Val Kilmer est considéré comme l’acteur de sa génération aux talents les plus divers. Après avoir étudié l’art dramatique à Juilliard School, à New York (où il a été l’élève le plus jeune jamais admis), il a entamé une carrière d’acteur variée et brillante au théâtre et au cinéma. Il a tourné dans des films comme Batman Forever, Le Saint, The Ghost and the Darkness, Tombstone, Les Doors, Top Gun et At First Sight qui est sorti il y a six mois aux États-Unis. Il prête également sa voix à Moïse, dans le dessin animé, Le prince d’Égypte, sorti sur les écrans à Noël dernier. Il y a quelques mois, le Christian Science Sentinel a demandé à M. Kilmer de lui confier ses impressions sur l’interprétation du rôle de Moïse.
Channing Walker: A maintes reprises, l’histoire de Moïse a servi de thème à des films, des livres, etc. Nous ne semblons jamais nous en lasser. Pourquoi les spectateurs d’aujourd’hui continuent-ils à lui accorder de l’importance ?
Val Kilmer: L’histoire en elle-même est très humaine, elle comprend également des miracles extraordinaires. J’ai toujours aimé cette histoire, depuis que je suis tout petit. Elle est porteuse de tant d’espoir. D’un côté, Moïse tue un homme. Que pouvait-il y avoir de pire ? Pourtant, grâce à sa profonde humilité, à sa sincérité et à sa recherche de la vérité, il lui est donné d’accomplir la tâche la plus grandiose de son époque. Mary Baker Eddy a écrit une phrase merveilleuse et très instructive: « Moïse amena un peuple à adorer Dieu en tant qu’Esprit, non en tant que matière, et il mit en lumière les sublimes capacités humaines de l’être conférées par l’Entendement immortel. » (Science et Santé, p. 200) J'aime beaucoup l’histoire de Moïse pour cette raison. C’est un homme profondément honnête; il cherche la vérité avec tant de sincérité. Je pense que c’est de cela que l’histoire de Moïse tire son pouvoir.
C. W.: Vous avez mentionné l’une des fautes qu’il a commises. Avait-il la faculté de ne pas laisser ses erreurs faire échouer sa grande mission ?
V. K.: La passion lui a attiré des ennuis. Elle l'a conduit à tuer un homme. Pourtant, il a accompli une chose bien plus grande que tout ce qui a été fait à notre époque moderne. Ce que Moïse a réalisé en libérant son peuple est déjà un exploit extraordinaire. Or, même au moment de recevoir la révélation des Dix Commandements, il est toujours cet homme passionné. Il se met en colère au point de briser les tables de la loi ! Son propre peuple l’a laissé tomber, et il détruit les tables par désespoir. Puis il se remet au travail.
Dieu vient à lui une fois de plus et pratiquement lui dit: « Je vais devoir les réécrire ! » Et c’est ce qu’il fait, et Moïse reprend le travail. Il essaie une fois encore. C’est une grande force dans l’historie de Moïse. Il semble que Moïse devait toujours mener une lutte intérieure pour se maîtriser, pourtant il s’est accroché. Il n’a pas abandonné.
C. W.: On pourrait sans doute considérer que Moïse fut l’un des premiers personnages historiques qui dut travailler à son salut publiquement. Il aurait peut-être aimé garder ses fautes secrètes. Dans notre société abreuvée d’informations, un grand nombre de personnalités, notamment d’hommes politiques, ressentent sans doute la même chose. Pensez-vous qu’il est possible de tirer de la vie de Moïse une leçon à l’intention de ceux qui dovient travailler à leur salut sur la place publique ?
