En Novembre 1993, The New York Times a publié une lettre écrite en 1959 par C. G. Jung. Le célèbre psychologue y expliquait que, pour beaucoup, la vie n’avait plus de sens et que cette absence de raison d’être était, à son avis, liée à la perte de toute « perspective religieuse », c’est-à-dire de la foi. Jung estimait qu’il était essentiel, pour l’intégrité physique et mentale des hommes, de redonner une dimension religieuse à la vie, mais il reconnaissait que cela n’était pas très facile dans la société de son temps. Il terminait sa lettre sur ces mots: « Le problème ne saurait se résoudre par des formules toutes faites. Il exige une attention soutenue, un grand travail mental et, surtout, de la patience, chose très rare en ces temps d’agitation et de folie. »
Il semble que la patience soit, en effet, une qualité bien rare de nos jours. La tendance la plus fréquente est de vouloir tout de suite ce dont on a besoin (ou ce dont on pense avoir besoin), et de se croire obligé d’accomplir immédiatement, à l’instant même, sans attendre une seconde, ce qu’on est censé accomplir. Il se peut cependant qu’on n’ait jamais pris le temps (ni même cru avoir le temps) de bien réfléchir au sens profond d’un acte, à ce qu'il exige de soi et d'autrui, à ce qu’il implique concernant l’avenir. Et pour beaucoup, sinon pour la plupart des gens, il semble incompatible, avec un agenda déjà surchargé, de prier pour les affaires et les responsabilités quotidiennes. Vivre « sur les nerfs » en sautant d'un rendez-vous à l'autre, en jonglant avec les minutes afin de mettre un semblant d'ordre dans l'exécution des tâches quotidiennes (quand on ne se contente pas, emporté par le flot des événements, de garder la tête hors de l'eau) ne laisse guère de place à la patience et à la prière.
Une des significations données par le dictionnaire du mot patience est la suivante: « Qualité qui fait qu'on persévère dans une activité, un travail de longue haleine, sans se décourager. » La patience exige que l'on soit assidu et inébranlable dans ses efforts. Ceux qui ménagent à la prière une partie de leurs journées témoignent souvent de la paix et de la domination qu’ils en retirent. La prière devient le facteur le plus important de leur vie, elle les guide, leur procure la stabilité, donne un sens réel à ce qu'ils accomplissent. Ceux qui placent la prière au cœur de leur vie découvrent les grandes vertus de la patience. En passant du temps à communier avec Dieu, ils constatent que leur prière alimente leur patience.
Dans le livre d'étude de la Science Chrétienne, Science et Santé avec la Clef des Écritures de Mary Baker Eddy, l'auteur fait un certain nombre d'observations sur l'importance de la patience. Elle dit par exemple: « Attendez patiemment que l’Amour divin se meuve sur la surface des eaux de l’entendement mortel et qu’il forme le concept parfait. » Science et Santé, p. 454. Et l'apôtre Jacques écrit dans le Nouveau Testament: « Il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien. » Jacques 1:4.
L'Amour divin est Dieu et, lorsque nous suivons le sage conseil qui nous demande d’attendre patiemment que Dieu, l’Amour même, nous fasse connaître Sa volonté avant d’entreprendre une démarche ou de prendre une décision, nous nous évitons bien des découragements, des déceptions, des échecs et des chagrins.
Une telle patience, alimentée par la prière et le sens spirituel, n'est jamais un état de pensée statique ou passif. Nous n'imaginons pas Christ Jésus considérant le temps passé à prier comme une période de préparation personnelle en attendant de passer à l'action. Sa prière atteignait sans aucun doute son objectif sacré à chaque instant. Pourtant Jésus ne semblait jamais être bousculé, pressé ni préoccupé par la nécessité d'accomplir tout ce que Dieu lui avait donné à faire. Ses guérisons prouvèrent que la prière convient à la fois pour guider avec patience et pour atteindre son objectif à l'instant même.
Selon la Science Chrétienne, la prière est l'expression active de la sagesse et du dessein divins. Cette prière entraîne une prise de conscience du lien permanent qui nous unit à Dieu, l'unique Entendement infini, puisque nous sommes Son idée pure et parfaite, la manifestation intelligente de Son intelligence infinie.
La prière nous donne la compréhension spirituelle dont nous avons besoin pour accomplir la volonté de Dieu ici et dès maintenant. En même temps, elle transforme notre pensée et, par conséquent, le cours même de notre vie. C'est notre pensée qui détermine ce que nous vivons et comment nous le vivons. C'est pourquoi la prière patiente, par laquelle le Christ, la Vérité, nous régénère et nous inspire, n'est pas de l'inactivité, mais une activité vitale. C'est pourquoi la prière ne consiste pas simplement à attendre que quelque chose se passe, mais elle doit engendrer l'harmonie, le succès des entreprises désintéressées, la santé physique et mentale. La patience que nous cultivons ainsi ne peut retarder l'exécution de ce qui doit s'accomplir sur-le-champ. Elle nous donne la force de travailler davantage et de vivre plus intensément l'heure présente. Elle nous affranchit des limites imposées par l'entendement humain et le moi matériel. Elle nous prépare à accomplir, à l'instant même, tout le bien dont nous sommes capables.
Nous vivons peut-être en des « temps d'agitation et de folie », mais nous n'avons pas lieu d'être nous-mêmes fous ou agités! Nous pouvons toujours prier. Notre vie peut être une prière. Et n'oubliez pas qu'à chaque instant, à chaque heure que nous passons en communion paisible, humble et reconnaissante avec Dieu, nous donnons un sens réel à notre vie. Nous découvrons ce qui compte vraiment. Nous prenons conscience de ce que nous sommes. Et les moindres détails de notre journée seront transformés lorsque nous attendrons avec patience que l'Amour révèle en nous son dessein sacré.
