choses à faire qui en valaient la peine, que je pouvais être au service de l’humanité.

Alors que je m’efforçais de reconstruire une existence en liberté, je suis entrée en contact avec la Christian Science, et j’ai trouvé un foyer pour mon cœur qui s’interrogeait, un lieu où je pouvais faire face à mon passé de manière constructive. J’ai demandé à devenir membre d’une filiale de l’Église du Christ, Scientiste, et j'ai été admise. J'ai obtenu des guérisons physiques par la prière et j'ai commencé à trouver une réponse à mes problèmes mentaux et psychologiques. Je me suis mise à étudier la Bible et Science et Santé. J'aime aussi profondément l'Hymnaire de la Science Chrétienne. Voici l'un de mes cantiques préférés:

Chasse, ô rêveur, tes songes
de souffrance,
Ouvre les yeux, voici la liberté !
Chante, captif, le Christ vers toi
s’avance,
Brisant les fers de tous les
prisonniers !
(n° 202)

Ce cantique m’a aidée à me redresser et à avancer vers une existence normale.

Vous a-t-il été difficile de vous pardonner votre passé ?

Oh oui ! Sans doute la chose la plus difficile que j’ai jamais eue à faire. J’ai dû me trouver puis me pardonner. J’ai pris conscience du fait que j’ai passé plus de dix années remplies de haine et de rage. J’avais voulu tuer et détruire. Encore aujourd’hui, je ne suis pas capable de me pardonner tout ce que j’ai fait. C’est tout un processus. Ceci dit, à ce moment de ma vie, je suis infiniment reconnaissante à Dieu qui m’a protégée contre la possibilité d’éliminer une vie humaine.

En quoi comprendre Dieu vous a aidée à voir votre existence sous un nouveau jour ?

Quand j’étais enfant, j’aimais Dieu. J’avais été impressionnée par la bonté de Jésus et j’avais voulu lui ressembler. A l’époque où mon désir de faire le bien s’est fourvoyé, ce lien avec Dieu était toujours là, même si je ne l’admettais pas. Vers la fin de ma détention, cependant, j’avais commencé à prier. Je me suis rendu compte que Dieu avait été avec moi tout le temps. Il ne m’avait jamais laissée seule.

Quand vous considérez votre vie passée, que pouvez-vous dire aux jeunes en particulier ?

Si des jeunes ne parviennent pas à se rattacher à une foi ou à une autre, je leur dirais de se fixer des buts positifs dans la vie. S’efforcer d’aider les autres, soutenir des organisations qui défendent des causes justes comme les droits de l’homme, mais sans employer la violence, comme des associations qui défendent l’environnement, les droits des animaux, etc. La violence ne fait jamais avancer les choses, et même des pensées qui acceptent la violence devraient être niées et rejetées.

Que faites-vous aujourd’hui ?

Plusieurs années après ma libération, j’ai éprouvé le besoin de revoir le procureur qui s’était occupé de mon affaire pour lui dire combien je regrettais. Il a été ravi de me voir et m’a aidée à écrire mon autobiographie. Je voulais vraiment faire quelque chose. J’ai décidé de dénoncer publiquement les buts que je m’étais fixés autrefois et de travailler activement contre les groupes terroristes et leurs activités. Je fais cela en m’exprimant publiquement. Je parcours l’Allemagne, je vais là où on m’invite. Mon objectif est d’empêcher les jeunes de commettre les mêmes erreurs que moi. Au début, j’avais peur. Je craignais de ne pas trouver les mots qu’il fallait. J’avais aussi peur d’actes de vengeance de la part d’anciens complices, et il m’était très pénible de devoir confesser devant des inconnus mes motivations et mes sentiments les plus personnels. Mais j’ai prié et j’avais le soutien d’une praticienne de la Christian Science. J’ai pris conscience de la vérité de ce passage des Psaumes: « Tu m’entoures par derrière et par devant, et tu mets ta main sur moi. » (Ps. 139:5)

Vous souvenez-vous de votre première apparition en public ?

Oh oui ! Pour aller à ma première conférence, j’ai dû passer huit heures dans le train et, là, j’ai prié et j’ai lu la Bible et Science et Santé. J’imaginais ce qui se passerait si Jésus s’asseyait juste à côté de moi, sur la scène, et s’il prenait ma main et me murmurait à l’oreille ce que je devais dire. Eh bien, figurez-vous qu’à mon arrivée, il y avait une table et deux chaises sur la scène. Pour le public, la deuxième chaise est restée inoccupée, mais pour moi le Christ se tenait à mes côtés. L’anxiété, la peur, le manque de confiance en moi, tout cela a disparu. J’avais devant moi des visages curieux, ouverts. Je n’ai ressenti aucune résistance et je me suis sentie enveloppée de l’amour de Dieu.

Toutes mes causeries sur la haine et la violence se déroulent dans l’harmonie et sans aucun incident négatif. Les policiers qui m’accompagnent pour me protéger ont ainsi la possibilité de se détendre et d’écouter ce que j’ai à dire. Les réactions des gens et les articles qui suivent dans les médias me montrent que j’ai trouvé un bon moyen de me racheter de mes erreurs passées et de travailler pour le bien de l’humanité.

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