V. K.: Oui, pendant la première partie de son existence, il a vécu d’une façon qu’aucun Égyptien moyen ne pouvait même envisager. Vivre dans le palais royal, être traité comme un prince, être le fils adoptif de la fille de Pharaon. Il est élevé dans un environnement dont il est pratiquement impossible d’imaginer les nombreux privilèges. Puis, de ce rang le plus élevé de la société, il descend toute l’échelle sociale pour devenir berger. Il y a une leçon à tirer de la façon dont il a progressé au cours de cette période qui lui a appris l’humilité, et qui lui a fait prendre honnêtement conscience de qui il était. Il lui a fallu un courage extraordinaire pour sortir du désert — pour quitter Madian et retourner en Égypte — afin d’aider son peuple.
J’ai toujours un peu hésité à suivre la recommandation de Mary Baker Eddy: « ... de sortir du monde matériel et de s’en séparer. » (Science et Santé, p. 451.) Il peut se passer tant de choses lorsque vous prenez position, lorsque vous essayez de vous séparer de la foule. La tentation insiste: « Arrête d’avoir confiance ! » Pourtant, c’est à ce moment-là qu’il faut redoubler d’effort pour garder confiance.
Je suis sûr que c’est en partie ce qui est venu à l’esprit de Moïse alors qu’il progressait et devenait un leader. Il ne pouvait pas apporter de preuve tangible à Pharaon ni à son propre peuple. Tout ce qu’il avait, c’était un bâton, mais ce bâton était un symbole du pouvoir dont il avait compris la nature — une façon d’apporter la guérison qui l’accompagnait toujours. Il n’a pas donné un point de vue politique ni offert une interprétation. Au contraire, son autorité provenait de ce qu’il incarnait; c’est ce qui a réveillé le peuple, ce qui l’a impressionné.
C. W.: Je sais que vous étudiez la Bible, l’Ancien et le Nouveau Testament. Avez-vous essayé d’apporter à ce personnage de l’Ancien Testament un peu de ce que vous comprenez du Nouveau Testament ?
V. K.: Oui, bien sûr. On s’en rend compte dans la manière dont l’histoire est racontée dans Le prince d’Égypte. La biographie de Moïse n’explique pas les miracles, mais parle plutôt de ce qui est lié aux miracles, la prise de conscience et la certitude de la possibilité de la guérison. Moïse renouvelle constamment sa foi. Lorsqu’il part à la recherche de la Terre promise, par exemple, sa foi provient forcément de la confiance qu’il a dans ce qu’il ne voit pas (voir Hébr. 11:1). Et cela lui a permis d’être ce leader dont il ne semblait pas avoir les qualités au départ. En d’autres termes, il n’a pas développé la faculté d’être un leader à partir de dons humains. La Bible nous dit par exemple, qu’il n’avait pas « la parole facile » (Ex. 4:10). Je ne pense pas que nous sachions exactement s’il souffrait d’un défaut d’élocution ou s’il ne savait pas s’exprimer clairement. Il était peut-être extrêmement timide. Néanmoins, quelle qu’ait été la nature de ce problème particulier, Moïse a triomphé par sa foi en Dieu.
C. W.: Dans un film qui relate un récit religieux, on se demande souvent comment rendre la voix de Dieu. En ce qui concerne ce film, je crois qu’on a abordé la question avec créativité. Pourriez-vous nous en parler ?
V. K.: L’idée de départ consistait à rendre la voix de Dieu par une myriade de voix différentes c’était une excellente idée, mais cela n’a pas marché d’un point de vue dramatique. C’était déplaisant à l’oreille. Il sont alors revenus à la théorie théologique très solide que Dieu vous parle d’une voix que vous pouvez entendre ou comprendre. Ils m’ont alors demandé de venir enregistrer la voix de Dieu.
C. W.: C’est donc comme si, en entendant la voix de Dieu, Moïse entendait sa propre voix ?
V. K.: Ce n’est pas exactement la voix de Moïse, mais c’est un son qui lui est familier. J’aime beaucoup cette idée.
C. W.: Au cours de votre carrière cinématographique, vous avez incarné des chanteurs rock, des chasseurs de lions, un justicier revêtu d’une cape et d’un costume de chauve-souris et même un saint. Y avait-il quelque chose d’unique dans l’incarnation d’un personnage biblique ?
V. K.: Tout était unique. Ce qui était surtout dû à l’histoire. Moïse est un personnage central pour les musulmans, les chrétiens et les juifs. Je supposais qu’un « expert » allait essayer de politiser le récit en disant: « Voilà comment il faut réellement raconter l’histoire. » Personne n’a fait cela. La façon dont nous avons raconté l’histoire a reçu une approbation pratiquement universelle.
La maniére dont Jeffery Katzenberg, le réalisateur, a abordé le film était très courageuse. Il a réuni d’excellents narrateurs, toutes sortes d’artistes (plus de cinq cents personnes) pendant quatre ans. Au cours de cette période, il s’est entretenu avec des dizaines de leaders religieux venus d’horizons divers. Durant ce processus, quelque chose m’a réellement impressionné. Jeffery m’appelait après avoir eu un entretien avec l’un de ces leaders religieux, qu’il soit musulman, chrétien ou juif. J’étais très touché par le fait qu’il me communiquait l’idée nouvelle que cette personne avait apportée. Cela n’arrive pas souvent lors de la préparation d’un film. Il était clair qu’il se passait quelque chose de spécial.
Un narrateur a pour principale responsabilité de diviertir. Il peut le faire sur le mode comique ou dramatique. Il espère toujours émouvoir, inspirer. Il veut aussi être ému luimême; c’est alors qu’il est capable d’émouvoir. S’il part avec l’idée de simplement raconter un récit biblique, il tombe facilement dans le piège de se dire que les Écritures sont ennuyeuses, sévères ou sérieuses. Or, qu’y a-t-il de plus dramatique que l’histoire d’un enfant dont la mère refuse d’obéir à une loi injuste au point de risquer la vie de tous les membres de la famille ? Dès son premier cri, cet enfant vit une histoire étonnante et dramatique.
C. W.: Certains événements qui constituent cette histoire semblent particulièrement fantastiques, comme l’ouverture de la mer Rouge. Pourtant, ce n’est pas un fait imaginaire. Nous parlons d’événements au sujet desquels des millions de personnes pensent qu'ils se sont réellement passés. Comment rendre avec réalisme un récit d’envergure si épique ?
V. K.: Les producteurs tenaient beaucoup à ce que ce soit une histoire humaine. Elle contient quelques-uns des miracles les plus extraordinaires jamais contés, pourtant, ce récit reste accessible. La naissance de Moïse n’avait rien de spécial, elle était banale. C’est l’inspiration de sa mère qui a tout déclenché. Il est abandonné pour être élevé dans des circonstances hors du commun, mais il ne peut pas s'appuyer sur ses origines familiales. C’est l’histoire d’un homme ordinaire qui s’élève grâce à l’inspiration. Finalement, on le voit face à la mer Rouge. Ce qu’il va faire est considéré impossible. Mais la voix de Dieu lui parle, et à ce moment-là, il n’a pas peur. C’est pourquoi sa mission est claire.
J’ai pensé à plusieurs reprises à la remarque que fait Mary Baker Eddy: « Quant à nous, réunis aujourd’hui dans cette salle, nous sommes assez nombreux pour convertir le monde si nous avons un seul Entendement, car alors le monde entier sentira l’influence de cet Entendement... » (Écrits divers, p. 279.) A mes yeux, cela fait penser à ce qui se passait avec Moïse.
C. W.: Vos enfants sont encore très jeunes. Qu’ont-ils pensé de papa dans le rôle de Moïse ? Est-ce aussi bien que papa dans le rôle de Batman ?
V. K.: (rires) C’est mieux, en fait. Ma fille a sept ans maintenant. Elle ne sait pas trop pourquoi, mais elle se rend compte que les gens s’intéressent à ce personnage. Bien entendu, elle a ses propres raisons pour s’y intéresser. Mais elle aime vraiment en parler aux gens. Je suis certain que mes enfants pensent que c’est mieux que Batman. J’en suis sûr ! (Rires)
